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Cameroun

Informatisation et urnes de verre

Le Cameroun, lui aussi attend ses urnes transparentes, comme au Nigéria (photo).  

		photo : AFP
Le Cameroun, lui aussi attend ses urnes transparentes, comme au Nigéria (photo).
photo : AFP
Des chefs de file de l’opposition regroupés au sein de la Coalition pour la réconciliation et la reconstruction nationales (CRNN) autour de John Fru Ndi ( président du Social democratic front, SDF) et de Adamou Ndam Njoya (président de l’Union démocratique du Cameroun, UDC) multiplient les manifestations pour exiger «l’informatisation du processus électoral avant toute élection». Le gouvernement rétorque qu’il a lui-même décidé d’informatiser les opérations électorales s’il parvient à réunir à temps les quelque 9 milliards francs Cfa nécessaires.

«Nous allons continuer les manifestations publiques et maintenir la pression sur les autorités jusqu’à ce qu’elles cèdent»: Tazoacha Asonganyi, le secrétaire général du SDF et non moins secrétaire permanent de la CRRN est déterminé. Il annonce la suite du programme d’actions arrêté par les forces d’opposition qui prévoit des marches hebdomadaires, tous les mardis à Yaoundé. Les autorités administratives déclarent ces manifestations «illégales», parce que non déclarées. John Fru Ndi et ses compagnons n’en ont cure. «C’est vrai, nous n’avons pas déclaré les manifestations. Mais à quoi cela aurait-il servi, puisque dans tous les cas le préfet aurait interdit notre marche», réplique un membre influent de la Coalition, qui n’a pas oublié que quelques semaines plus tôt, le préfet du département de la Mvila, dans la province du Sud, perdait son poste suite à l’interdiction d’une manifestation de la même Coalition…

Journée test mardi prochain

Malgré l’opiniâtreté qu’ils affichent, les leaders de l’opposition savent déjà au moins qu’ils pourront difficilement tenir le rendez-vous du 20 juillet, en raison d’une tournée qu’ils organisent dans partie septentrionale du pays, du 16 au 21 juillet. L’opinion attend donc le prochain mardi, le 13 juillet, avec d’autant plus de curiosité que les réactions des autorités administratives et des forces de l’ordre ont varié lors des deux précédentes manifestations. Le 28 juin, une dizaine de leaders de l’opposition, accompagnés des députés du SDF et de l’UDC, ont effectué une marche qui a démarré au centre-ville de Yaoundé et butté, aux portes des bureaux du Premier ministre, sur un cordon de sécurité organisé par des gendarmes et des policiers venus en nombre impressionnant. Une semaine plus tard, les mêmes ont été contenus pendant plusieurs heures au centre-ville, par des éléments des forces de l’ordre. La marche a tourné court.

Porté dans la rue à l’intention du pouvoir en place, de l’opinion nationale et internationale, le débat sur la transparence et la crédibilité des élections, a ressurgi, moins de quatre mois avant le scrutin présidentiel prévu pour octobre prochain. On le croyait assoupi, voire évacué de l’agenda politique du pays, du fait de la nomination le 26 mai dernier, par le président Biya, des 11 membres de l’Observatoire national des élections (Onel), au terme des consultations des partis politiques de toutes tendances et de la  société civile par le Premier ministre, Peter Mafany Musonge. L’Onel avait été créé en 2000, en lieu et place de la Commission électorale nationale indépendante réclamée par les principaux partis d’opposition pour servir de «gendarme des élections».

Aujourd’hui, la Coalition place «l’informatisation du processus électoral avant toute élection» au centre de ses revendications qui concernent également par exemple «l’absence des commissions départementales de supervision devant jouer un rôle capital lors des inscriptions sur les listes électorales» ou la question «des moyens matériels et financiers alloués aux commissions chargés de la refonte des listes électorales». Autres griefs pour les adversaires du régime Biya : «la prépondérance du rôle des autorités administratives dans le processus électoral, nonobstant leur penchant pour le parti au pouvoir» ou le «refus systématique des autorités administratives d’affecter aux citoyens qui s’inscrivent , un numéro sur la liste».

Neuf milliards de CFA pour informatiser

Pour sa part, à l’issue de la marche du 28 juin, le gouvernement a réagi à la principale revendication de la Coalition. Dans un communiqué du 30 juin, le ministre d’Etat chargé de l’Administration et de la Décentralisation rappelle que «le gouvernement, en collaboration avec des partenaires extérieurs, dont notamment les Nations unies, a élaboré un projet d’informatisation non seulement des listes, mais de l’ensemble des opérations électorales». Il ajoute que «les négociations se poursuivent avec ces partenaires pour le financement de cet important projet dont le coût est de plus de neuf milliards francs CFA» et qu’ «en attendant et sur hautes instructions de monsieur le président de la République, le gouvernement a ordonné la refonte du fichier électoral afin de disposer le moment venu, d’une base de données fiables pour l’informatisation». Et de conclure que « point n’est donc besoin d’organiser une agitation malsaine autour d’un sujet sur lequel la détermination et la bonne foi des pouvoirs publics sont constantes».

Cette réaction n’a pas empêché la Coalition de faire observer que cette sortie de Marafa Hamidou Yaya «ne donne aucune indication claire, ni sur le délai d’informatisation du processus électoral ni sur le mode financement de celui-ci», ajoutant «qu’il est plus aisé de trouver quelques milliards de francs CFA pour financer le processus électoral, gage de paix sociale et de la stabilité nationale que réunir plus de cent milliards pour acquérir l’Albatros». Elle fait ainsi allusion au nouvel avion présidentiel que les sources officielles disent avoir pris en location pour 36 mois, au prix de 130 millions de CFA mensuels. Au total, l’opposition accuse le gouvernement de «manœuvres dilatoires» et rappelle que quelques mois plus tôt «une société canadienne a suggéré au gouvernement qu’elle pouvait, pour un coût de près de 3 milliards FCFA, informatiser les inscriptions sur les listes électorales en 45 jours».

Une chose est sure: le débat sur la transparence électorale ne se réduit pas à la seule question de l’informatisation. Il y a quelques semaines, les Camerounais apprenaient que la Grande-Bretagne envisageait de leur offrir 10 000 urnes transparentes pour le prochain scrutin présidentiel. Le ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale et de la Décentralisation avait alors remercié Londres pour son cadeau tout en déplorant qu’il ne suffise pas à répondre aux besoins chiffrés à 23 000 urnes pour équiper l’ensemble des bureaux de vote du pays. Toutefois, selon de fiables indiscrétions, le Japon a décidé de faire au Cameroun une dotation de 15 000 urnes transparentes supplémentaires.



par Valentin  Zinga

Article publié le 11/07/2004 Dernière mise à jour le 11/07/2004 à 10:02 TU

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Adamou Ndam Njoya

Président de l'UDC, l'Union démocratique camerounaise

«On aurait pu commencer l'informatisation des fichiers électoraux dès 2001. Sur plus de quinze millions de Camerounais, à peine trois millions sont allés voter.»

[02/07/2004]

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