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EDF-GDF : courant coupé, négociations en panne
( Photo : AFP )
Près de 1 800 amendements au projet de loi sur le statut d’Electricité de France et Gaz de France (EDF-GDF) ont été déposés avant l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale. Même si un grand nombre d’entre eux seront vraisemblablement déclarés irrecevables, cette stratégie de l’opposition est révélatrice de l’ambiance électrique dans laquelle va s’ouvrir le débat sur le sort de deux entreprises publiques dont l’Etat envisage d’ouvrir le capital malgré l’opposition farouche des salariés qui craignent une privatisation à terme. D’ailleurs, les syndicats CGT, CFDT, FO et CFTC, ont appelé à la grève et à la manifestation, ce 15 juin, afin de marquer une nouvelle fois leur opposition à la transformation d’EDF et de GDF en sociétés anonymes.
Les salariés en colère ont aussi décidé d’employer des armes moins conventionnelles pour défendre leurs intérêts. Des coupures de courant sauvages ont ainsi été effectuées à plusieurs reprises. L’une des premières actions de ce type avait touché, il y a quelques jours, la gare Saint-Lazare provoquant le mécontentement des usagers. Depuis les salariés ont récidivé. La production de la centrale thermique de Gardanne dans les Bouches-du-Rhône a ainsi été arrêtée, le 15 juin. De même que celles des centrales nucléaire de Paluel et thermique du Havre. Des opérations de «dératisation», c’est à dire de subtilisation des souris des ordinateurs des agents pour les empêcher de travailler, ont encore été organisées dans de nombreux bureaux. Des bâtiments publics, des centres commerciaux, le siège du Medef (le syndicat patronal) en Gironde, ont subi des coupures d’électricité dans les dernières 24 heures. Comme les résidences secondaires de quelques hommes politiques : le ministre délégué à l’Industrie Patrick Devedjian, le président de l’UDF François Bayrou, le député socialiste Jack Lang, le député européen socialiste Michel Rocard.
Aller jusqu’au boutDepuis son arrivée à Bercy, Nicolas Sarkozy a repris en main la gestion de ce dossier et a engagé de nouvelles négociations avec les syndicats, notamment la CGT qui mène le mouvement des salariés contre l’ouverture du capital. Le gouvernement a d’ailleurs accepté de modifier le projet initial et d’accorder certaines des garanties réclamées par les syndicats. L’Etat s’engage, par exemple, à conserver 70 % du capital (au lieu de 51 % prévus au départ), dont 15 % seront réservés aux employés d’EDF-GDF, et à réinjecter une partie des sommes gagnées grâce à l’ouverture du capital dans les sociétés (500 millions d’euros). Il assure, d’autre part, qu’elles ne seront pas «privatisées» et que les «valeurs du service public» y seront maintenues. Le statut des agents ne doit pas non plus être modifié et l’emploi doit être garanti. François Roussely, le président d’EDF, et Pierre Gadonneix, celui de GDF, ont aussi annoncé que d’ici 2005, environ 4 700 personnes seraient recrutées dans les deux sociétés.
Malgré ces concessions, les syndicats restent sur une ligne particulièrement ferme et dénoncent des faux semblants. Ils remettent notamment en cause l’argument selon lequel l’ouverture du capital est rendue obligatoire par les règlements européens. Bruxelles ne réclame, en effet, que l’ouverture du marché à la concurrence et non l’entrée de fonds privés dans des sociétés publiques. D’autre part, les syndicats estiment que les recrutements annoncés ne compensent pas les départs prévus durant la même période (plus de 6 000 personnes). Mais surtout, ils dénoncent les intentions cachées du gouvernement qu’ils soupçonnent de faire le premier pas vers une privatisation des entreprises en changeant leur statut. Dans ce contexte, les syndicats demandent l’abandon pur et simple de la réforme. Face au refus de Bercy, la CGT-Energie a donc lancé un appel direct au chef de l’Etat, Jacques Chirac, en lui demandant «de retirer ce projet et d’organiser un referendum sur la politique énergétique de la France».
Il semble néanmoins peu envisageable que ce message soit entendu. L’aboutissement de ce projet fait, en effet, partie des priorités du ministre de l’Economie. L’ouverture du capital ne devrait néanmoins pas être immédiate. Nicolas Sarkozy a déclaré avant l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale qu’une commission allait être chargée de «faire le clair sur les besoins de financement du groupe» et que le capital ne serait ouvert que si ceux-ci étaient «avérés». Une manière d’essayer de convaincre les employés et leurs représentants syndicaux de la bonne volonté du gouvernement et de réaffirmer que celui-ci ne tient pas coûte que coûte à ouvrir le capital d’EDF-GDF, même s’il veut en garder la possibilité pour plus tard... Un calendrier en forme de point d’interrogation qui risque de ne pas rassurer les salariés.
par Valérie Gas
Article publié le 15/06/2004 Dernière mise à jour le 15/06/2004 à 15:15 TU