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Etats-Unis

Kerry dans l’ombre de Bill Clinton

John Kerry et Bill Clinton. Certaines mauvaises langues disent qu'à trop s'afficher avec l'ex-président, le candidat démocrate risque de souffrir de la comparaison. 

		(Photo: AFP)
John Kerry et Bill Clinton. Certaines mauvaises langues disent qu'à trop s'afficher avec l'ex-président, le candidat démocrate risque de souffrir de la comparaison.
(Photo: AFP)
Le sénateur démocrate John Kerry, favori des Démocrates pour la présidentielle de novembre, a du mal à se faire entendre dans le brouhaha créé par la parution des mémoires de l’ancien président Bill Clinton. Contrairement au candidat Al Gore qui s’était passé du «Come-back Kid», trop sulfureux, John Kerry veut capitaliser sur l’image de Bill Clinton, toujours populaire.

De notre correspondant à New York.

Puisqu’il ne peut pas se débarrasser de Bill Clinton, autant s’en servir. Le candidat démocrate John Kerry a décidé de profiter de la machine Clinton, qui tourne à plein régime depuis la parution des mémoires à succès du président américain. Les deux hommes se parlent régulièrement, dit-on, et à en croire la presse, l’ancien président, champion du charme populaire, prodigue des conseils avisés au présidentiable, jugé trop rigide et coupé du peuple. Reste que Bill Clinton a littéralement volé la vedette à John Kerry. Même les ennemis républicains de Kerry se sont désintéressés de lui pour concentrer leurs attaques, comme au bon vieux temps, sur Bill Clinton. Sa photo est dans les devantures de toutes les librairies, il est à la une de tous les journaux, sur les plateaux de toutes les télévisions, omniprésent, rayonnant, ressuscité. Lui qui avait du mal à accepter son statut de simple citoyen semble totalement régénéré dans les lumières des projecteurs.

Dans My Life  (Ma vie), l’ex-président revient évidemment sur l’affaire Monica Lewinsky, qui a fait vaciller sa présidence. En ces temps incertains, le retour en première page des tabloïds du visage de la stagiaire a presque quelque chose de rassurant, de familier. Alors que sur les écrans se succèdent des images de guerre, de torture et de décapitation, les stratèges démocrates ont décidé de surfer sur les années Clinton, légères et prospères. Il flotte aujourd’hui sur les années 90 comme un air de nostalgie que John Kerry est bien décidé à exploiter. Le candidat démocrate ne veut pas reproduire ce qui avait été l’erreur du malheureux  vice-président Al Gore, qui avait choisi de tenir son ancien patron à l’écart, tant pour affirmer sa stature personnelle que pour s’écarter d’une aura d’impureté qui collait aux semelles du président infidèle. Mais aujourd’hui, ce qu’on a appelé la «Clinton fatigue», une overdose du président, semble s’être estompée.

C’est donc entendu, les équipes Clinton et Kerry travailleront main dans la main. Le sénateur du Massachusetts n’hésite pas à revendiquer le bilan économique de l’ex-locataire de la Maison-Blanche. Et il s’est entouré de fidèles de Clinton pour le conseiller en matière économique, ou de politique internationale. De son côté, lors de sa  tournée pour vendre son livre, Bill Clinton tentera de booster la campagne de son collègue démocrate. «Il mentionnera le nom de John Kerry à chaque arrêt, comme il le fait déjà», a déclaré à Newsweek un conseiller de Kerry. «En gros, pour nous, c’est une campagne gratuite». Gratuite, car les interventions de Bill Clinton ne compteront pas dans les comptes de campagne plafonnés de John Kerry. Le patron de la campagne du prétendant démocrate, Mary Beth Cahill, envisage aussi d’utiliser le phénomène Clinton pour s’attirer les votes des minorités, engranger des fonds de campagne et «énergiser» la base des militants, dont certains sont toujours en admiration devant l’ex-président.

 Le soutien de Bill Clinton est-il sincère ?

 Mais attention, l’arme Clinton est à double tranchant. Pour la partie la plus conservatrice de l’opinion, il représente toujours le mal incarné. Selon un sondage de Associated Press, 41% des Américains ont une opinion favorable de Bill Clinton, mais 53% en ont une opinion défavorable. Les mauvaises langues disent aussi qu’à trop s’afficher avec Bill Clinton, John Kerry risque de souffrir de la comparaison. Il n’a ni le charme ni le charisme de l’ex-président, rompu aux règles du jeu politicien, et aussi à l’aise dans une foule que John Kerry l’est sur un yacht de milliardaire.

«Il veut s’assurer que rien de ce qu’il fait n’entre en compétition ou n’obscurcisse l’attention portée au sénateur Kerry», a déclaré au New York Times Steve Richetti, le conseiller politique de Bill Clinton. Et d’ajouter: «Nous avons eu une rencontre avec le personnel de campagne, pour qu’ils sachent ce que nous faisons et où nous allons. Il veut être utile de quelque façon qu’on lui demande. Il connaît John Kerry et l’apprécie beaucoup, et pense qu’il ferait un grand président. Lors des étapes de la promotion du livre, je pense qu’on lui posera des questions sur John Kerry et je pense qu’il pourra en parler de manière très prévenante et convaincante». Et c’est promis, après son discours lors de la première nuit de la convention démocrate à Boston, Bill Clinton s’effacera sans dédicacer ses mémoires.

Mais le soutien de Bill Clinton est-il sincère ? John Kerry est quasiment absent de son livre de mémoire, pourtant élogieux sur d’autres personnages, et terminé deux mois après que le sénateur du Massachusetts eut emporté la primaire démocrate. Ceux qui voient dans le couple Clinton un empire du mal pensent qu’ils ont tout à gagner d’une défaite de John Kerry. Après huit ans de Bush, Hillary Clinton aurait de bonnes chances d’emporter la présidence. Mais si Kerry gagne, elle devra attendre 2012 avant de se présenter et devra affronter le vice-président de Kerry... Le candidat démocrate n’a d’ailleurs pas encore attribué ce poste. On parle toujours du sénateur du sud John Edwards, qu’il a battu lors de la primaire mais, sur un plan personnel, le courant ne passe pas entre les deux hommes. Sont aussi en lice le gouverneur de l’Iowa Tom Vilsack, l’ancien leader démocrate de la chambre des représentants Dick Gephardt, ou pourquoi pas le sénateur conservateur Bill Cohen, qui avait servi comme ministre de la Défense sous… Clinton.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 25/06/2004 Dernière mise à jour le 25/06/2004 à 08:27 TU