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Commerce mondial

L’agriculture, dossier à haut risque à Cancun

La libéralisation des échanges agricoles est le dossier le plus chaud à l’ordre du jour de la cinquième conférence de l’OMC qui se déroule à Cancun (Mexique) du 10 au 14 septembre. Les intérêts en jeu sont tels et les positions si opposées qu’un échec de la conférence n’est pas totalement à exclure.
Les partisans de la libéralisation des échanges agricoles l’affirment: l’ouverture des frontières, l’abolition des droits de douane et des aides aux agriculteurs vont accroître les quantités commercialisées entre les différentes régions du monde et favoriser la croissance des pays en développement, en dopant leurs exportations. A cette vision simple s’oppose la diversité de l’agriculture, en général, et de la paysannerie, en particulier, dans le monde. Quoi de comparable entre un des 700 millions de paysans indiens, le céréalier des plaines françaises les plus fertiles du monde et un rural de l’Afrique de l’Ouest ? Leurs conditions de production et leurs intérêts divergent bien souvent et cette hétérogénéité se reflète dans les alliances qui se nouent et se dénouent entre les 146 Etats membres de l’OMC sur ce thème.

On distingue cependant trois grands groupes relativement homogènes lors des négociations: les grands pays exportateurs agricoles favorables à l’ultralibéralisme; les pays industrialisés à agriculture subventionnée, sur la défensive; et les pays en développement dont l’agriculture est vulnérable à la baisse tendancielle des cours mondiaux et qui voudraient bénéficier d’une certaine protection, au moins temporaire. Les négociations ouvertes en 2001 à Doha se sont intitulées «cycle du développement», mais les pays du sud estiment que les résultats escomptés ne sont ni atteints, ni même, pour beaucoup d’entre eux, accessibles.

Les responsables du blocage sur les questions agricoles ont été vite désignés: les Etats-Unis et l’Union européenne qui consacrent 300 milliards de dollar par an d’aides à leur agriculture, empêchant les pays en développement d’accéder à leurs marchés et, pire encore, concurrençant les productions locales par des exportations subventionnées. Aux États-Unis comme en Europe l’agriculture est un sujet politiquement, économiquement et socialement sensible et les gouvernements s’attachent à défendre ce secteur autant que faire se peut. Mise régulièrement à l’index l’Union européenne est parvenue, non sans peine, à réformer sa politique agricole commune afin de la rendre davantage acceptable dans les instances internationales comme l’OMC.

Libéralisme et production locale

Anticipant le débat où ils seraient mis en accusation à Cancun, et pour éviter l’échec de la rencontre, Etats-Unis et Union européenne ont conclu un accord à proposer à leurs partenaires de l’OMC. Cette proposition commune prévoit la réduction globale des droits de douane allant jusqu’à leur suppression sur certains produits présentant un intérêt particulier pour les pays en développement. Les subventions à l’exportation, y compris sous la forme empruntée par les Etats-Unis du financement de programmes d’aide alimentaire, devraient être revues. Enfin, les subventions internes devront être réduites, pour celles qui ont le plus fort impact sur les marchés mondiaux, et davantage contrôlées pour les autres. Elle n’a cependant pas fait l’unanimité parmi les autres membres de l’organisation qui l’ont trouvée trop timide.
En effet à l’autre extrême de l’éventail des positions on trouve les partisans de l’ouverture totale des marchés agricoles, rassemblés au sein du groupe de Cairns. Ce club rassemble à la fois des pays riches comme le Canada ou l’Australie, des pays parmi les plus pauvres comme la Malaisie ou l’Indonésie et des leaders des pays en développement comme le Brésil ou l’Afrique du sud, avec pour caractère commun d’être de gros exportateurs agricoles produisant de manière extensive en grandes quantités et à bas coûts, notamment salariaux.

Vient ensuite le groupe des pays pauvres qui voudraient bien développer une agriculture encore non compétitive, à l’abri de la concurrence sauvage des autres. Tel le Sénégal qui reçoit du poulet européen à un prix inférieur au coût de production local et du riz thaïlandais bradé, dissuadant la production nationale. Porte-parole d’Attac-Belgique, Arnaud Zacharie rappelle qu'au cours des deux siècles derniers les grandes puissances mondiales actuelles ont, dans un premier temps protégé leurs industries naissantes et ne se sont ouverts aux échanges internationaux qu’après avoir consolidé leurs bases économiques. C’est le même traitement qui est demandé en faveur des pays les plus pauvres, au moins pendant un certain temps.
D’autant, souligne José Bové porte-parole de la Confédération paysanne tête de file, en France, de l’altermondialisation, que seulement 10% de la production agricole mondiale fait l’objet d’échanges internationaux. «C’est donc au profit de ces 10% que l’on met en péril les 90% restants». Il vaudrait bien mieux, ajoute-t-il, «nourrir les gens avec ce qui est produit dans le pays ou la région où ils habitent».

Ecouter également:

Samuel Amehou, Ambassadeur du Bénin à Genève (Invité Afrique, 8 septembre 2003): Avant l’ouverture de la conférence de l’OMC, quatre pays africains, le Bénin, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad, ont déposé une soumission sur le coton afin que les pays riches arrêtent d'accorder des subventions à leurs producteurs de coton.

Afrique économie (8 septembre 2003): le problème du coton à l’OMC.



par Francine  Quentin

Article publié le 08/09/2003