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Union européenne

Quand la politique reprend tous ses droits

Au sein de l’Union européenne les opinions divergent sur les suites à donner à la mise entre parenthèses par la France et l’Allemagne du pacte de stabilité et de croissance. Maintien strict des principes, aménagements pour les atténuer ou réforme plus profonde, deux logiques s’affrontent, celle du droit communautaire et celle de la politique.
A tous ceux qui dénoncent l’Union européenne comme le royaume de la technocratie et du juridisme, les ministres des Finances ont apporté un démenti. Quoi de plus politique que la décision longuement négociée de ne pas appliquer aux deux poids lourds économiques de la communauté toute la rigueur de la loi pour non respect du pacte de stabilité et de croissance ?

Romano Prodi, président de la Commission européenne aurait-il oublié que les différents conseils de ministres de l’Union européenne, comme les sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, sont des instances hautement politiques où prévaut le compromis, et non des cénacles de juristes. Ayant pourtant occupé des fonctions gouvernementales avant de s’installer à Bruxelles, et aspirant probablement à y retourner, il reste dans son rôle en déniant aux ministres de prendre des mesures de «convenance» pour amender ou suspendre le pacte dont il avait lui-même dénoncé la «stupidité».

Le commissaire aux Affaires économiques Pedro Solbes a souligné que l’Union européenne basculait d’un «système fondé sur les règles à un système basé sur des décisions politiques». La Commission n’a d’ailleurs pas exclu de déposer un recours devant la Cour européenne pour ce qu’elle compare à un «coup de force» des ministres des Finances. Toutefois, soufflant le froid et le chaud, Romano Prodi a, dans le même mouvement, annoncé une initiative de nature à améliorer les objectifs et les instruments de la politique économique de l’Europe dans l’avenir.

Deux poids, deux mesures

Les pays opposés à cette attitude de mansuétude excessive à l’égard de la France et de l’Allemagne, tels l’Espagne, la Pologne ou les Pays-Bas ont manifesté leur amertume. Le Premier ministre polonais Lesnek Miller a relevé que les «petits» pays de l’Union, comme le sien, pouvaient bien être menacés de sanctions et épinglés pour leur laxisme, mais pas les «grands» qui peuvent aisément s’affranchir du respect des règles. Cette accusation de faire deux poids deux mesures dans l’Union n’est pas exprimée pour la première fois par ces pays, mais elle pourrait avoir des conséquences très rapidement.

Les négociations sur les futures instances européennes, dans le cadre de la conférence intergouvernementale qui se poursuit le week end prochain à Naples, ne vont pas en être facilitées. Plus que jamais l’Espagne et la Pologne entendent préserver, dans la future constitution, les droits des petits pays afin de pouvoir s’opposer, en cas de besoin, aux volontés du couple franco-allemand.

La France est bien consciente du danger et Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, a tenu a préciser par avance qu’à ses yeux le pacte de stabilité «à aucun moment ne doit être lié à d’autres échéances».

Quant à l’avenir de ce texte, les deux fauteurs de trouble au sein de l’Union ne sont même pas d’accord. La France qui estime que l’esprit de l’Europe l’a emporté sur la lettre des traités, plaide pour une réforme. Mais pas maintenant «à chaud», plutôt en 2005, quand le retour à des déficits publics acceptables aura été réalisé. L’Allemagne adopte une curieuse posture affirmant, par la voix du ministre des Finances Hans Eichel, que le pacte de stabilité demeure intact et a fait ses preuves comme instrument de coordination exigeant, tout en ne l’appliquant pas.

Les arguments présentés en faveur du respect strict du pacte de stabilité portant sur la crédibilité de l’Union européenne et la confiance dans l’euro sont, concernant au moins la monnaie unique européenne, sans fondement apparent. L’euro poursuivait son ascension par rapport au dollar, à 1,19 dollar pour un euro, et cela en dépit d’indicateurs américains meilleurs que prévus. Plus qu’au respect du pacte européen, les marchés financiers semblaient avoir l’œil rivé sur l’importance des déficits américains et les dangers qu’ils recèlent à terme.



par Francine  Quentin

Article publié le 27/11/2003