Republika Srpska
Limogeages en série chez les Serbes de Bosnie
(Photo : AFP)
Le président du Parlement de Republika Srpska, Dragan Kalinic, et Zoran Djeric, ministre de l’Intérieur de cette «entité» semi-autonome ont été démis de leurs fonctions et interdits de toute activité politique par Paddy Ashdown, le Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine. Ces limogeages frappent en tout une soixantaine de hauts fonctionnaire de Republika Srpska (RS) et de dirigeants du Parti démocratique serbe (SDS), la formation nationaliste au pouvoir. Dragan Kalinic a annoncé lui-même son limogeage, devant le Parlement de l’entité, en dénonçant «une attaque contre la Republika Srpska». Les députés ont immédiatement décidé de suspendre leurs travaux.
Paddy Ashdown, souvent accusé d’autoritarisme, a usé des pouvoirs discrétionnaires que lui confèrent les accords de paix de Dayton, dont il est chargé de veiller à l’application. Dans le passé, les prédécesseurs de Paddy Ashdown avaient déjà eu recours à de telles mesures, mais jamais une vague de limogeage n’avait été si massive.
Les dirigeants serbes de Bosnie sont pointés du doigt par la communauté internationale, en raison de leur mauvaise coopération avec le TPI. Jusqu’à présent, la police serbe de Bosnie n’a encore jamais procédé elle-même à l’arrestation d’un inculpé, même si les dirigeants de Banja Luka affirment officiellement vouloir coopérer avec la juridiction internationale.
Le sort de Radovan Karadzic, l’ancien Président de guerre de la Republika Srpska, focalise l’attention. Toutes les opérations de la SFOR, la force de l’OTAN en Bosnie, visant à l’arrêter se sont soldées pas des échecs, et le fugitif se cacherait probablement toujours dans les montagnes de l’est de la Bosnie, où il dispose d’un solide réseau d’informateurs, du soutien de la population serbe locale et de complicités dans l’appareil d’État.
Certains milieux diplomatiques occidentaux espéraient que cette arrestation aurait pu se produire avant le dernier sommet de l’OTAN, les 26 et 27 juin. En raison de la mauvaise coopération des dirigeants serbes avec le TPI, ce sommet a refusé d’inclure la Bosnie dans le Partenariat pour la paix, étape préliminaire à l’adhésion du pays à l’Alliance atlantique. Les dirigeants serbes paient donc aujourd’hui le prix de cet échec.
Épreuve de force
Il y a quelques jours, Paddy Ashdown les avait sévèrement mis en garde, en soulignant que « la Republika Srpska affaiblissait sa légitimité en ne répondant pas à ses obligations internationales, car l’existence même de la RS repose sur ces conditions à remplir ».
La procureure générale du TPI, Carla Del Ponte, qui a présenté mercredi son rapport devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, a réaffirmé qu’elle s’attendait à l’arrestation de Radovan Karadzic « avant le 1er juillet », car « quelqu’un de très compétent » serait sur ses traces. Mme Del Ponte est coutumière de ce genre de déclarations, et elle avait d’ailleurs d’abord annoncé une arrestation pour le 28 juin. Sur le terrain, on note depuis deux jours un renforcement des contrôles de l’OTAN sur toutes les frontières entre la Republika Srpska et la Serbie, le long de la rivière Drina.
Paddy Ashdown entretient de très mauvaises relations avec les dirigeants serbes de Bosnie, et il semble avoir choisi l’option de l’épreuve de force, alors qu’il y a quelques semaines, Sulejman Tihic, le membre bosniaque de la présidence tripartite du pays, avait réclamé l’abolition de la Republika Srpska, suscitant des réactions indignées.
Cette nouvelle crise intervient alors que le sommet de l’OTAN a confirmé que la mission de l’Alliance en Bosnie s’achèverait à la fin de l’année 2004, et que les compétences de sécurité seraient transmises à une nouvelle mission militaire placée sous la responsabilité de l’Union européenne.par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 01/07/2004 Dernière mise à jour le 01/07/2004 à 12:25 TU