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Justice

Verdict contesté dans le procès d’Outreau

Outreau : 15 et 20 ans de prison pour le couple Badaoui-Delay. 

		(photo : AFP)
Outreau : 15 et 20 ans de prison pour le couple Badaoui-Delay.
(photo : AFP)

Après presque trois mois de débats et de multiples coups de théâtre, le verdict est tombé dans le procès pour pédophilie d'Outreau à Saint-Omer, dans le nord de la France. La Cour d'assises du Pas-de-Calais a prononcé dix condamnations et sept acquittements. Les deux principaux accusés du procès, Myriam Badaoui et son mari Thierry Delay, reconnus coupables de viols, d'agressions sexuelles et de proxénétisme sur des enfants, sont condamnés respectivement à 15 ans et 20 ans de réclusion criminelle. Leurs anciens voisins ont également été condamnés pour viol à 6 ans et 4 ans de prison. Quant aux treize autres accusés qui clamaient leur innocence depuis le début de l'affaire, six sont condamnés et sept acquittés. Un dénouement en demi-teinte sur lequel le ministre de la Justice, Dominique Perben, s’est engagé publiquement à «tirer les conséquences».

Les juges et les jurés de la Cour d'assises du Pas-de-Calais ont mis du temps à se mettre d’accord sur le verdict dans l’affaire de pédophilie d’Outreau. La Cour dont la décision est tombée à 2 heures du matin, a prononcé en tout dix condamnations et acquitté sept personnes. Les protagonistes du procès, Myriam Badaoui et son mari Thierry Delay, reconnus coupables de viols, d'agressions sexuelles et de proxénétisme sur des enfants, sont condamnés respectivement à 15 ans et 20 ans de réclusion criminelle.

Leurs voisins de palier à Outreau, David Delplanque et Aurélie Grenon, ont écopé respectivement de 6 et 4 ans de prison, pour les mêmes motifs. Egalement condamnés, Frank et Sandrine Lavier, Thierry Dausque, Daniel Legrand fils, Alain Marécaux et le prêtre-ouvrier Dominique Wiel ont été condamnés à des peines allant de 18 mois de prison avec sursis à 7 ans de prison pour l’abbé. A l’annonce du verdict, plusieurs amis de l’abbé Wiel ont crié leur colère: «ils le savent innocent, mais ils ne veulent pas déjuger». Certains avocats de la défense ont annoncé leur intention de faire appel.

Des pistes de réforme

Un verdict étrange, en l’absence de charges, sept personnes ont été acquittés, conformément au réquisitoire de l’avocat général, alors qu’ils étaient treize à espérer un acquittement. Parmi les sept innocentés, la boulangère, Roselyne Normand, le chauffeur de taxi, Pierre Martel, le père Legrand, et Karine Duchauchoy, certains d’entre eux ont effectué de la détention préventive de plusieurs mois à près de trois ans. Satisfaits, leurs avocats ont exprimé leur sentiment d’injustice. «J’ai le sentiment que la justice n’est pas allée au bout du chemin, il y a tellement d’amertume », a déclaré l’avocate de la boulangère, Roselyne Normand.

Les sept acquittés ont également exprimé leur souhait d’essayer de retrouver une vie normale mais en affirmant aussi, comme Karine Duchauchoy que «la justice leur a volé des années de leur vie». Fait assez rare, le ministre de la Justice Dominique Perben est sorti de sa réserve pour exprimer ses «regrets» et sa «compassion» à l'égard des victimes des erreurs de l'institution judiciaire. Le Garde des Sceaux a décidé de mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir à «plusieurs pistes de réformes» sur l'instruction et l'expertise, dont les conclusions sont attendues au mois de septembre.

En acceptant les sept acquittements requis par l'avocat général, les jurés ont reconnu les dysfonctionnements dénoncés dès le début du procès, le 4 mai, dans l'instruction du dossier. Mais ils ont aussi été très sensibles aux souffrances des seize enfants reconnus victimes, dont la parole, si difficile à recueillir, a su les convaincre, malgré les contradictions des experts. Dans ce procès hors-normes, l'accusation reposait essentiellement sur la parole de très jeunes enfants dont les souvenirs ont pu s'effacer ou bien être altérés par l'ampleur médiatique du procès.

Les faits dataient de quatre ans, voire huit ans pour certaines victimes. Avec des mots très crus, les enfants ont raconté les sévices sexuels dont ils ont été victimes de la part de leurs propres parents et des amis de leurs parents et comment ceux-ci les ont transformés, selon les termes des avocats du dossier, en «objets sexuels», entre 1995 et 2000, dans une cité d’HLM de la tour du Renard, un quartier populaire de la banlieue de Boulogne-sur-mer. Une affaire de mœurs révélatrice de la misère sociale avec des enfants de deuxième ou troisième génération de chômeurs, dont les débats se sont clos cette semaine avec les dernières déclarations des deux protagonistes. «Je n’ai rien à ajouter», a déclaré Myriam Badaoui, tandis que son époux Thierry Delay a souhaité «demander pardon».



par Myriam  Berber

Article publié le 02/07/2004 Dernière mise à jour le 02/07/2004 à 15:48 TU