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Indonésie

Megawati résiste

Le 20 septembre prochain la présidente sortante Megawati affrontera Banbamg Yodhoyono son ancien ministre pour le deuxième tour de l'élection présidentielle. 

		(Photo : AFP)
Le 20 septembre prochain la présidente sortante Megawati affrontera Banbamg Yodhoyono son ancien ministre pour le deuxième tour de l'élection présidentielle.
(Photo : AFP)
La présidente indonésienne a déjoué les sondages qui l’a donnait battu à l’élection présidentielle. Elle affrontera son ancien ministre de la Sécurité, Banbamg Yodhoyono, vainqueur d’un scrutin également marqué par la défaite des religieux musulmans.

De notre correspondant à Djakarta

Le dépouillement des bulletins du premier tour de l’élection présidentielle indonésienne n’est pas achevé. Mais les résultats partiels confirment déjà ce que  les projections de plusieurs organisations indépendantes avaient annoncé quelques heures après la fermeture des bureaux de vote lundi. L’ancien ministre de la Sécurité, Susilo Banbamg Yodhoyono émerge en tête avec 33,2% des suffrages.

La victoire de ce général à la retraite était attendu. Il a su cultiver l’image d’un militaire modéré, capable de restaurer la stabilité dans l’archipel tout en respectant les principes démocratiques acquis après la chute de la dictature en 1998. Il affrontera au second tour, prévu le 20 septembre prochain, Megawati Sukarnoputri qui obtient près de 26% des voix. Donnée largement battue avant le scrutin, la présidente sortante réalise un meilleur score que prévu et distance assez nettement le général Wiranto. Le candidat du parti de l’ancien dictateur Suharto, inculpé de crimes contre l'humanité pour les massacres commis au Timor Oriental en 1999, ne recueille en effet que 22% des suffrages.

La «Mega», comme la surnomme ses partisans, conserve donc des chances de l'emporter au second tour.  Certains analystes locaux la donnent même favorite. Elle bénéficie de l’appareil de l’Etat pour faire campagne et la prime au sortant pourrait être significative dans un pays en quête de stabilité. « Un des principaux facteurs sera l'information. Ou la désinformation » prédit Gunawan Hidayat, du Réseau d'éducation des électeurs, en rappelant que la campagne de SMS qui a répandu la rumeur que Yodhoyono était chrétien, a sans doute coûté des points à l’ancien ministre de la sécurité que les sondages créditaient de 45% des intentions de vote pendant la campagne du premier tour. « La popularité de M. Yudhoyono peut très facilement se dégonfler s'il est touché par une affaire qu’il ne peut pas gérer » ajoute l’analyste, interrogé par l’Agence France Presse.

Recul de l’Islam politique

L’autre fait marquant ce premier tour est l’échec cuisant des deux candidats religieux musulmans. Un événement en soit dans un pays où 85% des 215 millions d’habitants se réclament de l’Islam. Hamza Has, élu vice-président par le parlement en juillet 2001 au terme d’obscurs manœuvres politiciennes, obtient moins de 3% des suffrages. Réputé proche des milieux fondamentalistes, son score n’est pas une surprise. On attendait mieux en revanche de l’intellectuel musulman Amien Rais, que certains sondages plaçaient en ballottage favorable pour figurer au second tour. Mais avec 14,5% des votes, il arrive loin derrière les trois candidats laïques. Amien Rais est le fondateur de la Muhamadiyah, une organisation qui tente de purifier l’islam traditionnel indonésien, un syncrétisme très modéré mêlant islam et animisme, au profit d’une pratique religieuse inspirée par la doctrine wahhabite appliquée en Arabie Saoudite. Soucieux d’apparaître comme un candidat consensuel, Amien Rais a su parfois nuancer ses positions en intégrant quelques chrétiens dans son parti. Mais il a aussi cherché, et obtenu, le soutien du Parti de la Justice et de la Prospérité, une formation islamiste qui avait réussi une percée électorale (7%) lors des élections législatives d’avril. Un atout que l’on estimait de poids dans un archipel travaillé en profondeur par une vague de ré-islamisation à laquelle le champs politique n’a pas échappé.

Que les trois candidats laïques aient choisi un colistier à la vice-présidence issu d’une organisation musulmane en atteste. Et si aucun d’entre eux ne s’est jamais prononcé en faveur de la charia (loi islamique) tous se sont quand même affichés dans des écoles coraniques sous l’œil des caméras de télévision. La présidente Megawati est allé plus loin encore, en apparaissant pour la première fois sur ses affiches électorales avec un voile islamique. « Mais ce voile ne recouvre ni son cou si sa première frange de cheveux » tempère Tommi Legowo, analyste politique dans un organisme de recherche indépendant.

Selon lui, cette souplesse reflète la position d’une grande majorité de musulmans indonésiens sur la place de l’islam dans la société :  « Ils en veulent un peu plus qu’avant mais pas trop quand même «. « Cette élection marque un recul de l’islam politique et de ceux qui veulent instaurer la Charia dans le pays» confirme Andrée Feuillard, chercheuse au CNRS et spécialiste de l’Islam indonésien. « Mais un risque demeure », poursuit, prudente, l’universitaire. Car les deux candidats encore en lice pour le second tour pourraient se livrer à une surenchère islamique afin de capter l’électorat des religieux à qui ils promettront en échange des ministères. « Or l’histoire nous enseigne que l’instauration de la charria résulte moins souvent de phénomènes majoritaires que des pressions exercées par des groupes minoritaires sur des gouvernements laïcs en quête de légitimité islamique ».



par Jocelyn  Grange

Article publié le 07/07/2004 Dernière mise à jour le 07/07/2004 à 13:14 TU