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Balkans

Plavsic condamnée à 11 ans de prison par le TPI

Le tribunal pénal international de La Haye pour l’ex Yougoslavie a reconnu Biljana Plavsic, présidente de l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska, de 1996 à 1998, coupable de crimes contre l’humanité. Elle a été condamnée à 11 ans de prison, bénéficiant de circonstances atténuantes.
De notre correspondante à Belgrade

La «dame de fer» ou «reine de glace» a écouté sa sentence impassible, raide, vêtue d’un sobre tailleur, une croix autour du cou, coiffée, maquillée. Le cas de Biljana Plavsic est unique et constitue une première au Tribunal de La Haye. C’est la seule femme à être jugée, la seule à s’être rendue volontairement sur les conseils de diplomates occidentaux et la seule qui ait bénéficié d’une liberté provisoire aussi exceptionnelle, l’autorisant à séjourner à Belgrade en attendant sa sentence. C’est aussi la première qui ait fini par plaider coupable de crimes contre l’humanité par vidéo-conférence depuis Belgrade. Coupable d’avoir avec d’autres, dont l’ancien président yougoslave Milosevic et les leaders politiques et militaires des Serbes de Bosnie, Karadzic et Mladic, planifié, ordonné, incité, exécuté des persécutions à l’encontre de musulmans et croates de Bosnie. Coupable de traitements inhumains, dont la torture, les violences sexuelles, lisait le président de la cour May. Coupable de transferts et de déportations… Avec la circonstance aggravante qu’elle était à l’époque membre de la présidence, la plus haute autorité civile de la Republika Srpska, et qu’elle a incité et encouragé les crimes.

«Je ressens des remords inconditionnels et espère offrir une certaine consolation aux victimes innocentes de la guerre de Bosnie-Herzégovine», a-t-elle déclaré à l’audience d’octobre dernier. «Seule la prise de responsabilité et l’aveu des crimes commis permettra la réconciliation», ajoutait-elle, invitant tout un chacun, et «particulièrement les leaders, de chaque côté du conflit, à examiner eux-mêmes leur propre conduite».

«Moi, je ferai face à mes responsabilités»

Il y a quelques années, elle considérait pourtant la guerre inévitable, pour elle c’était le seul moyen de protéger les serbes d’un nouveau massacre, après celui de la Deuxième Guerre mondiale. Dans cette optique il fallait la mener jusqu’au bout. Elle déclarait alors que le nettoyage ethnique est un «phénomène naturel résultant du besoin des serbes de se sentir chez eux sur leur territoire». Sans les autres. «Les musulmans sont une erreur génétique convertie à l’islam», disait sans ambages la mascotte des combattants qui graffitaient son nom sur les chars.

En échange des aveux de culpabilité, sept inculpations ont été retirées à Biljana Plavsic, dont celle de génocide. Et le président de la Cur, dans son énoncé de sentence, a souligné à quel point cela a été considéré comme une circonstance atténuante. Tout comme les remords exprimés, la reddition volontaire, ses 71 ans, son soutien au plan de paix de Dayton et sa «contribution à la réconciliation» qui en résulte.

Les procureurs auraient espéré la voir témoigner contre Slobodan Milosevic et d’autres. Elle a refusé. Mais elle a signé un document l’accusant d’avoir planifié la division ethnique et l’idée de faire vivre tous les Srbes dans un même État. Un deal, disent certains, contracté avec le TPIY. Mais aussi certains diplomates américains comme l’ancienne secrétaire d’État adeleine Albright et l’ambassadeur Robert Frovik qui ont témoigné contre elle mais aussi largement contribué à ce qu’on lui accorde des circonstances atténuantes parce qu’elle a soutenu Dayton et admis sa culpabilité. Qu’est-ce qu’ils gagnaient ? «Son aveu souligne que des crimes contre l’humanité ont été commis et cela justifie l’existence d’un Tribunal contesté», répond Nenad Stefanovic, analyste belgradois de l’hebdo indépendant Vreme. Ajoutant qu’il s’agit aussi d’une invitation aux autres inculpés à copier son geste, et d’une reconnaissance des souffrances des victimes.

Née à Tuzla dans une famille bourgeoise de docteurs en sciences naturelles, élevée à Sarajevo, diplômée de biologie à Zagreb, lauréate de la prestigieuse bourse américaine Fullbright, Biljana Plavsic a séjourné aux Universités de Prague, Californie, Londres, Tripoli, New Delhi… «Comment une personne aussi éduquée, intelligente, cultivée, a-t-elle pu se rendre responsable de tels crimes ?», se demandait Elie Wiesel, prix Nobel de la paix qui a également témoigné au procès. Comment pouvait-on être pasionaria du nettoyage ethnique et de la «Grande Serbie» et ne jamais se séparer de son petit ours gris en peluche ? En tous cas, l’ex-admiratrice de Milosevic, Karadzic, Mladic et autres inculpés de crimes de guerre aura su être différente. Eux ne reconnaissent aucun tort ou se cachent dans les forêts. «Moi, je ferai face à mes responsabilités et épargnerai mes concitoyens qui paieraient le prix de mon refus de me rendre à La Haye», disait-elle au début de son procès, d’une voix étranglée, à l’adresse de l’opinion serbe.



par Milica  Cubrilo

Article publié le 27/02/2003