Iran
Après Bagdad, Téhéran ?
Le directeur général de l'Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est arrivé mercredi à Téhéran pour une visite de 24 heures visant à convaincre les autorités d’accepter un contrôle plus poussé de leurs installations nucléaires. Mohamed El Baradei et ses interlocuteurs sont tombés d'accord pour tenter de renforcer le contrôle des installations nucléaires de Téhéran.
Mohamed El Baradei veut comprendre à quels impératifs obéit le programme d’enrichissement d’uranium de Téhéran. Il a donc demandé à ses interlocuteurs de signer «immédiatement et sans conditions» le protocole additionnel du traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Ce protocole autoriserait ainsi l’agence à procéder à des inspections surprises de sites nucléaires iraniens. Bien que signataire en 1970 du TNP, l’Iran est suspecté de mener un programme de recherche nucléaire militaire, notamment depuis la révélation par les opposants en exil au régime de Téhéran, en août dernier, de l’existence de deux sites d’enrichissement d’uranium et de production d’eau lourde : Arak et Natanz. Mardi, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI, branche politique des Moudjahidine du peuple) publiait de nouvelles révélations en affirmant que deux autres sites secrets étaient en préparation : Kolahdouz, à une quinzaine de kilomètres de la capitale, et Ardekan, dans le centre du pays. Selon le CNRI, le premier serait une installation pilote destinée à tester le matériel d’enrichissement de l’uranium (centrifugeuses), tandis que le second serait consacré au traitement de l’uranium, tous deux s’inscrivant dans une politique de développement des capacités nucléaires de l’Iran et de maîtrise de l’ensemble du processus.
L’histoire nucléaire iranienne remonte à la fin des années 50, grâce à la collaboration des pays occidentaux. Cependant pour avoir dissimulé les derniers épisodes Téhéran s’est attiré les soupçons de la communauté internationale, États-Unis en tête, dans un contexte particulièrement défavorable en matière de tolérance à l’égard des armes de destruction massive, comme on l’a vu à propos de l’Irak et de la Corée du Nord. La Grande-Bretagne, la France et la Russie ont également exprimé leur préoccupation et appelé l’Iran à rétablir la confiance en prenant les mesures appropriées, c’est à dire en suivant les recommandations du directeur de l’AIEA et en acceptant de se soumettre aux visites surprises. De plus, c’est au moment où le dossier reprend une certaine vigueur que les autorités iraniennes confirment le succès des essais de son nouveau missile balistique (sol-sol), le Shahab 3, capable d’emporter une charge de 800 kg sur une distance de 1 300 kilomètres. En attendant mieux, car selon les services de renseignement israéliens, les Iraniens travaillent à la fabrication d’un engin possédant un rayon d’action de 10 000 kilomètres.
Téhéran continue de nier farouchement toute volonté de se doter de bombes atomiques et affirme que son programme nucléaire n’a d’autre vocation que de produire de l’énergie électrique. «Cette visite est destinée à créer la confiance», a indiqué un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Car l’Iran ne veut rien signer sans avoir négocié son adhésion au protocole additionnel. Le gouvernement iranien attend notamment des pays occidentaux qu’ils l’aident au préalable à développer son programme nucléaire civil et rappelle que le TNP fait d’ailleurs obligation aux puissances nucléaires militaires d’aider les autres pays à développer leur nucléaire civil. Mercredi soir, Téhéran confirmait sa volonté de gagner du temps: à l'issue d'une première série d'entretiens, le directeur de l'AIEA a précisé que le calendrier pour la signature du protocole additionnel n'avait pas été discutée. «Nous nous sommes mis d'accord pour envoyer un groupe d'experts en Iran pour discuter avec les Iraniens des questions pour lesquelles l'Iran réclame une clarification», a affirmé M. El Baradei.
Jusqu’au Conseil de sécurité ?
Mais, après le 11 septembre, après la guerre en Afghanistan et celle contre l’Irak, la question des armes de destruction massive est devenue une affaire prioritaire pour les États-Unis, donc pour l’ensemble de la communauté internationale. Dans son rapport du 6 juin, l’AIEA estimait que l’Iran «a omis de remplir ses obligations». Il n’est pas encore question de «violations» car, entre les deux, il faut laisser sa chance à la négociation. Mais, après Pyongyang et Bagdad, tous les ingrédients d’une nouvelle crise majeure sont réunis pour que Téhéran devienne le prochain dossier sur la liste des affaires urgentes à traiter. Et les tergiversations iraniennes n’augurent rien de bon, au contraire : les Américains ont montré qu’ils savaient tirer avantage des atermoiements de l’adversaire et que chacun de ses faux-fuyants confortait leur position et les renforçait dans leur détermination. Mohamed El Baradei sait de quoi il retourne : avec Hans Blix, il a piloté les inspections en Irak à la recherche d’armes de destruction massive qu’ils n’ont jamais découvertes, au cours de l’hiver dernier, jusqu’au déclenchement de la guerre. À ce titre, il connaît fort bien la mécanique d’enclenchement du conflit et la période qui s’annonce présente une troublante similitude avec celle qui s’achève. D’autant que l’opinion publique iranienne semble elle-même divisée sur la conduite à tenir, partagée entre hostilité à la signature du protocole additionnel et ceux qui, de bonne foi, attendent d’une signature iranienne les transferts de technologie sensible dont leur pays a besoin.
Mohamed El Baradei doit rendre son rapport au conseil des gouverneurs de l’AIEA en septembre. Il appartiendra ensuite à l’agence de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité. La suite est connue : tout dépendra de la volonté des États membres. Ou de l’un d’entre eux.
L’histoire nucléaire iranienne remonte à la fin des années 50, grâce à la collaboration des pays occidentaux. Cependant pour avoir dissimulé les derniers épisodes Téhéran s’est attiré les soupçons de la communauté internationale, États-Unis en tête, dans un contexte particulièrement défavorable en matière de tolérance à l’égard des armes de destruction massive, comme on l’a vu à propos de l’Irak et de la Corée du Nord. La Grande-Bretagne, la France et la Russie ont également exprimé leur préoccupation et appelé l’Iran à rétablir la confiance en prenant les mesures appropriées, c’est à dire en suivant les recommandations du directeur de l’AIEA et en acceptant de se soumettre aux visites surprises. De plus, c’est au moment où le dossier reprend une certaine vigueur que les autorités iraniennes confirment le succès des essais de son nouveau missile balistique (sol-sol), le Shahab 3, capable d’emporter une charge de 800 kg sur une distance de 1 300 kilomètres. En attendant mieux, car selon les services de renseignement israéliens, les Iraniens travaillent à la fabrication d’un engin possédant un rayon d’action de 10 000 kilomètres.
Téhéran continue de nier farouchement toute volonté de se doter de bombes atomiques et affirme que son programme nucléaire n’a d’autre vocation que de produire de l’énergie électrique. «Cette visite est destinée à créer la confiance», a indiqué un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Car l’Iran ne veut rien signer sans avoir négocié son adhésion au protocole additionnel. Le gouvernement iranien attend notamment des pays occidentaux qu’ils l’aident au préalable à développer son programme nucléaire civil et rappelle que le TNP fait d’ailleurs obligation aux puissances nucléaires militaires d’aider les autres pays à développer leur nucléaire civil. Mercredi soir, Téhéran confirmait sa volonté de gagner du temps: à l'issue d'une première série d'entretiens, le directeur de l'AIEA a précisé que le calendrier pour la signature du protocole additionnel n'avait pas été discutée. «Nous nous sommes mis d'accord pour envoyer un groupe d'experts en Iran pour discuter avec les Iraniens des questions pour lesquelles l'Iran réclame une clarification», a affirmé M. El Baradei.
Jusqu’au Conseil de sécurité ?
Mais, après le 11 septembre, après la guerre en Afghanistan et celle contre l’Irak, la question des armes de destruction massive est devenue une affaire prioritaire pour les États-Unis, donc pour l’ensemble de la communauté internationale. Dans son rapport du 6 juin, l’AIEA estimait que l’Iran «a omis de remplir ses obligations». Il n’est pas encore question de «violations» car, entre les deux, il faut laisser sa chance à la négociation. Mais, après Pyongyang et Bagdad, tous les ingrédients d’une nouvelle crise majeure sont réunis pour que Téhéran devienne le prochain dossier sur la liste des affaires urgentes à traiter. Et les tergiversations iraniennes n’augurent rien de bon, au contraire : les Américains ont montré qu’ils savaient tirer avantage des atermoiements de l’adversaire et que chacun de ses faux-fuyants confortait leur position et les renforçait dans leur détermination. Mohamed El Baradei sait de quoi il retourne : avec Hans Blix, il a piloté les inspections en Irak à la recherche d’armes de destruction massive qu’ils n’ont jamais découvertes, au cours de l’hiver dernier, jusqu’au déclenchement de la guerre. À ce titre, il connaît fort bien la mécanique d’enclenchement du conflit et la période qui s’annonce présente une troublante similitude avec celle qui s’achève. D’autant que l’opinion publique iranienne semble elle-même divisée sur la conduite à tenir, partagée entre hostilité à la signature du protocole additionnel et ceux qui, de bonne foi, attendent d’une signature iranienne les transferts de technologie sensible dont leur pays a besoin.
Mohamed El Baradei doit rendre son rapport au conseil des gouverneurs de l’AIEA en septembre. Il appartiendra ensuite à l’agence de porter l’affaire devant le Conseil de sécurité. La suite est connue : tout dépendra de la volonté des États membres. Ou de l’un d’entre eux.
par Georges Abou
Article publié le 09/07/2003