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Iran

Téhéran dans l’œil du cyclone

La politique du régime iranien en matière nucléaire ou de défense suscite de nombreuses critiques et mises en garde de par le monde, tout comme la manière dont les autorités officielles gèrent le dossier de la mort toujours inexpliquée de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi.
Les requêtes de Stéphane Hachémi, fils de la journaliste Zahra Kazemi décédée en Iran le 11 juillet, n’ont pas suffit. Il demandait depuis plusieurs jours que le corps de sa mère soit rapatrié dans son pays d’adoption, le Canada, où elle travaillait comme journaliste pour le magazine Recto Verso. Une pétition que les autorités iraniennes ont refusée en arguant du fait que la mère de la victime avait demandé à ce que le cadavre repose dans la ville natale de Zahra Kazemi. Et c’est bien à Chiraz, située dans le nord-est du pays, que se sont déroulées mercredi ses funérailles.

Interrogé sur cette apparente confusion familiale, le fils de Zahra Kazemi a expliqué que sa grand-mère avait été soumise à de fortes pressions de la part des autorités et qu’elle n’avait pas eu d’autre choix. Stéphane Hachémi a précisé mercredi sur l’antenne de Radio France Internationale qu’il allait désormais tout faire pour tenter d’obtenir l’exhumation de son cadavre et son rapatriement au Canada. Il veut en effet connaître toute la vérité sur la mort de sa mère décédée d’une fracture du crâne après son arrestation par des policiers iraniens. Elle avait été interpellée le 23 juin devant une prison au moment où elle tentait de prendre des photos pour un reportage sur les manifestations politiques massives qui ont secoué le pays au mois de juin. Une enquête menée par plusieurs ministres iraniens a certes permis d’établir que la journaliste avait succombé à une hémorragie cérébrale provoquée par un coup violent à la tête. Mais leur rapport n’a apporté aucune information sur l’origine de ce traumatisme.

Dans un communiqué au ton très ferme, le ministre canadien des Affaires étrangères Bill Graham a demandé lundi au gouvernement iranien de «prendre les mesures qui s’imposent pour que les responsables de la mort de Mme Kazemi soient traduits rapidement en justice» et a pressé Téhéran d’accepter le rapatriement de son cadavre. Et l’annonce de l’inhumation du cadavre a logiquement été suivie quelques heures plus tard d’une décision forte sur le plan diplomatique, le rappel à Ottawa de l’ambassadeur canadien en poste à Téhéran.

Les autorités iraniennes se retrouvent en fait dans une difficile situation car le décès de cette journaliste âgé de 54 ans divise fortement les réformateurs et les conservateurs. Le président Khatami semble bien décidé à faire toute la lumière sur cette affaire qui pourrait mettre en évidence le fonctionnement obscur de certains services de sécurité échappant au contrôle du gouvernement. Mais il se heurte à la très forte opposition des conservateurs qui crient au complot politique, comme en témoigne un éditorial du quotidien radical Jomhori Eslami selon lequel «la mort de Zahra Kazemi peut être due au fait qu’elle se soit volontairement frappé la tête contre mur pour créer des problèmes aux responsables de la prison et aux agents chargés de l’interroger pour les obliger à se plier à ses demandes».

Téhéran veut défendre ses «intérêts nationaux»

En sus de cette polémique intérieure, le président Khatami doit gérer plusieurs dossiers internationaux particulièrement brûlants. Celui du nucléaire, tout d’abord, l’Union européenne ayant exprimé lundi son «inquiétude grandissante» à l’égard du programme que mène l’Iran et des risques éventuels de prolifération. La presse américaine avait révélé la semaine dernière la découverte par des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA) de traces d’uranium enrichi dans une installation nucléaire située au sud de Téhéran. Une information qui confirmerait les doutes des Etats-Unis au sujet du programme nucléaire iranien dont l’objectif ne serait pas de produire de l’électricité mais de doter le pays d’un arsenal nucléaire.

Dans un souci de transparence, l’Union européenne a demandé lundi à l’Iran d’accepter de signer le protocole additionnel au traité de non-prolifération qui autorise des inspections inopinées. Une requête qu’elle a accompagnée de menaces en précisant qu’elle pourrait revoir la nature de ses échanges économiques avec l’Iran à la lecture du nouveau rapport que doit remettre en septembre l’AEIA. La première réaction des Iraniens a été assez froide, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hamid Reza Assefi, expliquant que son pays refusait le «langage de la menace». Il a toutefois ajouté que les dirigeants iraniens prendraient une décision au sujet la signature de ce document après avoir écouté les inspecteurs de l’AEIA qui doivent prochainement se rendre en Iran. S’exprimant également sur ce sujet, le président Mohammad Khatami a rappelé mercredi que son pays priviligierait avant tout ses «intérêts nationaux».

La signature de ce protocole permettrait sans nul doute à Téhéran d’alléger quelque peu la pression que font peser les Etats-Unis sur le régime iranien depuis plusieurs mois. Le président américain George Bush a accusé une nouvelle fois mardi l’Iran d’abriter des terroristes sur son sol, et de nuire de cette façon au processus de paix au Proche-Orient. Des allégations auxquelles l’Iran s’est empressé de répondre en affirmant, au contraire, lutter contre le terrorisme. Le régime de Téhéran a ainsi reconnu mercredi pour la première qu’il détenait des membres importants du réseau terroriste Al-Qaïda, se disant même prêt à extrader certains d'entre eux vers leurs pays d'origine. Un geste destiné, sans nul doute, à démontrer la bonne volonté de l’Iran à l’heure où les menaces de sanctions économiques et politiques ne cessent d’augmenter.



par Olivier  Bras

Article publié le 23/07/2003