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Congo démocratique

Comment reconstruire un pays éclaté

Un marché à Bunia en RDC. Les violences persistantes empêchent la reconstruction et le développement du commerce dans le pays. 

		(Photo: AFP)
Un marché à Bunia en RDC. Les violences persistantes empêchent la reconstruction et le développement du commerce dans le pays.
(Photo: AFP)
La reconstruction de la République démocratique du Congo est la priorité affichée du gouvernement de réconciliation. Mais les violences persistantes compromettent cette ambition.
De notre envoyée spéciale à Kinshasa

A Kinshasa, capitale grouillante d’un des plus vastes pays d’Afrique, meurtri par plusieurs années de guerre, la transition démocratique entre factions rivales se prépare laborieusement, au jour le jour, sous la houlette du président Joseph Kabila, alors que des affrontements violents continuent toujours dans des nombreuses régions comme celles des Kivu à l’est, de l’Ituri au nord-est et du Katanga…

A peine sortis d’un séminaire international sur la gestion de la transition et les institutions d’appui à la démocratie, préparé par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le ministère des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), les responsables du gouvernement de transition, composés des ennemis d'hier, se sont penchés sur les nouvelles tensions avec le Rwanda. Ce pays voisin est accusé à nouveau d’intervenir militairement à l’est, où s'affrontent aussi les forces armées congolaises et des milices interahamwe –des Hutus rwandais accusés du génocide de 1994. Mais la région de l’Ituri plus au nord n’est pas non plus pacifiée malgré l’intervention européenne Artemis menée à Bunia par la France et la présence de la MONUC (force des Nations unies) qui lui a succédé.

Julia Taft, une des responsables du PNUD, qui a effectué une visite dans le pays du 22 au 26 avril, se rendant notamment, outre Kinshasa, à Kindu, Beni et Bunia, a estimé qu’il fallait «sauver l’Ituri» où la violence a déjà fait dans le passé 50 000 morts et chassé 500 000 personnes de chez elles. Des groupes armés soutenus par l’Ouganda ou le Rwanda sont toujours actifs dans cette région où sévissent les milices antagonistes. Pour la responsable du PNUD, la reconstruction et la relance de l’activité économique ne peuvent se faire que dans un environnement pacifique, sans armes et sans violence alors qu’une «étincelle suffirait à mettre le pays à feu et à sang».

Car le véritable enjeu est là: la reconstruction d’un pays tombé dans la pauvreté abjecte alors qu’il dispose d’un potentiel minier et agricole énorme et qu’il bénéficie pour le moment du soutien de la communauté internationale. Celle-ci s’est engagée à fournir une aide de 3,9 milliards de dollars sur trois ans, dont un peu plus d’un milliard en 2004.

Absence d’infrastructures pour acheminer l’aide

Mais d’autres régions sont aussi dans la tourmente en particulier le Katanga où des groupes se réclamant des Maï-Maï attaquent et pillent de nombreux villages et s’affrontent parfois violemment aux forces armées congolaises (FAC). Les représentants de la section française de l’organisation humanitaire MSF présente dans le nord de cette province font état de vastes déplacements de populations qui souffrent de malnutrition et ont un besoin urgent de soins médicaux.

Contrairement à d’autres pays comme l’Éthiopie ou l’Angola, la RDC n’a pas connu un afflux d’organisations humanitaires, découragées peut-être, selon les différentes sections de MSF opérant à travers le pays, ou le CICR, par l’immensité du pays et l’absence d’infrastructures qui rendent très difficile l’acheminement de l’aide. Car la réhabilitation de l’administration et des instances financières et judiciaires, tout comme la réorganisation de la police et de l’armée, doit s’accompagner de la reconstruction des infrastructures.

«Nous avons réussi à renouer avec la croissance», estime le vice-ministre du Plan Raymond Tshibanda qui fait état d'une expansion de 5% du PIB pour 2003 et d’une prévision à 6% pour 2004. «Pour combattre la pauvreté, nous devons suivre une politique rigoureuse», ajoute-t-il, soulignant que la reprise économique passe par le libéralisme et la défense du secteur privé. Ce point de vue est partagé par Jean-Pierre Bemba, un des vice-présidents du gouvernement de transition et chef du MLC, dont les troupes ont été accusées d’exactions aussi bien en RDC qu’en République centrafricaine. Bemba, qui dirige la commission économique et financière de la RDC, préfère parler économie que politique, se présentant comme conciliant et soulignant que les soldats coupables de violences ont été punis. Il se félicite que l’inflation «qui avait atteint 500% soit tombée à 4% en six mois» et que le taux du franc congolais par rapport au dollar soit passé de 440 à 380.

Pour le vice-ministre du Plan, toutefois, «seul l’État peut réhabiliter les infrastructures». Il évoque à ce propos «la reconstruction des routes, le draguage du fleuve Congo, la modernisation du chemin de fer ainsi que des principaux ports du pays mais aussi l’électricité et l’eau». Cet effort permettra aussi de relancer l’agriculture ainsi que les secteurs industriels et des services, précise-t-il. La RDC qui a déjà bénéficié d’un allègement substantiel de sa dette extérieure, évaluée à présent à 9 milliards de dollars, doit encore assainir sa dette intérieure estimée à1,9 milliards de dollars. «Il faut aussi, explique le vice-ministre, améliorer la fiscalité et assurer une sécurité judiciaire au monde des affaires».

Les fonds promis par les bailleurs de fonds, sous la houlette de la Banque Mondiale commencent à venir et les Congolais ont déjà lancé des appels d’offre pour certains projets. Les hommes d'affaires étrangers se pressent déjà dans les grands hôtels de Kinshasa, pour tâter le terrain… La Banque devrait aussi débloquer prochainement une première tranche pour les opérations de désarmement et de réinsertion des anciens combattants dont les fonds se sont fait attendre.

Le conflit a dévasté l’infrastructure économique et sociale du pays, laissant des millions d’habitants dans le dénuement, et le PNUD estime que 80% des habitants de la RDC disposent de moins de 0,50 dollar par jour pour vivre.

par Marie  Joannidis

Article publié le 04/05/2004 Dernière mise à jour le 04/05/2004 à 10:19 TU