Tchad
Brève mutinerie à N'Djaména
(Photo : AFP)
Dans la nuit 16 au 17 mai des éléments de l’armée tchadienne, environ quatre-vingts, se sont mutinés, mais les autorités militaires et politiques ont affirmé avoir «la maîtrise et le contrôle de la situation». Le ministère de la Défense a donné sa version des événements en demandant aux populations de la capitale et de sa périphérie de vaquer à leurs occupations habituelles. Selon les autorités tchadiennes les mutins se seraient retranchés, à la sortie de N’Djaména, sur le chemin qu’emprunte le président de la république pour se rendre à son domicile, à quelque 20 kilomètres de N’Djaména.
Les mutins et leurs meneurs auraient été arrêtés. De nombreux officiers de l’armée tchadienne, des corps de la Garde républicaine, de la Garde rapprochée du président Déby et de la Garde nomade et nationale seraient les instigateurs de cette mutinerie. Après avoir été repoussés une première fois, les insurgés ont alors fait le siège d’un quartier à la sortie est de N’Djaména avant d’être encerclés et contraints à la reddition, selon le récit du ministère de la Défense. Mais les mutins ont durement négocié leur désarmement contre «une garantie de sécurité», précise une source militaire tchadienne.
Les autorités militaires se félicitent d’avoir maté une mutinerie qui aurait pu faire «couler beaucoup de sang», précise le ministère de la Défense qui affirme par ailleurs avoir étouffé dans l’œuf le plan des mutins. Les termes de la négociation ne sont pas précisés, pas plus que les noms des hauts gradés qui auraient été mis aux arrêts.
(Carte: Stéphanie BOURGOING/RFI)
Les enjeux tchadiens du conflit soudanais
En revanche les autorités tchadiennes ont elles-mêmes tenté de trouver des explications à la tension dans les rangs de l’armée nationale qui a conduit à cette mutinerie. Selon le ministère de la Défense les premières raisons seraient «liées à des besoins sociaux». En effet, le président Idriss Déby a engagé depuis le début de cette année un programme de restructuration de l’armée. Tous les militaires avaient été invités à rejoindre leur corps d’appartenance pour faciliter les opérations de recensement. Au terme de cette opération les effectifs des armées sont passés de 24 000 à environ 19 000 hommes. Plusieurs milliers de soldats fictifs ou démobilisés étaient toujours régulièrement inscrits et rétribués. Leurs salaires étaient alors récupérés par la hiérarchie militaire.
Par ailleurs, ces vérifications ont aussi permis de découvrir de faux gradés qui ont été ramenés à leur niveau normal. Toutes les malversations découvertes ont entraîné des arrestations d’officiers et de sous-officiers chargés de la gestion financière des armées, sans oublier le gel des paiements de soldes et primes pendant deux mois. Cette opération de «dépoussiérage» aurait suscité beaucoup de mécontentement au sein de l’armée. Les éléments incriminés reprochent par ailleurs au pouvoir de s’acharner à s’occuper de «questions secondaires» au détriment d’un traitement adéquat du conflit dans le Darfour. Les milices arabes et pro-gouvernementales du Soudan, les Djandjawids avaient mené des attaques contre les populations du Darfour de l’ethnie Zaghawa à cheval sur les deux pays. Les récentes incursions en territoire tchadien des mêmes milices ont d’ailleurs suscité une protestation du gouvernement tchadien auprès de l’Union africaine et du gouvernement soudanais. Le Tchad est le principal médiateur dans le conflit du Darfour.
La somme de tous ces mécontentements fournirait les premières explications à cette mutinerie qui n’aurait pas fait de victimes.
par Didier Samson
Article publié le 18/05/2004 Dernière mise à jour le 18/05/2004 à 16:17 TU