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Société

Des parents pédophiles devant les juges

Jean-Claude Monnier, le président de la cour d'assises du Pas-de-Calais et ses assesseurs, avant l'ouverture du  procès de 17 adultes, dont six femmes, accusés de viols en réunion sur 18 enfants.  

		(Photo: AFP)
Jean-Claude Monnier, le président de la cour d'assises du Pas-de-Calais et ses assesseurs, avant l'ouverture du procès de 17 adultes, dont six femmes, accusés de viols en réunion sur 18 enfants.
(Photo: AFP)
Le procès de l’affaire d’Outreau s’ouvre, mardi 4 mai 2004, devant la cour d’assises du Pas-de-Calais, à Saint-Omer, dans le nord de la France. Dix-sept personnes sont accusées d’être impliquées dans un réseau de pédophilie à la fin des années 90. Elles sont jugées notamment pour «viols avec actes de barbarie». Dix-huit enfants auraient été victimes de ce réseau, la plupart sont ceux des accusés eux-mêmes.

Outreau, le nom d’une ville du nord de la France, est désormais le synonyme de l’une des plus sinistres affaires de pédophilie jamais vue dans le pays. Dix-sept personnes, dont six femmes, sont jugées à partir du mardi 4 mai 2004 et pendant six semaines par la cour d’assises du Pas-de-Calais à Saint-Omer pour «viols avec actes de torture et de barbarie», «corruption de mineurs» et «proxénétisme aggravé» sur dix-huit d’enfants âgés de 3 à 12 ans au moment des faits.

Avec des mots très crus, les enfants ont raconté les sévices sexuels dont ils ont été victimes de la part de leurs propres parents et des amis de leurs parents et comment ceux-ci les ont transformés, selon les termes des avocats du dossier, en «objets sexuels», entre 1995 et 2000, dans une cité d’HLM de la tour du Renard, un quartier populaire de la banlieue de Boulogne-sur-Mer. Une affaire hors norme qui, pour maître Thierry Normand, l’un des avocats de la partie civile, est révélatrice de la misère avec des enfants de deuxième ou troisième génération de chômeurs.

L’affaire débute en décembre 2000, quand les services sociaux signalent au procureur de Boulogne-sur-Mer des suspicions d’abus sexuels par un couple sans emploi sur leurs quatre enfants dans une HLM d’Outreau. Devant les enquêteurs de police, les quatre petites victimes révèlent les sévices endurés (caresses, viols, fellations, zoophilie, obligation de regarder des films pornographiques) et citent les noms de leurs parents et d’autres adultes.

Le spectre de «l’affaire Dutroux»

Les parents sont les premiers écroués pour proxénétisme et viols sur mineurs avec les circonstances aggravantes de tortures pour le père, violent et porté sur l’alcool. Les autres accusés sont des voisins ou des amis des parents, sans profession ou vivant de petits boulots. Parmi eux, deux jeunes couples, dont les enfants ont également été abusés. Une seconde vague d’arrestations a lieu en novembre 2001, six autres personnes sont écrouées, dont un huissier de justice et sa femme, un chauffeur de taxi et un prêtre-ouvrier.

Dix-huit personnes au total ont été mises en examen pour viols et agressions sexuelles, l’une d’entre elles se suicidera en prison. Dans ce dossier, l’accusation repose sur les témoignages des enfants dont les déclarations ont été jugées crédibles par la plupart des expertises psychologiques et sur les aveux de trois des accusés. Les quatorze autres nient leur participation aux faits.

Cette sinistre affaire prend une tournure inattendue, façon «affaire Dutroux», quand l’un des accusés déclare avoir été témoin du meurtre d’une fillette belge lors d’une séance pédophile. Des fouilles de grande ampleur ont été entreprises en vain dans un jardin d’Outreau, à la recherche d’un corps. Le dénonciateur a affirmé plus tard avoir tout inventé pour tenter de diminuer sa peine. Ce volet meurtre fait l’objet d’une instruction judiciaire séparée. Tout comme n’a pas été confirmé une autre piste évoquée au cours de l’enquête, celle d’un réseau pédophile franco-belge et d’un trafic de vente d’enregistrements vidéo.

Quelque 130 témoins doivent être entendus lors de ce procès à l’issue duquel les accusés risquent de vingt ans de réclusion à la réclusion criminelle à perpétuité. Si la réalité des sévices sur les enfants ne fait aucun doute, reste la question de savoir qui a fait quoi exactement. La cour d’assises du Pas-de-Calais a six semaines pour se forger une intime conviction.



par Myriam  Berber

Article publié le 04/05/2004 Dernière mise à jour le 04/05/2004 à 13:42 TU