Iran
Affaire Kazemi : la famille réclame une nouvelle enquête
Photo : AFP
Après un procès controversé et très critiqué par la communauté internationale, la justice iranienne a décidé d’acquitter, samedi 24 juillet, un agent du ministère des Renseignements, Mohammad Reza Ahmadi, accusé du meurtre de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi. Agée de 54 ans, cette dernière a été arrêtée en juin 2003 alors qu’elle prenait des photos de la prison d’Evine, à Téhéran, où sont détenus de nombreux opposants au régime. Après quatre jours d’interrogatoire, elle a été admise à l’hôpital de Téhéran où elle a sombré dans le coma, avant de succomber dix jours plus tard. Les autorités judiciaires ont d’abord affirmé que le décès était dû à une attaque, mais une enquête gouvernementale a divulgué qu’elle était morte des suites d’une hémorragie cérébrale causée par un coup reçu à la tête.
Après son arrestation, Zahra Kazemi a été interrogée par plusieurs services de la sécurité iranienne, dont notamment le parquet, la police et le ministère des Renseignements. C’est un des agents du ministère des Renseignement Mohammad Reza Aghdam Ahmadi qui comparaissait devant le tribunal de Téhéran pour «meurtre quasi-intentionnel». Le suspect a été acquitté, samedi 24 juillet, pour «manque de preuves» par le tribunal de Téhéran. En l’absence de condamnation, le gouvernement doit, selon la loi islamique, payer «le prix du sang» à la famille de la victime, soit l’équivalent d’environ 14 000 dollars.
«Un bouc émissaire»
Le collectif d’avocats de la famille Kazemi, mené par le Prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, a fait appel pour obtenir une nouvelle enquête. Pour l’avocate Shirin Ebadi, la justice iranienne, aux mains des conservateurs, cherche à «cacher les faits ayant entouré la mort de la journaliste». Les proches de la victime, eux-mêmes, ne croient pas en la culpabilité de Mohammad Reza Aghdam Ahmadi et le présentent comme «un bouc émissaire», une manière de régler des comptes avec le ministère iranien du renseignement, un ministère proche des réformateurs du président Khatami. Selon eux, «c’est plutôt le responsable de la justice à la prison de Téhéran, qui aurait assené le coup fatal dès le premier jour de détention de Zahra Kazemi.»
Estimant que «la justice aux mains des conservateurs n’a pas pris en compte des témoignages essentiels», le collectif d’avocats de la famille Kazemi veut maintenant que l’affaire soit renvoyée devant un tribunal pénal de province qui compte de trois à cinq juges, alors que le tribunal de Téhéran n’en compte qu’un seul. L’avocate Shirin Ebadi a dit espérer que cette affaire puisse se régler en Iran par un procès équitable, faute de quoi «elle menace de porter l’affaire devant une juridiction internationale».
Au cours du procès qui avait repris mi-juillet après neuf mois d’interruption, certains droits de droits de la défense n’ont pas été respectés. Le juge a, en effet, refusé d’entendre les témoignages présentés par la famille Kazemi et a également refusé l’accès des audiences aux observateurs étrangers. Plusieurs représentants d’ONG et des diplomates occidentaux n’ont pas été autorisés à assister au procès. Le gouvernement canadien après être resté silencieux à l’énoncé du jugement, samedi, a finalement exprimé son mécontentement quant au déroulement du procès. Le ministre des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew, estime pour sa part que «justice n'a pas été faite pour établir la vérité» et réclame «une nouvelle enquête». Le ministre a affirmé qu’Ottawa qui a déjà rappelé son ambassadeur la semaine dernière, pourrait prendre d'autres actions contre le gouvernement iranien si rien n'était fait.
par Myriam Berber
Article publié le 26/07/2004 Dernière mise à jour le 26/07/2004 à 13:49 TU