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Iran

Les religieux tentent de briser la contestation des étudiants

Une semaine après la fin des manifestations hostiles au pouvoir qui ont eu lieu à Téhéran et dans de nombreuses villes de provinces, les autorités ont publié le bilan des arrestations. Selon le procureur général du pays, l’ayatollah Abdolnabi Namazi, les forces de sécurité ont interpellé 4.000 personnes durant la récente vague de manifestations et la moitié d’entre elles, c’est-à-dire environ 2000 personnes, est toujours en prison.
«Au total, 4 000 personnes ont été arrêtées à travers le pays et 40% d'entre elles ont été libérées immédiatement», a déclaré l'ayatollah Abdolnabi Namazi, cité par l'agence estudiantine Isna. «Actuellement, il y a 2.000 personnes toujours en prison», a-t-il ajouté, précisant que 800 personnes avaient été interpellées à Téhéran. Il y a quelques jours, le ministre de l'Enseignement supérieur, Gholam Reza Zarifian, indiquait qu'au total 80 étudiants avaient été arrêtés, dont 32 à Téhéran, et étaient tous entre les mains du ministère des Renseignements.

Ce bilan, particulièrement lourd, est le signe de la volonté des dirigeants conservateurs iraniens de frapper durement ceux qui avaient osé défier le pouvoir en lançant notamment des slogans hostiles au pouvoir et en particulier au numéro un iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. Plusieurs responsables conservateurs, parmi lesquels l’ayatollah Mohammad Yazd, ancien chef du pouvoir judiciaire et actuellement membre du Conseil des Gardiens de la constitution, ont qualifié les manifestants de mohareb (personne qui combat activement Dieu) et non de mokhalef (simple opposant). Or selon la loi islamique, le mohareb est passible de la peine de mort. Ces déclarations faisaient suite aux propos du président iranien Mohammad Khatami qui avait déclaré que le «droit de critiquer et de protester des opposants devait être garanti s’ils respectaient le cadre de la loi».

L’annonce du bilan de ces arrestations intervient alors que plusieurs dirigeants du mouvement étudiant ont tout récemment été interpellés. Le dernier en date est Abdollah Momeni, secrétaire du principal mouvement étudiant, le Bureau de la consolidation de l’unité (BCU), qui regroupe de nombreuses associations islamiques des étudiants des universités de Téhéran et de province. Il a été arrêté par des hommes en civil alors qu’il se trouvait face à l’entrée de la Faculté de formation des maîtres en compagnie de ses camarades.

Interdictions de journaux en perspective

Selon un autre responsable de la justice, le nouveau procureur de Téhéran Saïd Mortazavi, il y a seulement 80 étudiants parmi ces personnes emprisonnées. Saïd Mortazavi, à l’origine de la fermeture de la plupart des 90 journaux interdits depuis trois ans a également annoncé des poursuites judicaires contre certaines publications accusées d’avoir poussé les étudiants à manifester. «Certains journaux qui ont joué un rôle négatif et causé des problèmes font l'objet d'une enquête», a-t-il notamment affirmé, laissant entendre que «certains députés» réformateurs ont également joué un rôle dans la protestation, sans indiquer s'ils allaient être poursuivis ou non. Parti de Téhéran le 10 juin, le mouvement de contestation s'était étendu ensuite à plusieurs villes de province avant de s'essouffler vers le 20 juin après l'intervention musclée des forces de l'ordre et des miliciens islamistes.

Les autorités semblent aujourd’hui décidées à frapper un grand coup pour empêcher une relance du mouvement le 9 juillet, date anniversaire des manifestations de juillet 1999, qui ont secoué la capitale iranienne pendant plus de trois jours. Ces manifestations s’étaient déclenchées après l’attaque du campus universitaire de Téhéran par des policiers et des miliciens islamistes. Des centaines de personnes avaient été blessées et arrêtées et un jeune homme tué. Depuis, les étudiants tentent d’organiser chaque année des manifestations pour commémorer les attaques contre leur campus. Le 10 juin dernier, la protestation est précisément partie de ce même campus et pendant une dizaine de jours des milliers de personnes y ont convergé pour protester contre le pouvoir islamique. Cette année, les autorités ont décidé d’interdire toutes les manifestations et tous les rassemblements prévus pour commémorer les événements du 9 juillet 1999. «Cette année, il n’y aura pas de commémoration du 18 tir (9 juillet dans le calendrier persan)», a annoncé l’ayatollah Namazi. Face à ces pressions, 106 responsables étudiants ont écrit une lettre ouverte au président Khatami pour lui demander de démissionner s’il est dans l’incapacité de défendre les droits et la liberté des citoyens et des étudiants. «Ces mots sont les derniers éléments de dialogue entre le mouvement des étudiants et le régime de la République islamique. Si ce dernier lien est rompu, le mouvement considèrera que le dialogue est inutile», ont-ils notamment écrit en précisant que «cela aurait de graves conséquences pour le pays». «Nous vous demandons d'empêcher un débordement avant qu'il ne soit trop tard … Sinon, vous devez agir avec bravoure en démissionnant, afin de ne pas donner une légitimité à la politique de répression», ont également ajouté les signataires.

A quelques jours de la date anniversaire des manifestations de juillet 1999, la situation politique reste donc très tendue en Iran et l’intransigeance du pouvoir pourrait provoquer de nouveaux affrontements.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 29/06/2003