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Côte d'Ivoire

Gbagbo casse la coalition

Guillaume Soro, le leader des Forces nouvelles, ministre d'Etat chargé de la Communication est renvoyé du gouvernement de réconciliation nationale par le président Laurent Gbagbo. 

		(Photo : AFP)
Guillaume Soro, le leader des Forces nouvelles, ministre d'Etat chargé de la Communication est renvoyé du gouvernement de réconciliation nationale par le président Laurent Gbagbo.
(Photo : AFP)
Laurent Gbagbo a non seulement retiré aux ministres de l’opposition qui boycottent le conseil des ministres tous les avantages liés à leurs fonctions, mais il aussi décidé de rayer de la liste du gouvernement de réconciliation nationale trois ministres influents.

Le discours au ton très dur et polémique du président Laurent Gbagbo a surpris toute la classe politique ivoirienne qui cherchait une issue de sortie de crise. Le président a pris des sanctions contre tous ceux qui boycottent le conseil des ministres. Retrait des voitures de fonction, suspension des salaires du mois de mai, déménagement de l’hôtel occupé par certains ministres sont autant de décisions qui ont surpris les concernés eux-mêmes. Les différents états-majors des partis n’ont pas eu le temps de la réaction que le président enfonce le clou. Par décret il a rendu public une liste de trois ministres qu’il «ne veut plus voir».

Mais la présentation qui en a été faite à la télévision nationale signale que le décret signé par le président de la République l’a été sur «proposition du Premier et chef du gouvernement». Or dans son discours à la nation le 18 mai, le président avait annoncé avoir «remis au Premier ministre une liste de personnalités que je ne voudrais voir demeurer dans le gouvernement de la République». Il s’agit de Guillaume Soro, ministre d’Etat chargé de la Communication, secrétaire général des Forces nouvelles, Youssouf Soumahoro, ministre de l’Enseignement technique, également issu des Forces nouvelles, Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques, porte-parole du gouvernement de réconciliation nationale, membre du PDCI-RDA (ancien parti unique). Ce dernier avait contesté certains choix économiques du clan présidentiel et dénoncé un contrat de gré à gré conclu avec le groupe français Bolloré pour l’exploitation d’un terminal à conteneurs du port autonome d’Abidjan.

L’équilibre des forces selon Marcoussis est rompu

«L’accord de Marcoussis nous oblige à respecter un équilibre dans la formation du gouvernement, mais il ne lie pas le sort de la République à des individus», avait déclaré Laurent Gbagbo qui, par anticipation, justifiait déjà le décret qu’il allait signer plus tard. Par ailleurs, les remplacements effectués ne respectent pas l’équilibre souhaité par l’accord de Marcoussis. La nomination des ministres et surtout de Guillaume Soro, comme ministre d’Etat dépasse les seules prérogatives du Premier ministre, bien que chef du gouvernement. La répartition des postes ministériels répond à un équilibre voulu par Marcoussis. C’est pourquoi le secrétaire général des Forces nouvelles a qualifié les décisions présidentielles de «coup d’Etat contre Marcoussis». Il a rappelé à Bouaké tous les membres des Forces nouvelles se trouvant encore à Abidjan. Une réunion pour des dispositions militaires s’est tenue le 18 mai. Une importante déclaration à la nation des Forces nouvelles est annoncée pour le 21 mai, dans le courant de l’après-midi.

Depuis le boycott du conseil des ministres par les représentants du PDCI-RDA, rejoint par la plupart des partis signataires de l’accord de Marcoussis, après la répression de la manifestation du 25 mars, le climat politique en Côte d’Ivoire n’a cessé de se dégrader. La Commission d’enquête de l’ONU a rendu un rapport mettant en cause l’entourage du président de la république. Selon le même rapport certaines «milices armées» qui «reçoivent des ordres de l’intérieur du palais présidentiel» auraient participé à la répression de la manifestation du 25 mars. «Nous commençons à savoir ce qui s’est passé. Nous savons aujourd’hui, par exemple, qu’il y a eu effectivement des forces non gouvernementales. Mais elles ne sont pas ce que beaucoup ont cru. Les enquêtes se poursuivent et bientôt les responsabilités seront situées, à tous les niveaux», a précisé Laurent Gbagbo dans son allocution du 18 mai.

Ces événements avaient bloqué le fonctionnement du gouvernement de réconciliation nationale. Mais sur l’insistance de la communauté internationale, les initiateurs du boycott recherchaient une porte de sortie de crise. Des contacts avaient été renoués pour une reprise du dialogue sous la houlette du Premier ministre Seydou Diarra. Dans l’entourage du Premier ministre on parle même d’une entrevue entre ce dernier le président de la République le 18 mai. Seydou Diarra lui aurait soumis l’état d’avancement de ses tractations pour un retour rapide «des marcoussistes» au gouvernement. La surprise est donc grande dans le camp du Premier ministre qui a entendu et vu à la télévision, comme tout citoyen, les propos du président Laurent Gbagbo. Survivra-t-il à la coalition qui est à l’origine de sa nomination?

par Didier  Samson

Article publié le 20/05/2004 Dernière mise à jour le 20/05/2004 à 16:05 TU

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Journaliste à RFI

«Une nouvelle donne fondée sur des sanctions et des exclusions décidées par le président Gbagbo.»

[20/05/2004]

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