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Pologne

Démission pour un nouveau départ

<P>En désignant le nouveau Premier ministre Marek Belka, le président tourne la page d'une période marquée par des relations déjà conflictuelles avec certains futurs partenaires de l'Union.</P> 

		(Photo : AFP)

En désignant le nouveau Premier ministre Marek Belka, le président tourne la page d'une période marquée par des relations déjà conflictuelles avec certains futurs partenaires de l'Union.


(Photo : AFP)

Symboliquement, alors que la Pologne faisait son entrée dans l’Union européenne, le président Aleksander Kwasniewski désignait dimanche un nouveau Premier ministre. L’économiste Marek Belka succéde à Leszek Miller à la tête du nouveau gouvernement polonais.


Bien que le nouveau Premier ministre appartienne à la même formation politique que son prédécesseur, le parti social-démocrate SLD, en désignant Marek Belka le président Kwasniewski tourne la page d’une période marquée par l’instabilité politique, une crise de confiance liée à des scandales, des relations déjà conflictuelles avec certains futurs partenaires de l’Union européenne et un suivisme remarquable vis-à-vis de la politique américaine.

Pourtant avec ses 39 millions d’habitants, ses 312 000 km² et la position qu’elle occupe, aux confins de l’Union Européenne, la Pologne est indiscutablement l’un des poids lourds de l’ensemble qu’elle vient d’intégrer. C’est un pays frontalier de l’ex-URSS, limitrophe de la Russie par l’enclave de Kaliningrad, de la Biélorussie et de l’Ukraine qui ne cache pas sa volonté de rejoindre l’Union (et l’Otan) et qui dispose du soutien de Varsovie. La Pologne européenne se veut en effet l’avocate d’une Union ouverte à ses voisins post-soviétiques, balkaniques et caucasiens. Ceux qui, en tout cas, satisferont aux critères d’adhésion.

Pourtant, au cours de l’année écoulée, la marche européenne de la Pologne a provoqué quelques interrogations sur les buts réels qu’elle poursuivait. Tout d’abord en marquant les limites de son engagement européen en s’opposant à la perte d’influence sur les décisions communautaires qu’avait octroyé le traité de Nice (2001) aux pays les plus peuplés de l’ensemble. Depuis la présentation du projet de constitution de l’Union, voici un an, Madrid et Varsovie entretenaient une guerre ouverte contre l’adoption du texte en l’état. Avec le changement de majorité en Espagne et les nouvelles orientations pro-européennes de la politique extérieure espagnole, l’isolement de Varsovie sur ce terrain-là semble avoir substantiellement modifié l’approche polonaise de la questionet il n’est plus question d’obstacles mais d’un compromis attendu dés le prochain sommet de l’UE, à la mi-juin à Bruxelles.

Porte-avion américain de l’UE

Le souci de la Pologne d’installer son rôle de puissance européenne et régionale s’accompagne d’une farouche volonté d’indépendance et de sécurité qui conduit Varsovie à mener une politique étrangère apparemment plus proche de celle de Washington que de Bruxelles. Au cours des siècles, et plus particulièrement durant le XXème siècle, ce pays à cruellement souffert des appétits de conquêtes de ses voisins. Il a été trahi, envahi, humilié, dépecé, abandonné, et les séquelles laissées par son histoire tragique l’ont conduit à éprouver la plus grande méfiance à l’égard de ses voisins, de l’Est comme de l’Ouest.

D’autre part Varsovie dispose d’une diaspora américaine forte de 10 millions d’âmes, fruit des grandes vagues d’immigration des peuples européens au cours des XIXème et XXème siècles, particulièrement active et organisée au sein d’un lobby polonais attentif aux conséquences de la politique de Washington sur leur pays d’origine. Autant d’éléments qui alimentent la distance entre Varsovie et Bruxelles et la proximité entre la Pologne et les Etats-Unis qui, de leur côté, ne peuvent que se féliciter de la présence de cet allié au sein de l’Union. Aujourd’hui encore, domine l’idée que Washington a fait davantage pour soutenir Varsovie dans ses épreuves que l’ensemble de ses nouveaux partenaires européens.

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la détermination polonaise à rejoindre l’organisation militaire Otan (conduite par Washington) en 1999, puis la préférence affichée, l’année dernière, pour le matériel américain plutôt qu’européen pour la modernisation de l’armée polonaise, enfin le soutien polonais aux Etats-Unis dans la guerre en Irak, où les autorités de Varsovie ont déployé 2 400 hommes contre l’avis de leur opinion publique.

Etats d’âme

La contre-partie a-t-elle été à la hauteur de l’investissement? La défection de Madrid qui, depuis le changement de majorité aux Cortès annonce le retrait des troupes espagnoles de la coalition, mais surtout les mensonges de l’administration américaine sur les armes irakiennes de destruction massive ont porté un rude coup à l’axe Washington-Varsovie. Les contrats à la reconstruction de l’Irak octroyé aux entreprises polonaises par les Américains ne semblent pas à la hauteur des attentes. Enfin, en début d’année, le président polonais en visite aux Etats-Unis n’a pas réussi à convaincre son homologue américain de renoncer à exiger des visas pour ses concitoyens, soupçonnés d’alimenter le travail clandestin. A ce stade, la confiance entre les deux alliés n’est pas encore entamée, mais l’illusion d’un partenariat équilibrée s’estompe et fait place à la désillusion.

Cette évolution ne bouleversera vraisemblablement pas l’état d’esprit des Polonais, dont l’histoire récente est encore bien trop marquée par les souffrances humaines et les contentieux territoriaux. Mais elle est certainement de nature à rééquilibrer une diplomatie polonaise suspecte de duplicité et de confondre souveraineté et arrogance. Les modifications, si elles ont lieu, seront gérées par une nouvelle équipe, dirigée par le nouveau Premier ministre, Marek Belka. Nommé dimanche par le président, il dispose d’un délai de deux semaines pour obtenir la confiance du gouvernement. Outre les dossiers diplomatiques, il trouvera un pays dont 20% de la population active est au chômage, dont la vie publique est entachée d’une série de scandales liés à des affaires de corruption, dont le PIB par habitant est de 5 290 euros, soit cinq fois moins que celui d’un Allemand et dix fois moins que celui d’un Luxembourgeois. Au cours de ces derniers mois Marek Belka était chargé des affaires économiques au sein de l’administration intérimaire américaine en Irak, dirigée par Paul Bremer.



par Georges  Abou

Article publié le 03/05/2004 Dernière mise à jour le 03/05/2004 à 15:12 TU