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Cameroun

Le parti au pouvoir affronte ses impatiences

Paul Biya (photo) ayant déjà été élu à la tête du parti depuis le congrès extraordinaire de juillet 2001, est d’office, selon les textes du RDPC, son candidat à l’élection présidentielle d'octobre prochain. 

		(Photo AFP)
Paul Biya (photo) ayant déjà été élu à la tête du parti depuis le congrès extraordinaire de juillet 2001, est d’office, selon les textes du RDPC, son candidat à l’élection présidentielle d'octobre prochain.
(Photo AFP)
Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais , RDPC au pouvoir, vient de célébrer avec ferveur ses 19 bougies. Alors que la tenue d’un congrès, que beaucoup appellent ardemment de leurs vœux avant la prochaine élection présidentielle, est devenue un serpent de mer. Or, cette instance du parti charrie plus d’un enjeu : elle pourrait être l’occasion des mouvements des personnels au sein de l’appareil, constituer un indicateur sur le cap de la modernisation du parti, et servir de cadre pour un exorcisme collectif.

De notre correspondant à Yaoundé

 

On eût dit que sur des airs de fête aux accents triomphalistes, la première formation politique du pays, n’avait d’autres soucis que celui de faire «remonter» à Yaoundé, ces «appels» lancés au président Paul Biya, pour qu’il brigue, dans quelques mois vraisemblablement, un deuxième septennat consécutif à la tête du pays. Le 24 mars, le RDPC au pouvoir, né des cendres de l’ Union nationale camerounaise (UNC, ancien parti unique) sur les hauteurs de la ville de Bamenda dans la province anglophone du nord-ouest, traînait pourtant,  derrière l’euphorie de circonstance, une grande préoccupation: le Congrès, l’une des instances du parti, se tiendrait-il finalement avant l’échéance électorale attendue pour le mois d’octobre prochain ?

 

La tenue, le 16 mars sous la présidence de Paul Biya,  d’une réunion du Bureau politique, le «saint des saints», cénacle restreint, «chargé d’assister le président national dans la conduite des affaires du parti en dehors des réunions du Comité central», n’avait pu jeter qu’un halo sur cette question. C’est tout juste si un communiqué du secrétaire général du Comité central offrait quelques esquisses de réponses: «À l’issue des échanges francs, denses et fructueux sur les dossiers soumis à son examen, le Bureau politique a recommandé au président national de poursuivre avec méthode, la mise en œuvre de l’option fondamentale et irréversible de modernisation du parti engagé depuis sa création à Bamenda en 1985. Il lui a également donné mandat de veiller à la bonne organisation et au bon fonctionnement des instances du parti y compris le congrès», s’était contenté d’écrire Joseph Charles Doumba, dans la plus parfaite tradition de ses discours ampoulés.

 

Enigmatiques, les propos du secrétaire général du RDPC, avaient alors donné lieu à diverses interprétations parmi les militants. Pour certains, le Bureau politique, venait là, de se servir de l’une des prérogatives que lui confèrent les statuts du parti; lesquels précisent que cette instance peut proroger ou abréger la période de cinq ans qui sépare deux congrès. S’agissant d’un Congrès qui était statutairement prévu pour l’année 2001, cette interprétation a paru commode à ceux qui l’ont développée en privé.

 

Il n’empêche. D’autres militants sont allés plus loin. L’Action, journal du RDPC, a par exemple, semblé trancher: «Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que le RDPC s’est dores et déjà engagé dans la dynamique et dans la logique d’un congrès avant la présidentielle de 2004», a-t-on pu lire dans ses colonnes.

 

Qu’importent les querelles d’interprétations entre militants. Il reste constant que le congrès du RDPC est très attendu. Sur le papier, cette instance est chargée de définir «l’orientation politique, économique, sociale et culturelle ainsi que le cadre général de l’action du parti».

 

Frustrations

 

En droite ligne de ce canevas général, les militants et autres observateurs sont  attentifs aux réponses que le président Biya donnera –alors qu’il est jusque là silencieux et que des hiérarques du parti lui prêtent une certaine aversion vis-à-vis des animateurs d’un front de remise en question du fonctionnement du parti, animé par le courant dit  des modernistes constitué de hauts cadres de l’appareil- à l’exigence formulée d’une accélération de la modernisation du RDPC. Une expectative qui n’est pas sans intérêt, si l’on en croit du moins, certains militants et autres chroniqueurs, qui ont développé l’hypothèse selon laquelle, les atermoiements observés autour de la tenue du congrès, seraient en partie liés aux incertitudes qui entoureraient depuis de longs mois, le rapport des forces entre les «conservateurs» et les «modernistes» à l’intérieur du RDPC; hypothèse adossée sur quelques statistiques qui ne font certes pas l’unanimité: le groupe des modernistes, revendique ouvertement l’adhésion à leur courant de quelques 189 membres du comité central –sur les plus de 350 que compte théoriquement le parti- et 132 présidents de sections, -le RDPC en totalise 169. Autant de membres statutairement délégués au congrès, qui ne réunit certes pas seulement ces catégories de militants.

 

Sur un autre plan, il est acquis que le congrès est aussi l’occasion de la désignation et de l’élection des militants à diverses instances du parti. De ce point de vue, le RDPC devrait pourvoir à de nombreux postes crées depuis le congrès de 1996 mais restés vacants, et procéder au remplacement de certains hauts cadres décédés, notamment des vice-présidents et des membres du très prisé bureau politique. Ces mouvements de personnels, attendus des uns et espérés des autres, alimentent d’ores et déjà des batailles internes entre militants, alors même que personne ne peut en jurer ni de l’amplitude, ni de l’ampleur. «La non-tenue du congrès ordinaire en 2001 a fait sortir du bois de nombreux militants qui espéraient une ascension ou une promotion au sein du parti à cette occasion. Qui ne voudrait pas entrer au Comité central, au bureau politique, ou au bureau national de l’OFRDPC( Organisation des femmes de RDPC, Ndlr) ou de l’OJRDPC ( Organisation des jeunes du RDPC, Ndlr) ? Ces ‘ frustrations’ ont commencé à s’exprimer en sourdine, puis, avec un peu plus de véhémence à l’issue du renouvellement des bureaux des organes de base du RDPC en mars-avril 2002 et les présélections des candidats du parti pour le double scrutin de 2002. Malgré les appels à la cohésion, au calme et à la discipline, la sérénité n’est pas entièrement revenue dans les rangs », fait observer Christophe Mien Zok, directeur des organes de presse et d’édition du RDPC.

 

Pour un grand nombre d’entre eux, le congrès aurait valeur d’exorcisme collectif. Ce serait alors le prolongement d’une action de catharsis entamée il y a quelques mois, avec la tenue des «séminaires de formation» à l’intention des jeunes, des femmes, et des parlementaires du RDPC. Et, le besoin d’ apaisement serait si vital avant l’élection présidentielle aux yeux de certains, que même des hauts cadres, connus pour leur pondération, ont dû, depuis quelques mois, saisi le président national du Rdpc, de suggestions, pour la tenue, sinon d’un congrès, du moins d’une «convention» du parti. Une instance inconnue des statuts du parti au pouvoir.

 

Dans cette ambiance de supputations et de querelles à l’intérieur du parti, une certitude: l’idée d’élections primaires devant désigner le candidat du Rdpc à l’élection présidentielle, évoquée par Mila Assouté, chef de file du groupe des modernistes, désavoué sur le dossier par ses amis- ne peut pas prospérer; Paul Biya ayant déjà été élu à la tête du parti depuis le congrès extraordinaire de juillet 2001, il est d’office, selon les textes du RDPC, son candidat à l’élection présidentielle. Une constante aussi: le président du RDPC n’est pas connu pour agir sous la contrainte. Alors, tout le monde attend.



par Valentin  Zinga

Article publié le 29/03/2004 Dernière mise à jour le 30/03/2004 à 10:20 TU