Informatique
Mon disque dur, c’est du poulet
Photo : DR
Du poulet pour fabriquer le disque dur du futur ? C’est au laboratoire des systèmes photoniques (*) de l’université Louis-Pasteur de Strasbourg que l’on doit ce projet plutôt surprenant. Cette équipe de chercheurs travaille depuis vingt ans sur ce procédé qui combine le stockage holographique et les protéines animales. Le concept de la mémoire holographique n’est pas nouveau. Il existe depuis les années 60, mais le succès des supports magnétiques (disque dur, disquette) et optiques (CD et DVD) a relégué aux oubliettes la mémoire holographique trop onéreuse.
Si les supports actuels stockent les données dans deux dimensions sur la surface, les données holographiques sont stockées volumétriquement, dans trois dimensions, dans l’épaisseur même du support. Jusqu’ici, l’information n’a été stockée sous forme d’hologramme qu’à l’intérieur d’un matériau photosensible comme le cristal. En théorie, un cristal d’un centimètre cube permet de stocker mille gigaoctets de données, soit le contenu de 200 DVD. Mais le cristal coûte cher, la recherche s’est donc orientée vers des matériaux photosensibles moins onéreux.
L’équivalent de 27 DVD
Dans ce projet mené par les chercheurs du laboratoire de photonique de l’Université de Strasbourg, le support est de la protéine de poulet. Concrètement, comme cela fonctionne-t-il ? Une fois soumise à la lumière de certains lasers, les molécules issues des volailles déposées sur un support de verre ou de plastique adoptent une dimension tridimensionnelle bien particulière, formant une image holographique qui peut ensuite être relue au moyen d’un laser.
«La technique n’a rien à voir avec celle d’un disque optique, explique Sylvain Lecler, membre de l’équipe du laboratoire de photonique. Sur un CD classique, les données sont physiquement gravées sur le support, et le faisceau laser n’est qu’un outil servant à lire la succession de 0 et de 1. Alors que dans cette technologie, les données sont inscrites grâce à la lumière et stockées dans une image holographique qui contient 128 gigaoctets». Baptisé provisoirement «hypermémoire diffractive» par ces concepteurs, ce système de codage de l’information permet à l’heure actuelle de stocker l’équivalent de 27 DVD sur quelques centimètres cubes.
Cette découverte suscite un très fort intérêt chez les industriels, le brevet a déjà été acheté par le fabricant japonais d’électronique Pioneer. Mais aucun projet de production n’est encore prévu, les prototypes mis au point jusqu’à présent ne sont pas réinscriptibles. Mais les chercheurs de l’université de Strasbourg étudient parallèlement les effets de la lumière sur d’autres protéines, notamment celles contenues dans les algues, pour mettre au point une mémoire holographique, réinscriptible à volonté. Ils obtiendraient alors des disques durs de très grande capacité accessibles à très grande vitesse. Car en dehors de la densité, l’autre avantage de ce type de stockage est la vitesse. Un dispositif holographique peut lire des millions de pixels à la fois, ce qui permet en théorie une importante vitesse de transfert des informations, des taux de transfert proches de l’instantané.
par Myriam Berber
Article publié le 28/07/2004 Dernière mise à jour le 28/07/2004 à 13:47 TU
Science étudiant les potentialités technologiques de la lumière.