Reprise de la croissance
Réduire les déficits ou les impôts ?
(Photo : AFP)
Pour une fois, les prévisions gouvernementales de croissance vont peut-être se révéler inférieures à la réalité. En estimant la progression du PIB à 2,3% pour cette année l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) réévalue sensiblement la prévision de 1,7% de croissance en 2004, sur laquelle est basé le budget en cours. Tirée par la reprise aux Etats-Unis et en Asie, la France ferait même mieux, en ce cas, que l’ensemble de la zone euro qui devrait connaître une croissance de 1,8%. Rappelons qu’échaudé par les performances de 1,1%, en 2002, et un petit 0,5% en 2003, le gouvernement avait choisi de mettre la barre relativement bas pour 2004 afin d’éviter des révisions successives à la baisse comme cela s’était produit l’année précédente.
Comme le faisait remarquer le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé « les bonnes nouvelles ne sont pas si fréquentes », pour le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui a dû digérer les mauvais résultats des dernières consultations électorales. Cette annonce d’une embellie sur le front économique est donc bienvenue. Toutefois l’Insee apporte deux bémols à ses prévisions : le prix du pétrole, qui a augmenté de près de 25% depuis le début de l’année, pourrait avoir des conséquences sur l’inflation, même si cette hausse ne semble pas de nature à enrayer la croissance. A l’inverse, une reprise plus vigoureuse que prévu des exportations pourrait améliorer encore la prévision.
Un autre aspect des projections publiées par l’Insee est beaucoup plus inquiétant. La reprise économique ne s’accompagnera pas d’une amélioration de la situation de l’emploi. Si l'on en croit les conjoncturistes le taux de chômage devrait s’établir à la fin de l’année à 9,8% de la population active soit le taux atteint en avril dernier. Cela signifie donc qu’en ce milieu d’année, du fait notamment de la réinscription des chômeurs « recalculés », le nombre des demandeurs d’emploi sera plutôt à la hausse, avant de fléchir à nouveau. Or, la croissance française repose essentiellement sur la consommation des ménages dont le « moral » et l’enthousiasme à consommer et à s’endetter est lié de très prés à l’amélioration de la situation de l’emploi. Déjà, en mai, la consommation de produits manufacturés a connu un recul après la progression enregistrée en avril.
« Pas de place pour des baisses d’impôts »
Dans ce contexte, le gouvernement est confronté à un dilemme. Alors que la loi de finances pour 2005 est en cours d’élaboration, que des arbitrages douloureux doivent être rendus en juillet, cette embellie des prévisions de croissance, et donc des rentrées fiscales à attendre, est-elle de nature à redonner des marges de manœuvre au gouvernement ? Et, dans l’affirmative, à quoi doivent-elles être utilisées en priorité ?
Est ainsi relancé le débat sur la rigueur budgétaire indispensable afin de réduire les déficits publics et tenter de rentrer dans les clous du pacte de stabilité européen. Exigence en contradiction avec l’engagement présidentiel de réduire les impôts afin de relancer l’investissement et la consommation. Dans la majorité présidentielle un consensus semble se faire jour en défaveur de la poursuite du programme de réduction des impôts. Pour Jean-François Copé il faut « d’un côté maîtriser la dépense, de l’autre baisser les impôts ».
Mais il est isolé dans cette défense des deux bouts de la chaîne simultanément. Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat estime que « la priorité c’est la réduction du déficit public, viendra, ensuite, le moment où on pourra tenir la promesse présidentielle ». Même son de cloche du côté de l’Assemblée nationale où Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances et Gilles carrez, rapporteur général du budget, tous deux UMP, se retrouvent pour mettre en avant « la situation dégradée des finances publiques » et le devoir de « se rapprocher le plus possible de la contrainte des 3% », limite des déficits publics par rapport au PIB contenue dans le pacte de stabilité européen. Dans ce cadre, « il nous semble, poursuivent-ils, qu’il n’y a absolument pas de place pour des baisses d’impôts supplémentaires ».
Avis partagé par le ministre de l’Economie et des Finances Nicolas Sarkozy qui, ouvrant à l’Assemblée nationale le débat d’orientation budgétaire, a déclaré : « le volontarisme reste de mise plus que jamais car la croissance est encore convalescente ». Il est donc impossible de « desserrer les contraintes » mais « dès que la situation budgétaire nous le permettra », il entend bien, lui aussi, alléger les prélèvements obligatoires.
par Francine Quentin
Article publié le 24/06/2004 Dernière mise à jour le 24/06/2004 à 15:05 TU