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Cour pénale internationale

Annan critique la demande d’impunité américaine

Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.  

		(Photo: AFP)
Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
(Photo: AFP)
Kofi Annan élève le ton. C’est la première fois que le secrétaire général de l’ONU exprime aussi fermement son opposition à l’impunité des ressortissants américains. Il voit d’un mauvais œil la demande de renouvellement de la résolution qui les exempte de poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI), compétente depuis 2002 pour juger les auteurs de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Cette résolution actuellement en vigueur arrive à échéance à la fin du mois de juin. L’administration Bush cherche à la faire renouveler alors que le scandale des sévices infligés aux détenus irakiens à la prison d’Abou Ghraib est encore frais dans les esprits.

«Une exemption générale est mauvaise. Sa valeur juridique est discutable et je ne pense pas qu’elle doive être encouragée», a déclaré Kofi Annan jeudi à des journalistes au siège de l’ONU à New York. Une telle exemption «discréditerait le Conseil de sécurité et les Nations unies qui doivent incarner l’état de droit et la primauté de la loi». Le secrétaire général de l’ONU invoque le scandale des mauvais traitements des détenus irakiens de la prison d’Abou Ghraib pour s’opposer frontalement à la position de Washington, hostile à la CPI. «A la lumière des abus commis contre des prisonniers en Irak, il serait peu sage de pousser en faveur d’une telle exemption, explique Kofi Annan. Je pense qu’il pourrait être encore moins sage de la part du Conseil de sécurité de l’accorder».

La demande de renouvellement de l’impunité des ressortissants militaires et civils américains tombe à un moment critique pour les Etats-Unis. Ce texte sera présenté alors que l’onde de choc provoquée par les photos montrant des prisonniers irakiens maltraités aux mains de GI's n’est pas encore retombée. A Washington, le département d’Etat assure ne chercher qu’un «renouvellement technique» de la résolution. L’actuelle administration Bush affirme craindre «des poursuites politiquement motivées». Sous la présidence de Bill Clinton, les Etats-Unis figuraient parmi les 140 pays à signer le statut de création de la CPI en 1998. Mais, à l’instar de la Russie et d’Israël, l’administration Bush ne l’a pas ratifié et a même retiré sa signature. Depuis, les Etats-Unis déploient des efforts considérables pour obtenir que ses ressortissants soient exemptés de poursuites.

Une résolution qui a peu de chances d’être adoptée

Aujourd’hui, le sujet devient brûlant. Théo van Boven, rapporteur de l’ONU sur la torture a affirmé au journal Libération au mois de mai que les sévices qui ont eu lieu à la prison d’Abou Ghraib constituent des «crimes de guerre. Les forces d’occupation ont violé les articles 3 et 4 de la Convention de Genève. (…) Il semble que ces tortures ne relèvent pas de cas isolés, mais d’un système généralisé». Si les Etats-Unis avaient ratifié le statut de la CPI, la chaîne de commandement américaine risquerait d’être poursuivie par la Cour pénale internationale. Le comble pour un pays dont les dirigeants s’efforcent d’afficher une image de champions de la démocratie.

Un projet de résolution circule déjà à l’ONU depuis la fin du mois de mai. Cependant, les Américains ne l’ont pas encore soumise au vote car il est peu probable que cette résolution recueille les neuf «oui» nécessaires à son adoption sur les quinze membres du Conseil de sécurité. Pour l’heure, sept membres pourraient s’abstenir ou voter contre cette résolution: l’Allemagne, l’Espagne, le Brésil, le Bénin, la Roumanie, ainsi que la France et la Chine, membres permanents. Les diplomates anglais en revanche, ont déjà indiqué qu’ils voteraient favorablement. Ils craignent que les Etats-Unis ne mettent leur veto aux missions onusiennes de maintien de la paix si la résolution n’est pas adoptée. Une crainte inspirée par l’expérience vécue l’an dernier. Au moment de renouveler cette même résolution, les Etats-Unis sont allés jusqu’à opposer leur veto à la poursuite de la mission des Nations unies pour la Bosnie-Herzégovine (MINUBH). Une attitude qui a marqué les esprits.

Les Etats-Unis auront-ils une nouvelle fois recours au même type de chantage ? Leur hostilité à l’égard de la CPI demeure radicale. Mais George W. Bush peut difficilement se permettre de provoquer une crise ouverte avec la majorité du Conseil de sécurité, dont il a besoin pour se désengager d’Irak avant l’élection présidentielle de novembre.



par Sarah  Oliveira

Article publié le 18/06/2004 Dernière mise à jour le 18/06/2004 à 15:15 TU