Iran
Téhéran parle de «<i>meurtre</i>» dans l’affaire Kazemi
Sous la pression du Canada, l’enquête sur la mort de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi avance peu à peu et certains hauts responsables iraniens n’hésitent pas désormais à parler de «meurtre».
Progressivement, l’emploi du temps de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi pendant les trois semaines qui ont précédé sa mort est reconstitué. Selon le rapport d’une commission d’enquête ordonnée par le président iranien Mohammad Khatami, elle a été arrêtée à Téhéran le 23 juin alors qu’elle prenait des photos de familles de détenus devant la principale prison de la capitale iranienne. Au cours des quatre jours qui ont suivi, elle est successivement passée entre les mains des services du parquet, puis de ceux de la police et des renseignements. Au bout de 72 heures de détention, son état de santé s’est dégradé et elle a été emmenée dans un hôpital où les médecins ont diagnostiqué une hémorragie cérébrale due à une fracture du crâne. Sa mort cérébrale a été constatée le 27 juin, les médecins l’ayant ensuite maintenu artificiellement en vie jusqu’au 10 juillet.
S’il contient encore de nombreuses lacunes ou erreurs, ce rapport comporte tout de même plusieurs pièces d’une grande importance, et notamment des expertises médicales selon lesquelles une chute ou un choc accidentel n’aurait pas pu briser l’os crânien à l’endroit où Zahra Kazemi a été blessée. Une information sur laquelle s’est appuyé mercredi le vice-président iranien Mohammad Ali Abtahi pour parler ouvertement de «meurtre». La veille, la porte-parole de la commission parlementaire chargée d’examiner cette affaire, Jamileh Kadivar, avait expliqué que le coup porté était «très technique», laissant ainsi entendre qu’il ne pouvait absolument pas s’agir d’un simple accident. Mais aucun membre des forces de police, ou bien des services de renseignements, n’a pour l’instant répondu aux questions de la commission.
Parallèlement aux travaux de la commission, la justice iranienne affiche également son intention de faire toute la lumière sur cette enquête. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazi a ainsi tenu à insister sur «l’indépendance» du pouvoir judiciaire lors d’une conversation téléphonique avec son homologue canadien Bill Graham. Et ce dernier n’a pas dû manquer de lui demander quelques précisions au sujet des cinq arrestations auxquelles le parquet iranien a annoncé samedi avoir procédé. Aucune information n’a depuis filtré sur l’identité de ces cinq personnes qui auraient approché Zahra Kazemi entre le moment de son arrestation et de son hospitalisation.
Le contre-feu de Téhéran
Après l’annonce du décès de Zahra Kazemi, le Canada avait immédiatement demandé au gouvernement iranien que les responsables de sa mort soient traduits en justice. Le dos au mur, le régime de Téhéran avait allumé quelques jours plus tard un contre-feu médiatico-judiciaire en demandant à la justice de Canada de faire le maximum pour élucider la mort d’un jeune iranien, Keyvan Tabesh, tué près de Vancouver. Le ministre iranien des Affaires étrangères avait alors accusé la police canadienne de l’avoir tué, réclamant à son tour une enquête exhaustive et impartiale. Selon la police canadienne, ce jeune immigrant âgé de 18 ans a été tué le 14 juillet par un policier sur lequel il s’était précipité avec une machette lors d’un contrôle routier, une version confirmée par deux autres occupants de nationalité iranienne qui se trouvaient à bord du véhicule. Arguant du fait que le Canada avait «manqué au respect des règles diplomatiques» en informant Téhéran tardivement de la mort de ce jeune homme, le chef de la diplomatie iranienne Kamal Kharazi avait estimé que le gouvernement canadien tentait de couvrir «les agissements indéfendables de sa police».
La violence de ces attaques s’explique par la difficile situation dans laquelle se trouvent les autorités iraniennes vis-à-vis du Canada. L’enterrement du cadavre de la victime dans le nord de l’Iran avait provoqué l’ire diplomatique d'Ottawa qui avait immédiatement rappelé son ambassadeur en poste à Téhéran pour consultations. Les autorités canadiennes tiennent absolument à rapatrier le corps de Zahra Kazemi, qui vivait depuis une dizaine d’années au Canada où elle exerçait la profession de journaliste, afin de pouvoir procéder à de nouvelles expertises médicales. Un rapatriement également ardemment souhaité par le fils de la victime, Stéphane Hachémi, qui multiplie les démarches en ce sens. Il avait d’ailleurs expliqué que les funérailles réalisées le 23 juillet avaient eu lieu contre la volonté de la famille, Téhéran affirmant que la mère de la victime avait souhaité qu’elle soit enterrée dans sa ville natale de Chiraz. Une thèse contredite sept jours après l’enterrement par la mère de la victime en personne, Ezzat Kazemi ayant déclaré mercredi au quotidien réformateur Yas-e-No qu’elle avait été contrainte, sous la pression, de donner son accord à cet enterrement.
S’il contient encore de nombreuses lacunes ou erreurs, ce rapport comporte tout de même plusieurs pièces d’une grande importance, et notamment des expertises médicales selon lesquelles une chute ou un choc accidentel n’aurait pas pu briser l’os crânien à l’endroit où Zahra Kazemi a été blessée. Une information sur laquelle s’est appuyé mercredi le vice-président iranien Mohammad Ali Abtahi pour parler ouvertement de «meurtre». La veille, la porte-parole de la commission parlementaire chargée d’examiner cette affaire, Jamileh Kadivar, avait expliqué que le coup porté était «très technique», laissant ainsi entendre qu’il ne pouvait absolument pas s’agir d’un simple accident. Mais aucun membre des forces de police, ou bien des services de renseignements, n’a pour l’instant répondu aux questions de la commission.
Parallèlement aux travaux de la commission, la justice iranienne affiche également son intention de faire toute la lumière sur cette enquête. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazi a ainsi tenu à insister sur «l’indépendance» du pouvoir judiciaire lors d’une conversation téléphonique avec son homologue canadien Bill Graham. Et ce dernier n’a pas dû manquer de lui demander quelques précisions au sujet des cinq arrestations auxquelles le parquet iranien a annoncé samedi avoir procédé. Aucune information n’a depuis filtré sur l’identité de ces cinq personnes qui auraient approché Zahra Kazemi entre le moment de son arrestation et de son hospitalisation.
Le contre-feu de Téhéran
Après l’annonce du décès de Zahra Kazemi, le Canada avait immédiatement demandé au gouvernement iranien que les responsables de sa mort soient traduits en justice. Le dos au mur, le régime de Téhéran avait allumé quelques jours plus tard un contre-feu médiatico-judiciaire en demandant à la justice de Canada de faire le maximum pour élucider la mort d’un jeune iranien, Keyvan Tabesh, tué près de Vancouver. Le ministre iranien des Affaires étrangères avait alors accusé la police canadienne de l’avoir tué, réclamant à son tour une enquête exhaustive et impartiale. Selon la police canadienne, ce jeune immigrant âgé de 18 ans a été tué le 14 juillet par un policier sur lequel il s’était précipité avec une machette lors d’un contrôle routier, une version confirmée par deux autres occupants de nationalité iranienne qui se trouvaient à bord du véhicule. Arguant du fait que le Canada avait «manqué au respect des règles diplomatiques» en informant Téhéran tardivement de la mort de ce jeune homme, le chef de la diplomatie iranienne Kamal Kharazi avait estimé que le gouvernement canadien tentait de couvrir «les agissements indéfendables de sa police».
La violence de ces attaques s’explique par la difficile situation dans laquelle se trouvent les autorités iraniennes vis-à-vis du Canada. L’enterrement du cadavre de la victime dans le nord de l’Iran avait provoqué l’ire diplomatique d'Ottawa qui avait immédiatement rappelé son ambassadeur en poste à Téhéran pour consultations. Les autorités canadiennes tiennent absolument à rapatrier le corps de Zahra Kazemi, qui vivait depuis une dizaine d’années au Canada où elle exerçait la profession de journaliste, afin de pouvoir procéder à de nouvelles expertises médicales. Un rapatriement également ardemment souhaité par le fils de la victime, Stéphane Hachémi, qui multiplie les démarches en ce sens. Il avait d’ailleurs expliqué que les funérailles réalisées le 23 juillet avaient eu lieu contre la volonté de la famille, Téhéran affirmant que la mère de la victime avait souhaité qu’elle soit enterrée dans sa ville natale de Chiraz. Une thèse contredite sept jours après l’enterrement par la mère de la victime en personne, Ezzat Kazemi ayant déclaré mercredi au quotidien réformateur Yas-e-No qu’elle avait été contrainte, sous la pression, de donner son accord à cet enterrement.
par Olivier Bras
Article publié le 31/07/2003