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Iran

L’Iran essaie un missile avant la venue d’El Baradei

À la veille de l’arrivée de Mohamed El Baradei, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) mercredi à Téhéran, les autorités iraniennes ont confirmé avoir procédé à un dernier essai réussi du missile balistique Shahab-3 d'une portée de 1 300 km, capable d'atteindre Israël.
De notre correspondant à Téhéran

«L’essai a eu lieu il y a quelques semaines. La portée du missile est ce que nous avions déclaré auparavant», a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hamid Reza Assefi. Cette déclaration signifie que le missile peut être désormais livré aux forces armées iraniennes. Selon les experts occidentaux, le Shahab-3 serait une variante améliorée du missile sol-sol nord-coréen No Dong-1, capable de transporter une charge de 800 kg. Mais les experts ne savent pas encore si le missile peut emporter une ogive non conventionnelle (chimique, bactériologique ou nucléaire). Selon les mêmes experts, l’Iran chercherait aussi à produire les missiles Shahab 4 et 5 d’une portée de plus de 5 000 kilomètres pouvant atteindre les villes européennes.

Vendredi, le quotidien israélien Haaretz avait annoncé le premier que l'Iran avait testé un missile balistique capable d'atteindre Israël, la Turquie, le sous-continent indien et les bases américaines dans le Golfe. Interrogé sur les informations du quotidien Haaretz, M. Assefi a affirmé qu’il n’y avait «rien de nouveau (…) Apparemment les Israéliens sont en retard avec leurs informations».

L’Iran dans une position délicate

La confirmation de ce test intervient alors que l'Iran doit faire face à une pression croissante des pays occidentaux, en particulier des États-Unis, qui soupçonnent l’Iran de vouloir utiliser son programme nucléaire civil pour fabriquer l’arme atomique. Mohamed El Baredei doit justement demander aux dirigeants iraniens de signer «immédiatement et sans conditions» le protocole additionnel au Traité de non-prolifération (TNP), qui prévoit un contrôle plus poussé, notamment des inspections surprises des installations nucléaires iraniennes. «La confirmation de cet essai de missile et le refus de l’Iran d’accepter un contrôle plus poussé de son programme nucléaire sont particulièrement inquiétant», a affirmé un diplomate occidental en poste à Téhéran. «Cela veut que si les Iraniens produisent la bombe atomique, ils auront le vecteur pour la lancer», a-t-il ajouté.

En juin, M. El Baradei a affirmé dans son rapport au conseil des gouverneurs de l'AIEA que l'Iran avait manqué à plusieurs de ses obligations prévues dans le TNP, en particulier en omettant de déclarer l'importation d'uranium en 1991. Selon ce rapport, l’Iran a importé 1 800 kilogrammes d’uranium de la Chine sans le déclarer comme le prévoit le TNP. D’autres part, l’annonce par les Iraniens de l’existence de plusieurs complexes destinés à extraire et enrichir de l’uranium, notamment les installations de Kachan, Natanz et Ispahan, ont renforcé les inquiétudes des pays occidentaux. A la suite de ce rapport, les pays de l'Union européenne, les membres du G8, l'AIEA, mais aussi à titre individuel la France, la Russie, le Japon, la Grande-Bretagne, l'Australie ont demandé à l'Iran de signer «immédiatement et sans condition» le protocole additionnel. L'Iran demande aux pays occidentaux de l'aider à développer son programme nucléaire civil avant de signer ce protocole.

Mohammed El Baradei va demander aux dirigeants iraniens d'autoriser très vite les experts de l'AIEA à mener les inspections qui leur permettront de «comprendre leur programme d'enrichissement d'uranium», a déclaré son porte-parole Mark Gwozdecky. L’AIEA veut aussi que l’Iran autorise ses inspecteurs à vérifier s'il a procédé à l'enrichissement d'uranium dans l'usine de Kalaye et donne des explications sur les raisons de la production de l'eau lourde, qui peut servir à fabriquer du plutonium, dans une usine à Arak. L'uranium enrichi et le plutonium sont des composants d'armes nucléaires mais n'entrent pas dans la production d'électricité, le but déclaré du programme nucléaire civil iranien.

«Nous n'avons pas besoin du protocole additionnel pour clarifier les questions en suspens, (les Iraniens) peuvent par exemple nous aider en autorisant simplement nos inspecteurs à prendre des échantillons d'environnement à l'usine de Kalaye où l'Iran aurait testé ses centrifugeuses», qui servent à enrichir l'uranium. Or selon le TNP, l’Iran n’a pas le droit d’enrichir de l’uranium sans avoir prévenu auparavant l’AIEA. Une équipe technique accompagne Mohamed El Baradei pour tenter de mener ces tests.

Mohamed El Baradei doit présenter en septembre un nouveau rapport au Conseil des gouverneurs de l’AIEA qui risque d’être beaucoup plus sévère que celui de juin. Le Conseil des gouverneurs peut alors transmettre le Conseil de sécurité des Nations unies. Ce qui changera entièrement la donne et mettra l’Iran dans une position particulièrement délicate face à la communauté internationale.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 08/07/2003