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Presse

Les ouvriers du Livre ne veulent pas disparaître

La parution des quotidiens nationaux et de nombreux quotidiens régionaux est paralysée par la grève nationale des ouvriers du Livre ce jeudi 24 juin 2004. 

		(Photo : DK/RFI)
La parution des quotidiens nationaux et de nombreux quotidiens régionaux est paralysée par la grève nationale des ouvriers du Livre ce jeudi 24 juin 2004.
(Photo : DK/RFI)
Pas de quotidiens nationaux. 12 quotidiens régionaux indisponibles. Les kiosquiers de la région parisienne affichaient colère ou déprime, jeudi matin, face aux conséquences de la journée d’action du syndicat CGT du Livre. C’est en effet à l’initiative de ce dernier que les quotidiens imprimés et/ou distribués dans la région parisienne n’ont pas été livrés.

L’action entreprise par la CGT du Livre, syndicat majoritaire dans les secteurs de la publication (imprimerie et distribution), vise à protester contre « la suppression de 1 000 emplois dans la presse quotidienne régionale, 160 emplois pour l’imprimerie du journal Le Monde, 130 emplois pour Le Figaro » et 400 emplois dans la distribution, notamment au sein des Nouvelles messagerie de la presse parisienne (NMPP). Selon la CGT, les métiers du Livre font face à une « attaque déclenchée par l’ensemble des éditeurs de presse (qui) n’a pas de précédent historique ». Selon elle, « tous les secteurs de fabrication, d’impression, de distribution sont touchés par la volonté patronale de réaliser au plus vite, sans négociations ni concertations, des gains de productivité, en s’attaquant à l’emploi ».

Le Syndicat de la Presse parisienne (SPP), qui regroupe les patrons de presse, déplore cette arrêt de travail qu’il qualifie de « surprenant et incompréhensible, alors que la presse est sinistrée et que le dialogue social sur la refondation des conditions économiques et sociales du secteur est engagé et proche d’aboutir ». Depuis plus d’un an, en effet, des négociations sont en cours en vue de définir une nouvelle méthode de classification des ouvriers travaillant dans ce secteur. Ces négociations entre le SPP et le Livre CGT visent à redéfinir le cadre social de la fabrication des journaux, afin d’en réduire les coûts de fabrication et contrer la concurrence de l’information gratuite publiée par la télévision et les journaux diffusés gratuitement dans les transports en commun. Pour la SPP, ces coûts sont « exorbitants ».

Cette crispation soudaine révèle un malaise qui couve en réalité depuis de nombreuses années en raison de la transformation radicale qui est en train de s’opérer dans ce secteur, profondément perturbé par l’apparition des nouvelles technologies. D’ailleurs, les arrêts de travail des employés du Livre ne sont plus aujourd’hui, comme ils l’étaient auparavant, un obstacle définitif à la publication des journaux : la plupart des quotidiens empêchés de publication ce 24 juin sont disponibles sur l’Internet, devenu la parade patronale aux protestations de la corporation.

L’ordinateur a remplacé le plomb

Celle-ci, autrefois toute puissante et incontournable dans le processus de publication, est à présent en déclin. Les « ouvriers » du livre sont désormais des « techniciens » du Livre. L’ordinateur a remplacé le plomb. Les journaux ne s’embarrassent plus de certaines tâches confiées à des sous-traitants, et cette pratique alimente un dépérissement syndical propice au démantèlement des avantages liés à la pénibilité et à la technicité de l’activité. Du point de vue des employés du Livre, c’est un bastion de la culture ouvrière qui est en voie de liquidation. Et des bénéfices qui l’accompagnaient ! Ce secteur d’activité est en effet réputé pour l’excellence des traitements qu’il réservait à ses travailleurs, salaires et repos compensateurs. C’est finalement ce volet social qui est cause dans les négociations en cours sur la redéfinition des métiers.

Par ailleurs, ce conflit se déroule dans un contexte économique global particulier dans lequel l’avenir des acquis sociaux prend une place considérable, notamment avec le débat sur les dénationalisations, les questions de délocalisation, et la mécanisation intensive, aux dépens de l’emploi salarié, des processus de production. Enfin dans ce combat, outre le fait qu’il est l’organisation dominante, le syndicat CGT joue sa crédibilité nationale. Quitte à perdre la bataille qu’il est en train de livrer, il peut difficilement consentir à des évolutions fatales au bien-être et à l’emploi de ses adhérents. D’autant qu’il est talonné par plus radical que lui, sur son propre terrain. D’autres organisations, tel que le syndicat émergent SUD, se tiennent en embuscade, prêtes à récupérer les voix des mécontents.



par Georges  Abou

Article publié le 24/06/2004 Dernière mise à jour le 24/06/2004 à 15:57 TU