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Agriculture

Compromis des Quinze sur la réforme des subventions

Les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne sont parvenus à un accord sur la réforme de la politique agricole commune. Ce compromis tente de concilier préservation de ce secteur économique durement confronté à la mondialisation et amélioration de sa conformité aux règles de compétitivité internationales.
Trois semaines de rudes négociations et une nuit blanche à Luxembourg ont été nécessaires aux Quinze pour parvenir à un accord sur la réforme de la politique agricole commune jusqu’en 2013. Il est vrai que les positions étaient très éloignées entre le commissaire européen à l’Agriculture, Franz Fischler, et les représentants des pays où ce secteur occupe une place importante comme la France, l’Espagne, l’Irlande ou l’Italie. Du côté des réformateurs soutenant les positions de la Commission en faveur d’une réduction des aides, d’une maitrise des budgets dans la perspective de l’élargissement à 25 membres, et d’une mise en concurrence plus vive des agricultures européennes avec le reste du monde, on trouvait la Grande-Bretagne, le Danemark et l’Allemagne, avant que ce dernier pays tourne casaque et vienne apporter son soutien à la France.

Ainsi le compromis de Luxembourg met en place un système simplifié de subventions agricoles par le paiement direct et unique aux exploitations d’aides par ailleurs liées à certains critères de protection de l’environnement et de la sécurité alimentaire. Autre nouveauté qui a fait l’objet d’intenses discussions, le découplage, qui consiste à déconnecter le montant des aides du niveau de production. Cette formule avait pour but de réduire une surproduction favorisée par la certitude de toucher des primes, et la protection des plus petites exploitations au détriment des grandes. Devant l’opposition farouche de la France et de l’Espagne, Franz Fischler a dû mettre de l’eau dans son vin et se résigner à un découplage partiel et applicable en 2007 seulement au lieu de 2005 pour les plus réticents. De même, a été abandonné le projet de réduire le prix d’intervention sur les céréales, c’est-à-dire le seuil à partir duquel se déclenchent les aides communautaires. Comme il fallait bien que quelqu’un paye quand même, c’est le prix d’intervention du beurre qui baissera plus que prévu.

Comme la Suisse

A l’issue de cette négociation-marathon les plus réformateurs comme les plus soucieux du maintien d’une politique agricole commune forte se sont tous déclaré satisfaits. Le commissaire Fischler peut désormais se rendre au sommet de l’Organisation mondiale du commerce, en septembre prochain à Cancun au Mexique, dans une position moins vulnérable qu’auparavant. En effet, depuis des années les subventions agricoles européennes font l’objet d’attaques répétées de la part des pays exportateurs de produits agricoles ultra-libéraux tel le groupe de Cairns (Australie, Brésil, Canada…), poussé par les Etats-Unis et, d’autre part, des pays en développement qui dénoncent une concurrence déloyale et un protectionnisme hostile à leurs propres exportations.

De son côté, la France qui avait beaucoup à perdre, pense avoir limité les dégâts. Le budget consacré par l’Union européenne à la PAC est de 43 milliards d’euros soit près de la moitié du budget européen total. Et, sur ce montant, la France, première puissance agricole de l’Union, perçoit plus de 9 milliards d’euros. Elle est, de ce fait, bénéficiaire net de la PAC. Pour Hervé Gaymard, ministre français de l’Agriculture, l’accord préserve les principes essentiels de la politique agricole commune et maitrise les effets de la mondialisation des échanges agricoles…compte-tenu de la dureté des propositions initiales de la Commission et de certains pays membres de l’Union européenne. D’ailleurs, le Danemark affirme que la réforme ne va pas assez loin.

En revanche, le Portugal a manifesté des réticences face au compromis obtenu mais ses critiques ne sont rien à côté du mécontentement des organisations agricoles européennes. Pour les deux principales organisations européennes d’agriculteurs, le Copa et le Cogeca «l’Europe finira comme la Suisse : un joli paysage mais sans production». Surtout, les agriculteurs européens expriment la crainte que ce compromis ne soit pas le maximum consenti et appellent les ministres à ne pas faire de concessions supplémentaires qui leur seraient défavorables, en septembre à l’OMC. Nettement, les chambres d’agriculture françaises dénoncent une poursuite de la libéralisation des marchés agricoles et la baisse de prix. Les agriculteurs français craignent, à terme, la disparition de la politique agricole communautaire.

Lire également:
Réforme de la PAC : produire mieux , la chronique économique de Norbert Navarro

Ecoutez également:
Colette Thomas, journaliste à RFI, Le rendez-vous de la rédaction de RFI (26/06/2003).



par Francine  Quentin

Article publié le 26/06/2003