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Agriculture

Le projet de l’OMC contesté de toutes parts

Supachai Panitchpakdi, directeur général de l'OMC,  tente de relancer les négociations après l'échec de Cancun en 2003. 

		(Photo : AFP)
Supachai Panitchpakdi, directeur général de l'OMC, tente de relancer les négociations après l'échec de Cancun en 2003.
(Photo : AFP)
Dans leur tentative de relancer les négociations sur la libéralisation du commerce mondial, en panne depuis le sommet de Cancun, les dirigeants de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont au moins déjà parvenus à relancer le débat. Le projet de compromis sur l’agriculture fait la quasi-unanimité contre lui, pour des raisons strictement opposées.

L’Organisation mondiale du commerce afin de relancer, d’ici la fin juillet, le cycle de négociations de Doha, a présenté, le 16 juillet, un projet aux 147 pays membres. Le directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi, n’a pas manqué de souligner l’importance d’une telle reprise des discussions, au point mort depuis près d’un an. Rater cette occasion reviendrait, a-t-il dramatisé à dessein, à repousser de plusieurs années la poursuite de la libéralisation du commerce mondial. A ce jeu « nous serions tous perdants » pronostique-t-il.

L’accueil réservé à ce projet destiné à servir de base à une reprise des discussions a été très mitigé. Les plus enthousiastes, comme les Etats-Unis, parlent de base de travail à améliorer, tout en soulignant « quelques points importants et difficiles à résoudre » dans le texte. Mais l’opposition la plus ferme est venue de la France qui, dénonçant l’attitude, trop conciliante à son goût, de la Commission européenne a, dès à présent, qualifié le texte d’inacceptable. Le président Jacques Chirac est monté au créneau pour dénigrer « un projet profondément déséquilibré au détriment des intérêts de l’Union européenne ». En effet, les dirigeants de l’OMC prévoient la fin des subventions aux exportations agricoles, mais sans respecter les conditions de strict parallélisme entre tous les grands pays exportateurs, en particulier les Etats-Unis. Le président de la République a demandé à la Commission européenne de s’attacher à rétablir l’équilibre entre les efforts demandés à l’Union européenne, dont au premier chef à l’agriculture française, et aux autres parties prenantes au commerce agricole mondial.

La France préoccupée

Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a officialisé cette exigence française par l’envoi d’une lettre au président de la Commission européenne Romano Prodi exprimant ses plus vives préoccupations. Un conseil européen, prévu le 26 juillet, devrait revenir sur cette question, alors que débute le lendemain une réunion spéciale du conseil général de l’OMC à laquelle devraient participer de nombreux ministres des 147 pays membres. Dès à présent la France est prête à faire durer six mois ou un an de plus ces négociations, plutôt que de conclure un mauvais accord.

Pourtant, la Commission européenne, par la voix du commissaire européen à l’Agriculture Franz Fischler, s’était félicité du soutien de la majorité des Etats membres de l’Union européenne dans sa tentative de parvenir à la relance des négociations. Le commissaire à l’Agriculture qualifiait le document de « bonne base », reconnaissant cependant qu’il nécessitait des clarifications.

Mais la France n’est pas la seule voix discordante dans ce concert. Pour des raisons de défense de leurs intérêts, souvent strictement opposés à ceux de la France, d’autres pays membres de l’OMC ou regroupements de pays ne masquent pas leurs critiques. Alors que le gouvernement canadien saluait, avec de sérieuses réserves, le projet de l’OMC, la commission canadienne du blé, l’un des principaux exportateurs de céréales au monde, appelait son gouvernement à s’opposer « catégoriquement » au compromis agricole proposé. Cet organisme affirme que le projet fait la part trop belle aux principaux concurrents du Canada sur le marché du blé : les Etats-Unis, l’Australie et l’Union européenne.

La lutte de tous contre tous

Le groupe des pays importateurs nets de produits agricoles, baptisé G10, (Suisse, Bulgarie, Taïwan, Islande, Corée du Sud, Japon, Israël, Liechtenstein, Ile Maurice, Norvège) dénonce lui aussi un déséquilibre des sacrifices mais au bénéfice cette fois des pays exportateurs agricoles comme l’Union européenne ou les Etats-Unis.

De leur côté les pays émergents du G20, menés par le Brésil, la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud, avaient assez positivement accueilli le texte de l’OMC le 20 juillet ajoutant qu’il restait beaucoup de travail à faire.. Mais, le 22 juillet, réflexion faite, le G20 exigeait à son tour d’importants changements au projet de compromis. Là encore il y aurait, selon les pays émergents, « déséquilibre manifeste » entre certains points « garantis d’entrée de jeu pour les pays développés, et d’autres points d’importance fondamentale pour les pays en développement qui sont laissés pour la phase suivante des négociations ».

Reste l’aspect, souligné par Jacques Chirac, de la défense des intérêts « des pays les plus pauvres, notamment les pays africains exportateurs de coton, qui sont ignorés alors même que la justification de ce cycle de négociations était le développement ». L’OMC prévoit en effet que le coton fasse l’objet de discussions dans le cadre général des négociations agricoles alors que les pays africains demandaient qu’il soit traité séparément.

C’est donc une lutte de tous contre tous qui menace de s’engager à l’OMC avec en toile de fond le spectre de l’échec du sommet de l’OMC à Seattle, en 1999, et celui de Cancun, en 2003, à peine relativisé par l’accord obtenu à l’arraché, à Doha en 2001. 



par Francine  Quentin

Article publié le 23/07/2004 Dernière mise à jour le 23/07/2004 à 12:10 TU