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Madagascar

Les réservistes sortent de leur réserve

Des centaines de réservistes manifestent devant le Parlement de Madagascar, le 28 mai 2004. 

		(Photo: AFP)
Des centaines de réservistes manifestent devant le Parlement de Madagascar, le 28 mai 2004.
(Photo: AFP)
Les réservistes de l’armée malgache manifestent leur mécontentement et réclament un dû. Mais le pouvoir n’adhère pas à leurs méthodes de revendication et fait intervenir des forces de l’ordre. Dans les deux camps on compte de nombreux blessés après la manifestation du 15 juin à Antananarivo.

Les réservistes de l’armée malgache sont mécontents et se font entendre. L’armée est généralement une grande muette, mais le fait d’y être sans y être vraiment ne contraint pas les réservistes à la retenue de rigueur imposée par cette institution. C’est du moins ce que pensent les soldats rendus à la vie civile après l’accomplissement de leur mission. La cérémonie d’adieu aux armes organisée le 31 janvier 2004 à leur intention est l’élément déclencheur de leur contestation. Ils ont compris ce jour que, s’ils n’y prenaient garde, les compensations financières promises deux ans plus tôt allaient passer par pertes et profits.

En effet, lors de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 16 décembre 2001, le candidat et maire d’Antananarivo, Marc Ravalomanana, avait fait appel aux réservistes de l’armée pour constituer en sa faveur un contre-poids aux militaires d’active qui pourraient exprimer leur loyauté au régime de l’amiral Didier Ratsiraka. La réponse des réservistes a été massive. Ils ont largement contribué à la prise des provinces et placées sous l’autorité du président auto-proclamé de l’époque, Marc Ravalomanana.

Leurs revendications et manifestations paraissaient un coup d’épée dans l’eau, alors les meneurs ont décidé de changer de tactique. Les manifestations dans la rue, surtout à la place du 13 mai, haut lieu de rendez-vous de la contestation de l’ancien régime, élu par les partisans du candidat Ravalomanana, depuis devenu président de la République, se sont multipliées. La place du 13 mai offre un avantage, celui d’être à quelques 500 mètres du palais présidentiel. Les réservistes ont même eu la surprise de manifester aux abords du palais présidentiel, le 14 juin sans rencontrer d’opposition réelle. Mais dès le lendemain ils ont été confrontés à une autre surprise, la présence massive des forces de l’ordre qui les repoussés au-delà de la place du 13 mai.

L’impression d’être dupés

Le 15 mai, environ 300 réservistes s’étaient donnés rendez-vous aux abords du palais présidentiel, mais les forces de l’ordre leur signifié que «toute manifestation est interdite à proximité du palais». Il est 11 heures et les manifestants disent vouloir rencontrer le président de la République. La tension est montée d’un cran lorsque le cortège présidentiel apparaît en début d’après-midi. Certains manifestants applaudissent persuadés que le président leur prêtera une oreille attentive, d’autres sont moins sûrs et déploient des banderoles en réclamant le paiement de leurs «droits». Des échauffourées éclatent, les forces de l’ordre les repoussent en usant de gaz lacrymogène. Les réservistes répondent par des jets de pierres et au total environ 28 personnes sont blessées dont trois policiers. Parmi les blessés, 6 le seraient gravement du fait de l’explosion d’une grenade dégoupillée par un réserviste. Cinq personnes auraient été arrêtées.

La manifestation a complètement été dispersée en fin d’après-midi, mais les réservistes ont promis de continuer en élaborant d’autres stratégies de revendications. Les manifestants sont rentrés chez eux avec une forte impression d’avoir été dupés. Ils se sont remémoré la promesse d’un million de francs malgaches faite par Jacques Sylla, le Premier ministre, alors qu’ils espéraient dix fois plus. L’apurement de leurs droits a déjà coûté à l’Etat malgache près de cinq milliards de francs malgaches. Les réservistes ont considéré que le compte n’était pas bon et que les «services rendus» valaient bien une rallonge. La réponse du président Ravalomanana qui les avait déjà reçus en début d’année, leur revient également en mémoire :  «le patriotisme ne se vend ni se s’achète».



par Didier  Samson

Article publié le 16/06/2004 Dernière mise à jour le 16/06/2004 à 15:08 TU