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Union européenne

Le miracle n’a pas eu lieu

Le sommet européen de Bruxelles s’est achevé sur un constat d’échec. Les 25 pays membres de la future Union élargie n’ont pas surmonté leurs divergences sur la question constitutionnelle fondamentale du vote au sein du futur conseil des ministres de l’UE. «La situation n’était pas mûre. Il aurait fallu plus de temps», a commenté le président en exercice de la conférence des chefs d’Etat, Silvio Berlusconi cité par un diplomate. Conséquence de cet échec: l'idée d'une Europe à deux vitesses progresse parmi les membres-fondateurs de l'Union.
L’adoption de la constitution a butté, comme prévu, sur la formule de l’équilibre entre l’égalité des Etats et leur poids démographique respectif. Le projet prévoyait un mode de décision soumis à la réunion d’une majorité d’Etats représentant 60% de la population européenne. L’hostilité de la Pologne et de l’Espagne n’a pas faibli en dépit des nombreux entretiens bilatéraux et tentatives de conciliation pour tenter de sauver le projet. Peine perdue : Varsovie et Madrid n’ont pas renoncé aux avantageuses conditions de représentation que leur avait accordé le sommet de Nice, en 2000, et les 25 dirigeants ont dû officiellement constaté leur désaccord en début d’après-midi.

Cet échec risque d’être lourd de conséquences car, s’il n’hypothèque pas le fonctionnement de l’Union, il rappelle que les préoccupations et les ambitions nationales des Etats membres ne sont jamais tout à fait absentes des décisions prises. Les derniers épisodes communautaires le suggéraient déjà, et notamment les libertés prises par l’Allemagne et la France en matière de pacte de stabilité. La conférence qui s’achève le confirme et l’adhésion européenne des citoyens pourrait finir par s’en ressentir.

En tout cas, les chefs d’Etat et de gouvernement ont tenté de dédramatiser la situation. Le président français s’est employé à minimiser l’échec. «Cela n’a rien d’une crise exceptionnelle (…). Nous avons des institutions qui fonctionnent», a déclaré Jacques Chirac. «Au fur et à mesure que l’Europe s’élargit, les esprits rétrécissent», a regretté le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui a écarté l’idée, tout comme Silvio Berlusconi, de créer une Europe à deux vitesses, avec un noyau dur qui poursuivrait sa construction sans s’encombrer des récalcitrants.

Car déjà apparaît la tentation de former des «groupes pionniers» pour permettre à l’Europe, selon la formule suggérée par Jacques Chirac lors de la conférence de presse finale, d’aller de l’avant malgré cet échec. S’appuyant sur l’exemple de la création de l’espace Schengen ou de la monnaie unique, le président français a soutenu que «ça donnera un moteur, ça donnera un exemple, ça permettra d’aller plus vite, plus loin, mieux». L’idée est favorablement accueillie au sein du groupe fondateur de l’Union, notamment par l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg. L’idée avait déjà été évoquée. Les événements la renforcent. Samedi soir à Varsovie, le président polonais, a exhorté la France et l’Allemagne de ne pas céder à la tentation : «Notre philosophie, pour ces discussions, est celle d’un développement conjoint au sein de l’Union élargie, à la même vitesse pour tout le bloc», a souligné Aleksander Kwasniewski.

Plus de calendrier

Finalement le chef du gouvernement luxembourgeois s’est voulu rassurant et s'est déclaré convaincu que la Conférence intergouvernementale «continuera sous présidence irlandaise, puis probablement sous présidence néerlandaise», à partir de juillet 2004. Sachant qu’il sera lui-même le repreneur de «l’affaire» au premier janvier 2005.

Pour l’avenir, la prudence est donc de mise. En conséquence, personne n’accablerait la future présidence irlandaise de l’Union si elle ne parvenait pas à conclure les travaux. Le dossier lui est simplement transmis. D’ores et déjà le Premier ministre irlandais a annoncé qu’«il n’y aura pas d’autre Conférence intergouvernementale dans les quelques mois qui viennent». «Je ne pense pas qu’avant mars il y aura un accord. Il n’y a pas assez de volonté politique pour trouver un accord», a souligné Bertie Ahern. Dans les couloirs du sommet on précisait sagement que, cette fois, «on ne se fixera pas de date pour terminer».

Pourtant, il ne s’est pas rien passé au cours de ces dernières heures, à Bruxelles. Des sièges d’agences européennes, en litige depuis plusieurs années parfois, ont été distribués. L’agence pour la sécurité des aliments ira à Parme, en Italie. Celle sur l’évaluation des produits chimiques revient à Helsinki, en Finlande. Lisbonne obtient l’agence pour la sécurité maritime, Cologne pour la sécurité aérienne et Lille celle de la sécurité ferroviaire. La Suède accueillera le centre européen de prévention des maladies. Enfin l’Espagne abritera l’agence de la pêche.

L’Europe de la défense a également franchi un «pas non négligeable», selon Jacques Chirac, avec la création d’une cellule militaire de l’Union autonome de l’organisation militaire euro-américaine OTAN. Un accord salué par le Britannique Tony Blair et qui, selon le président du conseil italien, «plaira certainement à nos amis américains».



par Georges  Abou

Article publié le 14/12/2003