Agriculture
La France critique les concessions de Bruxelles à l’OMC
(Photo: AFP)
Les commissaires européens au Commerce, Pascal Lamy, et à l’Agriculture, Franz Fischler, ont proposé aux 147 membres de l’OMC de relancer le cycle de négociations entamé à Doha en 2002 mais bloqué depuis Cancun en 2003. Afin de favoriser cette reprise des discussions sur la libéralisation des échanges mondiaux l’Union européenne se déclare prête à éliminer les subventions agricoles à l‘exportation. Ces dispositions jugées protectionnistes sont régulièrement dénoncées par les grands pays exportateurs agricoles, en développement ou non, appartenant au Groupe de Cairns dont l’Australie, le Canada, le Brésil, l’Afrique du sud, ainsi que par les pays pauvres de la planète. L’Union européenne propose également que les pays du G90, les plus pauvres de la planète, bénéficient de l’ouverture des marchés des pays développés et émergents sans réciprocité.
En Europe ces subventions aux agriculteurs compensent la différence entre le prix pratiqué dans la communauté et les cours mondiaux, plus bas. Leur élimination est déjà bien entamée car elles ne représentent plus que 3 milliards d’euros par an contre près de 15 milliards il y a quelques années.
L’objectif de la commission européenne est de reprendre les discussions interrompues sur un échec au sommet de l’OMC à Cancun au Mexique en 2003 afin de décider avant la fin juillet des modalités d’une négociation prévue pour aboutir début 2005. Cette question a été évoquée vendredi dernier avec les experts des Etats-membres de l’Union européenne et les deux commissaires affirment avoir reçu un large soutien.
Sujet brûlant en France
C’était compter sans la réaction de la France qui n’a d’ailleurs pas tardé. Les aides à l’agriculture y sont en effet un sujet brûlant et la France a déjà dû faire des concessions lors de la renégociation de la politique agricole commune (PAC). Elle craint donc que la relance du cycle de Doha se fasse sur le dos des agriculteurs français. Plusieurs ministres français ont critiqué vertement les propositions formulées par les deux commissaires européens, tant sur le fond que la forme ou la stratégie adoptée. Le ministre de l’Agriculture Hervé Gaymard parle de «désarmement unilatéral» en ce que l’Union européenne annonce des concessions avant même le début des négociations. Il estime même que Pascal Lamy et Franz Fischler ont outrepassé leur mandat en prenant ainsi les devants. Le ministre de l’Economie et des Finances Nicolas Sarkozy s’est interrogé sur l’opportunité de faire de telles propositions «alors que les autres n’en font pas». Quant au ministre du Commerce extérieur François Loos il estime que «se déshabiller» n’est pas la bonne solution pour l’Europe.
Directement mis en cause Pascal Lamy a réfuté cette accusation: se déshabiller, dit-il, n’est pas dans ses habitudes et il souligne que cette offre européenne demeure conditionnelle. L’Union européenne a établi, précise-t-il, un strict parallélisme entre les efforts consentis par les Vingt-cinq et la réduction des soutiens à l’exportation plus ou moins déguisés des autres grands acteurs de la négociation, dont au premier rang les Etats-Unis mais aussi l’Australie et le Canada..
Une initiative d’une portée relative
Les commissaires européens se prévalent du soutien qu’a rencontré leur initiative auprès des membres de l’Union européenne. La France ne serait soutenue que par la Hongrie, l’Irlande et la Belgique. D’autres pays traditionnellement alliés de la France sur les questions agricoles n’ont pas ouvertement pris position comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce.
En revanche la proposition a été bien accueillie aux Etats-Unis par le représentant américain au commerce Robert Zoellick. Les contreparties offertes par son pays sont l’élimination des subventions dans le cadre des crédits à l’exportation et la négociation sur la réforme de l’aide alimentaire.
Toutefois on s’interroge sur l’ampleur de la concession des européens. Les élections aux États-Unis en novembre, le renouvellement de la commission européenne en octobre sont deux éléments de nature à rendre très difficile un accord à l’OMC dans les délais prévus. Néanmoins, tôt au tard la question des subventions agricoles à l’exportation devra bien être réglée.
par Francine Quentin
Article publié le 11/05/2004 Dernière mise à jour le 11/05/2004 à 14:24 TU