Union européenne
Crise entre les institutions juives et la Commission
Deux responsables d’organisations juives internationales s’en prennent violemment à la Commission européenne pour les enquêtes qu’elle publie et ne publie pas sur la perception d’Israël et la recrudescence d’un antisémitisme musulman provocant et agressif.
La lettre publiée par le Financial Times, et cosignée par les présidents du Congrès juif mondial et du Congrès juif européen, démarre par une accusation d’antisémitisme sans équivoque à l’égard de la Commission européenne. Edgar M. Bronfman et Cobi Benatoff écrivent : «L’antisémitisme peut s’exprimer de deux manières : par l’action et par l’inaction. Remarquablement, la Commission européenne est coupable des deux».
L’accusation est argumentée. Elle s’articule autour de deux axes, deux documents émanant de l’Union européenne, l’un publié, l’autre «censuré» selon les auteurs. Le premier, publié en novembre 2003, faisait état d’un sondage d’opinion (Eurobaromètre) montrant que les citoyens de l’Union (59%) classaient Israël en tête des pays constituant une menace pour la paix mondiale, devant la Corée du Nord, l’Iran et les Etats-Unis. Le document avait alors provoqué l’indignation des Israéliens. Dans le second, datant du mois de décembre et finalement tardivement publié après que le Congrès juif mondial l’eut largement diffusé, le Centre européen de surveillance du racisme et de la xénophobie concluait à la responsabilité de musulmans et de militants pro-palestiniens dans la recrudescence des actes antisémites en Europe.
Le Centre, basé à Vienne, avait décidé de ne pas le publier car il était, selon lui, basé sur un échantillon trop faible. «Pour l’Union européenne, le fait d’avoir caché ces faits pue la malhonnêteté intellectuelle et la traîtrise morale», écrivent les deux responsables juifs car, selon eux, «ces deux faits étaient politiquement motivés et montrent la faillite de la volonté et de la décence».
Cependant, malgré cette charge, les deux hommes déclarent attendre les résultats du séminaire organisé à l’initiative du président de la Commission, le mois prochain. «Un test capital», déclare messieurs Bronfman et Benatoff. Romano Prodi en avait décidé la tenue, en accord avec les responsables juifs, peu après la publication du sondage classant Israël comme la principale menace pour la paix, selon les Européens.
Mais le séminaire risque fort de ne pas se tenir après la décision du président de la Commission européenne d’en suspendre la préparation. Dans une lettre adressée lundi à Edgar Bronfman et Cobi Benatoff, Romano Prodi se déclare «surpris et choqué» et accuse à son tour les deux hommes «d’aller à l’encontre de leurs intérêts mutuels». Il rejette les accusations et souligne que les critiques formulées par les deux hommes ne prennent pas en compte l’autonomie de l’auteur du rapport sur la responsabilités de minorités islamiques dans la recrudescence des actes antisémites en Europe. «Vous savez parfaitement que le centre de Vienne est une institution indépendante et que la Commission européenne n’a pas le pouvoir d’interférer dans ses décisions», écrit notamment Romano Prodi.
Le «politiquement correct» et la raison d’Etat
Selon l’un de ses proches collaborateurs, ce dernier a été «profondément déçu», avant d’être gagné par la «colère» pour finalement se sentir «offensé» par l’article, et trahi par le président du Congrès juif européen dont il avait, en d’autres occasions, reçu les hommages pour sa contribution à la lutte contre l’antisémitisme. «J’espère sincèrement que vous allez créer les conditions pour reprendre aussi vite que possible le dialogue bénéfique et indispensable entre nos institutions», écrit M. Prodi dans sa réponse. Car on veut croire de part et d’autre que l’occasion n’est pas définitivement perdue. Selon le collaborateur de M. Prodi, interrogé par le Herald Tribune, le séminaire aura lieu «si nous sommes en mesure de réduire cette incompréhension». «Nous voulons que cette rencontre ait lieu, mais pas à n’importe quel prix», déclare Marco Vignudelli. «La balle est dans leur camp», affirme le directeur du Groupe de conseillers politiques de la Commission, Ricardo Levi.
Cet incident constitue l’ultime épisode d’une lente détérioration des relations entre de nombreux juifs européens et les communautés nationales auxquelles ils appartiennent en raison d’un contexte peu propice à la révélation des faits. Malgré les mises en garde répétées des juifs et l’accumulation de témoignages irrécusables, le dossier de l’antisémitisme reste en effet extrêmement sensible dans le contexte historique européen et compliqué par l’ambiance internationale d’exploitation de la «guerre des civilisations», du conflit du Proche-Orient, du terrorisme international, de l’écriture inaboutie de l’histoire coloniale, des discriminations persistantes contre les immigrés (toutes générations confondues). Dans cette atmosphère, l’absence de réaction officielle contre ces nouvelles persécutions antisémites provoque naturellement chez les juifs d’évidentes réactions de colère alimentée par un fort sentiment de trahison face aux nécessités du «politiquement correct» et de la raison d’Etat… européenne.
L’accusation est argumentée. Elle s’articule autour de deux axes, deux documents émanant de l’Union européenne, l’un publié, l’autre «censuré» selon les auteurs. Le premier, publié en novembre 2003, faisait état d’un sondage d’opinion (Eurobaromètre) montrant que les citoyens de l’Union (59%) classaient Israël en tête des pays constituant une menace pour la paix mondiale, devant la Corée du Nord, l’Iran et les Etats-Unis. Le document avait alors provoqué l’indignation des Israéliens. Dans le second, datant du mois de décembre et finalement tardivement publié après que le Congrès juif mondial l’eut largement diffusé, le Centre européen de surveillance du racisme et de la xénophobie concluait à la responsabilité de musulmans et de militants pro-palestiniens dans la recrudescence des actes antisémites en Europe.
Le Centre, basé à Vienne, avait décidé de ne pas le publier car il était, selon lui, basé sur un échantillon trop faible. «Pour l’Union européenne, le fait d’avoir caché ces faits pue la malhonnêteté intellectuelle et la traîtrise morale», écrivent les deux responsables juifs car, selon eux, «ces deux faits étaient politiquement motivés et montrent la faillite de la volonté et de la décence».
Cependant, malgré cette charge, les deux hommes déclarent attendre les résultats du séminaire organisé à l’initiative du président de la Commission, le mois prochain. «Un test capital», déclare messieurs Bronfman et Benatoff. Romano Prodi en avait décidé la tenue, en accord avec les responsables juifs, peu après la publication du sondage classant Israël comme la principale menace pour la paix, selon les Européens.
Mais le séminaire risque fort de ne pas se tenir après la décision du président de la Commission européenne d’en suspendre la préparation. Dans une lettre adressée lundi à Edgar Bronfman et Cobi Benatoff, Romano Prodi se déclare «surpris et choqué» et accuse à son tour les deux hommes «d’aller à l’encontre de leurs intérêts mutuels». Il rejette les accusations et souligne que les critiques formulées par les deux hommes ne prennent pas en compte l’autonomie de l’auteur du rapport sur la responsabilités de minorités islamiques dans la recrudescence des actes antisémites en Europe. «Vous savez parfaitement que le centre de Vienne est une institution indépendante et que la Commission européenne n’a pas le pouvoir d’interférer dans ses décisions», écrit notamment Romano Prodi.
Le «politiquement correct» et la raison d’Etat
Selon l’un de ses proches collaborateurs, ce dernier a été «profondément déçu», avant d’être gagné par la «colère» pour finalement se sentir «offensé» par l’article, et trahi par le président du Congrès juif européen dont il avait, en d’autres occasions, reçu les hommages pour sa contribution à la lutte contre l’antisémitisme. «J’espère sincèrement que vous allez créer les conditions pour reprendre aussi vite que possible le dialogue bénéfique et indispensable entre nos institutions», écrit M. Prodi dans sa réponse. Car on veut croire de part et d’autre que l’occasion n’est pas définitivement perdue. Selon le collaborateur de M. Prodi, interrogé par le Herald Tribune, le séminaire aura lieu «si nous sommes en mesure de réduire cette incompréhension». «Nous voulons que cette rencontre ait lieu, mais pas à n’importe quel prix», déclare Marco Vignudelli. «La balle est dans leur camp», affirme le directeur du Groupe de conseillers politiques de la Commission, Ricardo Levi.
Cet incident constitue l’ultime épisode d’une lente détérioration des relations entre de nombreux juifs européens et les communautés nationales auxquelles ils appartiennent en raison d’un contexte peu propice à la révélation des faits. Malgré les mises en garde répétées des juifs et l’accumulation de témoignages irrécusables, le dossier de l’antisémitisme reste en effet extrêmement sensible dans le contexte historique européen et compliqué par l’ambiance internationale d’exploitation de la «guerre des civilisations», du conflit du Proche-Orient, du terrorisme international, de l’écriture inaboutie de l’histoire coloniale, des discriminations persistantes contre les immigrés (toutes générations confondues). Dans cette atmosphère, l’absence de réaction officielle contre ces nouvelles persécutions antisémites provoque naturellement chez les juifs d’évidentes réactions de colère alimentée par un fort sentiment de trahison face aux nécessités du «politiquement correct» et de la raison d’Etat… européenne.
par Georges Abou
Article publié le 06/01/2004