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Iran

Khatami exige la vérité sur la mort de Zahra Kazemi

Le président iranien veut imposer la transparence dans l’affaire de la mort de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi.
De notre correspondant à Téhéran

En décidant de faire la lumière sur la mort de la journaliste photographe irano-canadienne Zahra Kazemi, les autorités iraniennes ont fait un geste sans précédent. Dimanche dernier, le président Khatami avait ordonné à quatre de ses ministres (Intérieur, Renseignements, Culture et Justice) de faire une «enquête détaillée et rapide» et d’en informer des résultats «l’opinion publique et moi-même». A l’époque, beaucoup avait cru à une tentative pour enterrer l’affaire. Plusieurs jours après cet ordre présidentiel, rien n’avait filtré, si ce n’est des informations officieuses ou des rumeurs sur l’inhumation du corps de la journaliste.

Mardi, l’annonce d’une autopsie sur le corps de la journaliste et surtout l’annonce de la décision du comité d’enquête que le corps ne sera pas inhumé tant que les investigations n’auraient pas pris fin étaient le signe d’une première victoire du camp présidentiel face à ceux qui voulaient enterrer l’affaire. Ainsi le quotidien conservateur Kayhan critiquait violemment le président Khatami pour avoir crée ordonné une enquête sur la mort d’une journaliste et n’avoir pas fait de même pour connaître ceux qui sont à l’origine de la récente hausse des prix.

Mais les réformateurs semblent pousser leur avantage. Mercredi, le vice-président iranien Mohammad Ali Abtahi, un homme très proche du président, annonçait à la sortie du Conseil des ministres que «Zahra Kazemi était morte d’une hémorragie cérébrale causée par des coups» sans toutefois en préciser la provenance. Le ministre de la Santé M. Pezeshkian était plus prudent. «La journaliste est morte d’une hémorragie cérébrale», a-t-il affirmé en précisant dans a foulée qu’il n’avait pas constaté de trace de coups sur son visage après avoir examiné personnellement le corps. Mais selon le ministre d’autres médecins doivent encore examiner le corps. En tout cas, cela constitue un désaveu de la première thèse sur la mort de Zahra Kazemi qui avait parlé d’une «attaque cérébrale à l’hôpital» où elle avait été emmenée après avoir «senti un malaise lors d’interrogatoires au ministère des Renseignements».

Des révélations sans précédent

Zahra Kazemi, une journaliste irano-canadienne travaillant pour l’hebdomadaire québécois Recto-Verso, a été arrêtée selon ses proches le 24 juin lorsqu’elle voulait des prendre des photos devant la prison d’Evine dans le nord de Téhéran. Des familles de jeunes arrêtés lors des troubles qui avaient eu entre le 10 au 20 juin à Téhéran et en province s’étaient rassemblées devant la prison pour avoir des nouvelles de leurs proches arrêtés. Selon la version officielle, deux jours plus tard, elle a été emmenée d’urgence à l’hôpital où elle a eu une attaque cérébrale. Cette version n’a convaincu personne. Selon les autorités, quelque 4 000 personnes – dont plus de 1 000 à Téhéran – ont été arrêtées pendant ces manifestations hostiles au pouvoir et plusieurs centaines d’entre elles se trouvent toujours en prison dans l’attente d’être jugées.

Il s’agit de révélations sans précédent de la part des autorités iraniennes. Mais d’autres questions n’ont pas encore trouvé leurs réponses. Lundi, dans une déclaration au journal réformateur Yass-é No, Mohsen Mirdamadi, président de la Commission des Affaires étrangères du parlement avait affirmé qu’il suffisait de répondre à plusieurs questions pour connaître la vérité sur cette affaire. Qui a ordonné l’arrestation de Mme Kazemi ? Qui a informé le ministère de la Culture de sa mort ? Qui a demandé au vice-ministre de la Culture de donner une interview à l’agence officielle de presse pour affirmer que Mme Kazemi avait subi une attaque cérébrale après avoir été admise à l’hôpital et enfin, qui a voulu faire enterrer le corps de Zahra Kazemi dans la précipitation. Mohsen Midamadi, considéré comme un proche du président Khatami, ajoutait que si les résultats de l’enquête menée par ce comité n’étaient pas satisfaisants, le parlement se saisirai directement de l’affaire pour mener sa propre enquête.

Reste le porte-parole du gouvernement a affirmé que Zahra Kazemi était iranienne et que les autres pays ne devaient pas intervenir dans les affaires intérieures iraniennes. Le gouvernement canadien a en effet demandé que le corps de la journaliste qui vivait au Canada et avait aussi la nationalité canadienne soit rapatrié dans ce pays. Le ministre de la Santé a quant à lui refusé que le corps puisse être examiné par des médecins étrangers.

En tout cas, ces premières révélations constituent non seulement un aveu sans précédent mais aussi une victoire importante pour le président iranien et ses amis réformateurs. En effet, le président avait promis de faire toute la vérité sur l’affaire. Qui a décidé l’arrestation de Zahra Kazemi ? Il y a quelques jours, la Commission islamique des droits de l’homme –une organisation semi indépendante– avait affirmé que c’est le procureur général et révolutionnaire de Téhéran qui était à l’origine de l’arrestation de la journaliste et c’était à lui d’en répondre. Désormais la question de savoir si l’enquête ira jusqu’à révéler l’identité de ceux qui sont derrière l’arrestation de Zahra Kazemi. Le président Khatami qui a ordonné l’enquête avait affirmé que les responsables de son arrestation, devaient être sévèrement punis s’il était prouvé qu’ils avaient enfreint la loi.

Dans la bataille entre les réformateurs soutenant le président Khatami et les conservateurs qui contrôlent notamment la justice, cette affaire pourrait tourner à l’avantage des premiers.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 17/07/2003