Balkans
L’Union Serbie-Monténégro existe sur le papier
Après des mois de palabres, les négociateurs serbes et monténégrins ont enfin annoncé vendredi matin s’être mis d’accord sur la Charte constitutionnelle de la future Union de Serbie et du Monténégro, qui doit remplacer l’actuelle Fédération yougoslave.
Belgrade, de notre correspondant dans les Balkans
L’Union de Serbie et du Monténégro a été portée sur les fonts baptismaux par la diplomatie européenne, mais depuis la conclusion de l’accord de Belgrade, le 14 mars 2002, ce nouvel État semblait bien mal parti.
Les principes de base étaient à peu près clairs : l’Europe voulait à tout prix éviter une séparation de la Serbie et du Monténégro, car cette séparation aurait également entraîné l’indépendance du Kosovo. La nouvelle Union, établie pour une période transitoire de trois ans, devait donner les plus larges compétences aux deux républiques, même si l’Union restait un sujet unique de droit international.
Depuis la signature de l’accord, les Serbes et les Monténégrins se sont lancés sans réserve dans les délices du bricolage institutionnel. A priori, quand les négociateurs monténégrins voulaient davantage d’autonomie, leurs homologues serbes essayaient d’infléchir le texte dans le sens d’un État plus centralisé.
Les Monténégrins ont dû avaler quelques couleuvres, notamment le fait que les deux républiques n’auront pas de représentation séparée dans les institutions internationales. En retour, les Serbes ont dû lâcher du lest sur des points essentiels. Les Monténégrins s’opposaient ainsi catégoriquement à toute forme d’union monétaire, et ne voulaient pas permettre le retour du dinar yougoslave dans la petite république, qui a adopté l’euro comme monnaie légale depuis janvier 2002.
Le Kosovo reste dans le giron de la Serbie
En réalité, le camp serbe était loin de parler d’une seule voix. Les partisans de l’actuel Président fédéral, Vojislav Kostunica, essayaient de sauver ce qui pouvait l’être des compétences fédérales. Ils ont reçu le soutien tactique des réformateurs libéraux proches du groupe d’expert G-17 Plus et du gouverneur de la Banque centrale yougoslave, Mladjan Dinkic, qui soulignaient la non-viabilité d’un État ayant deux systèmes monétaires, deux Banques centrales ou encore deux régimes de douane distincts. À l’inverse, les proches du Premier ministre de Serbie, Zoran Djindjic, poursuivaient un objectif avant tout politique : achever de détruire les institutions fédérales, dernier bastion de Vojislav Kostunica. Cela leur fournissait un terrain d’entente tout trouvé avec les partisans de l’homme fort du Monténégro, Milo Djukanovic.
Le document adopté dans la nuit de jeudi à vendredi, qui laisse encore quelques points dans l’ombre, est le résultat des innombrables compromis que les uns et les autres ont été obligés de passer. Signe de la bonne entente régnant entre Zoran Djindjic et Milo Djukanovic, le premier Président de la nouvelle Union devrait être un Monténégrin. Sans qu’aucun nom ne soit officiellement avancé, on parle de Svetozar Marovic, ancien président du Parlement monténégrin, et proche de Milo Djukanovic.
La Charte constitutionnelle devrait maintenant être soumise aux Parlements des deux Républiques, et les plus optimistes pensent que l’ensemble du processus de mise en place du nouvel État pourrait être bouclé dans les deux mois. Échéance importante, il faudra notamment désigner les membres du futur parlement de l’Union, qui seront choisis par les parlements des deux républiques. Les Monténégrins s’opposaient en effet catégoriquement à une élection au suffrage universel.
La ratification de la Charte par les deux Parlement est pourtant encore tout sauf acquise. Au Monténégro, les courants les plus indépendantistes de la majorité de Milo Djukanovic pourraient se lancer dans une bataille d’amendements, tout comme l’opposition pro-yougoslave, bien décidée à faire avorter la nouvelle Union.
La situation pourrait être la même au sein du parlement de Serbie, où tous les adversaires de Zoran Djindjic seront tentés de coaliser leurs énergies. Miroljub Labus, qui avait été le candidat réformateur aux élections présidentielles de l’automne dernier, résume à sa manière les critiques formulées contre la Charte, qui ne serait à ses yeux qu’un accord politicien entre Zoran Djindjic et Milo Djukanovic. Pour lui, l’Union va seulement permettre une séparation du Monténégro sans même qu’il soit besoin de convoquer un référendum.
À côté des marchandages politiciens qui font rage à Belgrade comme à Podgorica, les Albanais du Kosovo vont eux aussi tenter de peser contre la mise en place du nouvel État, qui renverrait aux calendes grecques toute perspective d’indépendance du territoire. Dès l’automne, le Premier ministre du Kosovo, Bajram Rexhepi, a menacé d’une déclaration unilatérale d’indépendance en cas d’adoption de la Charte constitutionnelle. Le document stipule en effet que le Kosovo fait toujours partie de la Serbie, une position inacceptable pour les Albanais, bien décidés à imposer l’ouverture d’un débat international sur le statut final du Kosovo.
L’Union européenne, qui peut revendiquer la paternité du projet d’Union de Serbie et du Monténégro, promet pour sa part de reprendre l’initiative politique pour accélérer la mise en place du nouvel État.
De plus en plus de voix s’élèvent pourtant, en Serbie comme au Monténégro, pour souligner que près d’un an a déjà été perdu depuis la conclusion de l’accord de Belgrade, que toutes les politiques de réforme sont bloqués en raison de l’inconnue constitutionnelle et que l’on ne pourra de toute façon pas faire l’économie d’un débat sur le statut final du Kosovo.
L’Union de Serbie et du Monténégro a été portée sur les fonts baptismaux par la diplomatie européenne, mais depuis la conclusion de l’accord de Belgrade, le 14 mars 2002, ce nouvel État semblait bien mal parti.
Les principes de base étaient à peu près clairs : l’Europe voulait à tout prix éviter une séparation de la Serbie et du Monténégro, car cette séparation aurait également entraîné l’indépendance du Kosovo. La nouvelle Union, établie pour une période transitoire de trois ans, devait donner les plus larges compétences aux deux républiques, même si l’Union restait un sujet unique de droit international.
Depuis la signature de l’accord, les Serbes et les Monténégrins se sont lancés sans réserve dans les délices du bricolage institutionnel. A priori, quand les négociateurs monténégrins voulaient davantage d’autonomie, leurs homologues serbes essayaient d’infléchir le texte dans le sens d’un État plus centralisé.
Les Monténégrins ont dû avaler quelques couleuvres, notamment le fait que les deux républiques n’auront pas de représentation séparée dans les institutions internationales. En retour, les Serbes ont dû lâcher du lest sur des points essentiels. Les Monténégrins s’opposaient ainsi catégoriquement à toute forme d’union monétaire, et ne voulaient pas permettre le retour du dinar yougoslave dans la petite république, qui a adopté l’euro comme monnaie légale depuis janvier 2002.
Le Kosovo reste dans le giron de la Serbie
En réalité, le camp serbe était loin de parler d’une seule voix. Les partisans de l’actuel Président fédéral, Vojislav Kostunica, essayaient de sauver ce qui pouvait l’être des compétences fédérales. Ils ont reçu le soutien tactique des réformateurs libéraux proches du groupe d’expert G-17 Plus et du gouverneur de la Banque centrale yougoslave, Mladjan Dinkic, qui soulignaient la non-viabilité d’un État ayant deux systèmes monétaires, deux Banques centrales ou encore deux régimes de douane distincts. À l’inverse, les proches du Premier ministre de Serbie, Zoran Djindjic, poursuivaient un objectif avant tout politique : achever de détruire les institutions fédérales, dernier bastion de Vojislav Kostunica. Cela leur fournissait un terrain d’entente tout trouvé avec les partisans de l’homme fort du Monténégro, Milo Djukanovic.
Le document adopté dans la nuit de jeudi à vendredi, qui laisse encore quelques points dans l’ombre, est le résultat des innombrables compromis que les uns et les autres ont été obligés de passer. Signe de la bonne entente régnant entre Zoran Djindjic et Milo Djukanovic, le premier Président de la nouvelle Union devrait être un Monténégrin. Sans qu’aucun nom ne soit officiellement avancé, on parle de Svetozar Marovic, ancien président du Parlement monténégrin, et proche de Milo Djukanovic.
La Charte constitutionnelle devrait maintenant être soumise aux Parlements des deux Républiques, et les plus optimistes pensent que l’ensemble du processus de mise en place du nouvel État pourrait être bouclé dans les deux mois. Échéance importante, il faudra notamment désigner les membres du futur parlement de l’Union, qui seront choisis par les parlements des deux républiques. Les Monténégrins s’opposaient en effet catégoriquement à une élection au suffrage universel.
La ratification de la Charte par les deux Parlement est pourtant encore tout sauf acquise. Au Monténégro, les courants les plus indépendantistes de la majorité de Milo Djukanovic pourraient se lancer dans une bataille d’amendements, tout comme l’opposition pro-yougoslave, bien décidée à faire avorter la nouvelle Union.
La situation pourrait être la même au sein du parlement de Serbie, où tous les adversaires de Zoran Djindjic seront tentés de coaliser leurs énergies. Miroljub Labus, qui avait été le candidat réformateur aux élections présidentielles de l’automne dernier, résume à sa manière les critiques formulées contre la Charte, qui ne serait à ses yeux qu’un accord politicien entre Zoran Djindjic et Milo Djukanovic. Pour lui, l’Union va seulement permettre une séparation du Monténégro sans même qu’il soit besoin de convoquer un référendum.
À côté des marchandages politiciens qui font rage à Belgrade comme à Podgorica, les Albanais du Kosovo vont eux aussi tenter de peser contre la mise en place du nouvel État, qui renverrait aux calendes grecques toute perspective d’indépendance du territoire. Dès l’automne, le Premier ministre du Kosovo, Bajram Rexhepi, a menacé d’une déclaration unilatérale d’indépendance en cas d’adoption de la Charte constitutionnelle. Le document stipule en effet que le Kosovo fait toujours partie de la Serbie, une position inacceptable pour les Albanais, bien décidés à imposer l’ouverture d’un débat international sur le statut final du Kosovo.
L’Union européenne, qui peut revendiquer la paternité du projet d’Union de Serbie et du Monténégro, promet pour sa part de reprendre l’initiative politique pour accélérer la mise en place du nouvel État.
De plus en plus de voix s’élèvent pourtant, en Serbie comme au Monténégro, pour souligner que près d’un an a déjà été perdu depuis la conclusion de l’accord de Belgrade, que toutes les politiques de réforme sont bloqués en raison de l’inconnue constitutionnelle et que l’on ne pourra de toute façon pas faire l’économie d’un débat sur le statut final du Kosovo.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 18/01/2003