Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Union européenne

Le sommet de la concorde

La gravité des attentats commis à Madrid, l’émotion qu’ils suscitent et le poids de la menace terroriste sur les capitales européennes replaceront évidemment les questions d’actualité au centre des débats des 25 jeudi et vendredi, à Bruxelles. Madrid, et ses conséquences électorales, ont créé une situation européenne nouvelle et bouleversé les alliances au sein de la communauté. Les attentats perpétrés dans la capitale espagnole ont créé un contexte propice à la solidarité des Européens et à l’adoption de mesures communes autour de thèmes fédérateurs, notamment sur le dossier de la lutte contre le terrorisme et la relance des discussions sur la constitution.
Selon l’hebdomadaire londonien The Economist, le départ du président du gouvernement espagnol «fera basculer l’équilibre du pouvoir au sein de l’Union européenne», au profit de l’Allemagne et la France. Et au détriment d’un atlantisme soutenu par les alliés des États-Unis. L’irruption du terrorisme le plus brutal au sein de l’Union a officiellement relégué au second plan les divisions de ces derniers mois sur le soutien à Washington. Nombre de pays européens associées à Washington dans sa guerre en Irak considèrent désormais que leur engagement fut «une erreur», et que l’occupation est «un désastre» (José Luis Zapatero), voire qu’ils ont été «leurré(s)» (Aleksander Kwasniewski) sur l’argument des armes de destruction massive utilisé par l’administration américaine pour déclencher la guerre.

Pourtant, nul n’ignore que la force d’attraction de l’Union européenne s’arrête au point précis où surgissent les questions de défense. Là, l’alliance transatlantique reprendra tôt ou tard toute sa vigueur. Dans ce domaine, faute de défense européenne crédible pour appuyer sa différence diplomatique, Washington détient encore les meilleurs atouts.

En tout cas il est incontestable que les dossiers de politique étrangère ont pris une importance centrale dans la construction européenne et que les débats transcendent aujourd’hui les clivages politiques traditionnels. Alors que le travailliste Tony Blair devrait se féliciter de l’arrivée au pouvoir des socialistes espagnols, il perd un allié précieux et c’est paradoxalement le libéral Jacques Chirac qui en tire les bénéfices !

Cette nouvelle donne pourrait se traduire par l’adoption de mesures visant à améliorer la coordination dans le combat contre le terrorisme, notamment dans le domaine du partage des renseignements, dont l’efficacité est encore faible, et celui de la coopération policière et judiciaire. La Grande-Bretagne qui, crispée sur son principe de souveraineté, rechignait à s’engager sur cette voie pourrait consentir à lâcher du lest à cette occasion. Parmi les mesures concrètes, il est également question de créer un poste de «Monsieur Terrorisme» pour synchroniser les politiques au sein des Etats membres.

Une constitution d’ici six mois ?

A l’issue de ce dernier sommet, après le fiasco de la conférence intergouvernementale (CIG) chargée de mettre la dernière main et d’adopter la constitution européenne, tous les commentateurs se résignaient à une année 2004 marquée par l’immobilisme. Or, là aussi, sous l’effet conjugué de l’activisme de la présidence irlandaise et de l’atmosphère créé par l’affaire madrilène, les événements se sont précipités. Avec l’affaiblissement de l’axe formé par la Pologne et l’Espagne, noyau dur de l’opposition au projet de constitution européenne fondé sur l’adoption des projets à la double majorité, «l’atmosphère a complètement changé», a confirmé le commissaire européen Michel Barnier et après avoir parcouru les différentes capitales, le Premier ministre irlandais juge maintenant possible d’aboutir avant la fin de son mandat, fin juin.

Le projet rejeté l’année dernière prévoyait l’adoption des décisions sur la base de la réunion de 50% des États, représentant 60% des citoyens de l’Union. Afin de satisfaire les opposants auxquels le traité (provisoire) de Nice avaient accordé une influence plus déterminante dans la prise de décisions, il est question de modifier ces taux à 54% des Etats, représentant 64% de la population de l’ensemble. Une autre hypothèse en circulation évoque une formule 55/55. La discussion est d’autant plus ouverte que l’une des premières déclarations politiques du nouveau Premier ministre espagnol a été d’affirmer sa volonté de parvenir rapidement à un accord et de retrouver toute sa place au sein de l’Union, après avoir longuement joué la carte des relations privilégiées avec Washington.

Isolé, son partenaire polonais multiplie depuis les signes de bonne volonté et souligne le caractère positif des dernières propositions formulées par la présidence irlandaise. Varsovie veut aujourd’hui «sortir de l’impasse». «Les termes ‘Nice ou la mort’ ne seront pas de rigueur», déclarait samedi le Premier ministre polonais à la veille d’une rencontre avec le chancelier allemand.

En tout cas, trois mois après l’échec du dernier sommet européen, en décembre, il n’est plus question d’une Europe à deux vitesses, notamment évoquée par le président français qui envisageait la formation de «groupes pionniers» dans certains domaines.

A lire également :

La constitution à portée de main
Chronique Europe de Valérie Lainé

A écouter également :

Thierry Parisot, du service Europe de RFI au micro de Frédérique Genot (25/03/2004, 5'05")

James McIntyre, le porte-parole de la présidence irlandaise au micro de Noëlle Velly (25/03/2004, 9'24")

Eric Denécé, directeur du centre français de recherche sur le renseignement au micro de Patrick Adam (25/03/2004, 3'07")



par Georges  Abou

Article publié le 25/03/2004