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Guinée

Démocratie «virtuelle», arrestations réelles

Sidya Toure, président de l'Union des forces républicaines (UFR) 

		(Photo AFP)
Sidya Toure, président de l'Union des forces républicaines (UFR)
(Photo AFP)
Arrestations de personnalités politiques de l’opposition, interdiction de sortie du territoire national signifiée à certains leaders politiques et un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme témoignent de l’équilibre politique précaire qui règne à Conakry

Dans le camp de l’Union des forces républicaines (UFR), parti d’opposition, trois arrestations sont intervenues, l’une après l’autre jetant un coup de froid sur le dialogue qui tend à s’établir à nouveau entre le pouvoir et l’opposition. L’opposition avait sa reconnaissance envers les gestes d’ouverture et de recherche du dialogue initiés par Moussa Sampil, le nouveau ministre de l’Intérieur. Mais l’arrestation le 29 mars dernier de Kaba Rougui Barry, membre de bureau politique de l’UFR et ancienne mairesse de Matam, commune de Conakry provoque un étonnement général. Après elle, Ibrahima Camara, alias «Capi», lui aussi membre du bureau politique de l’UFR résident à Paris et Baïdy Aribot, fonctionnaire de la Banque centrale ont été interpellés et écroués. Tous les trois, lors d’un récent séjour à Paris se seraient entretenus avec une tierce personne de la manière dont l’opposition pourrait procéder si elle veut réellement un changement de pouvoir en Guinée.

Ces discussions à bâtons rompus auraient servi de base de travail à cette «tierce personne» qui aurait alerté le pouvoir, qui à son tour, a conclu à «une tentative de déstabilisation du pouvoir en place». Après la garde à vue les prévenus ont découvert qu’ils étaient inculpés «d’atteinte à la sûreté de l’Etat»et incarcérés à la maison d’arrêt de Conakry. Kaba Rougui Barry, avait contesté son arrestation en refusant de s’alimenter, alors qu’elle était déjà souffrante. Son état de santé s’est rapidement détérioré, mais aujourd’hui les médecins appelés à son chevet ont déclaré que ses jours, pour le moment, n’étaient pas en danger. Malgré les indignations exprimées de part et d’autre et la faiblesse du dossier d’accusation, selon l’avocat des détenus, la Justice n’a pas levé son mandat de dépôt à l’encontre des personnalités de l’UFR, «ce qui laisse bien voir que le problème est purement politique» laisse-t-on entendre dans le milieu politique guinéen.

L’opposition se remobilise

«Le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG)exige la libération immédiate et inconditionnelle des responsables de l’UFR arrêtés et détenus de façon arbitraire dans les prisons politiques de Lansana Conté» peut-on lire dans un communiqué du RPG qui en appelle également à communauté internationale pour qu’elle «s’implique davantage dans la défense de la dignité humaine» en Guinée. Pour débattre de cette situation, la coalition des partis d’opposition regroupés au sein du Front républicain pour une alternance démocratique (FRAD) tiendra une réunion à Conakry le 18 avril prochain. D’autres manifestations sont également prévues à Paris.


Mamadou Bâ (G), président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) 

		(Photo AFP)
Mamadou Bâ (G), président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG)
(Photo AFP)

Pour l’opposition guinéenne en général, la situation de vient préoccupante. Sidya Touré, leader de l’UFR et Mamadou Bâ président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), se sont vus signifier une interdiction de sortie du territoire, à l’aéroport de Conakry-Gbessia alors qu’il s’apprêtaient à embarquer pour Dakar, le 11 avril dernier. Dans une lette ouverte de l’UFDG au président de la République et un communique de l’UFR Mamadou Bâ et Sidya Touré ont dénoncé des «<I>violations graves des droits de l’Homme et des dérives totalitaires intolérables</I>». Ces leaders politiques ont profité de la situation pour rappeler que de nombreux soldats «sont toujours, et pour des motifs non encore indiqués, privés de leur liberté, sans pour autant qu’ils soient déférés devant les tribunaux».

Alors que ces faits agitent la classe politique guinéenne, un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) vient enfoncer le clou, en qualifiant la Guinée de «démocratie virtuelle». «Le régime du président Lansana Conté a transformé la vie politique et sociale guinéenne en une caricature de démocratie, dans laquelle sont violés les droits et libertés inscrits dans la loi fondamentale», poursuit le rapport. Deux commissions de la FIDH avaient séjourné en novembre 2003 et en février 2004 pour travailler à l’établissement dudit rapport intitulé «une démocratie virtuelle, un avenir incertain».


par Didier  Samson

Article publié le 14/04/2004 Dernière mise à jour le 14/04/2004 à 17:55 TU