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Colombie

Alvaro Uribe sur la sellette

Alvaro Uribe est accusé d'avoir entretenu par le passé des liens étroits avec des trafiquants de drogue colombiens. 

		(Photo : AFP)
Alvaro Uribe est accusé d'avoir entretenu par le passé des liens étroits avec des trafiquants de drogue colombiens.
(Photo : AFP)
Déjà cible ces dernières semaines de nombreuses critiques en raison des négociations de paix engagées avec les groupes paramilitaires, le président colombien Alvaro Uribe est attaqué sur un autre front. L’hebdomadaire Newsweek publie un document établi par le ministère américain de la Défense en 1991 dans lequel Alvaro Uribe, alors sénateur, était soupçonné d’entretenir des relations très proches avec le cartel de Medellin.

C’est en 82e position qu’apparaît le nom d’Alvaro Uribe Velez dans la liste de 106 personnalités établie en septembre 1991 par le Pentagone et récemment déclassifiée. Toutes sont accusés d’être mêlées au trafic de drogue en Colombie. Qualifié «d’ami proche» de Pablo Escobar, tué en 1993, Alvaro Uribe est dépeint comme un homme politique colombien collaborant activement avec le cartel de Medellin et est soupçonné d’avoir des intérêts financiers dans des entreprises se livrant au trafic de drogue aux Etats-Unis. Publié par l’hebdomadaire Newsweek, ce document du Pentagone mentionne aussi que le père de l’actuel président colombien a été «assassiné en raison de ses liens avec des trafiquants de drogue» et insiste sur le fait qu’Alvaro Uribe, en tant que sénateur, s’est toujours opposé à l’extradition de trafiquants de drogue vers les Etats-Unis.

La réaction des autorités colombiennes ne s’est pas faite attendre. La présidence a expliqué dans un communiqué que le contenu de ce document avait déjà été divulgué lors de la campagne des élections présidentielles gagnées en août 2002 par Alvaro Uribe et a démenti une à une chaque accusation, en attribuant par exemple l’assassinat en 1993 du père du président aux Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC). Du côté américain, Robert Zimmerman, un porte-parole du département d’Etat, a douté de la véracité des informations contenues dans ce document qui est pour lui un «rapport non vérifié». «Le président Uribe soutient bien, très bien la guerre contre les drogues et la guerre contre le narco-terrorisme», a ajouté Robert Zimmerman.

Allié indéfectible du gouvernement de George Bush, Alvaro Uribe entretient de très bonnes relations avec Washington. Les deux pays collaborent notamment activement dans le cadre du plan Colombie lancé en 1999 et dont l’objectif est d’aider la Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, à lutter contre le fléau de la drogue. Et en échange des efforts déployés dans ce secteur par les autorités colombiennes, les Etats-Unis aident Bogota à combattre les FARC, placées après les attentats du 11 septembre 2001 sur la liste des organisations terroristes. Les autorités colombiennes n’avaient ainsi pas manqué de remercier les Etats-Unis pour leur précieuse collaboration après l’arrestation en janvier d’un des chefs historiques des FARC, Simon Trinidad, interpellé en Equateur.

Des négociations décriées

Cette bonne entente entre Bogota et Washington a été quelque peu ternie ces dernières semaines par la décision du gouvernement colombien d’engager des pourparlers de paix avec les milices paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), des milices d’extrême droite qui livrent depuis des années une guerre sans merci aux FARC et à l’Armée de Libération nationale (ELN). Les discussions, qui ont officiellement débuté le 1er juillet, ont pour objectif d’obtenir la reddition des quelque 20.000 miliciens d’extrême droite d’ici la fin de l’année 2005. Or, la présence au Parlement la semaine dernière de trois responsables des AUC, Salvatore Mancuso, Ernesto Baez et Ramon Isaza, invités à participer à une audience publique extraordinaire, a fait grincer des dents du côté de Washington. «Il me semble un peu bizarre que dans l’institution où se trouvent les représentants du peuple, on trouve aussi ceux qui lui ont fait tant de mal», a ainsi souligné l’ambassadeur des Etats-Unis en Colombie, William Wood.

Nombre d’observateurs et d’organisations de défense des droits de l’Homme accusent en fait le gouvernement colombien de se montrer partial en acceptant de dialoguer sans condition avec les paramilitaires, qui joue pourtant un rôle très important dans le trafic de drogue. L’un de leurs dirigeants, Ernesto Baez, a ainsi expliqué la semaine dernière aux parlementaires colombiens comment le trafic de drogue avait permis aux paramilitaires et aux guérillas de se doter de moyens militaires très importants. «Il n’est pas possible d’expliquer autrement la détention d’une telle machine de guerre par les organisations armées et la croissance exponentielle du nombre de combattants, ni l’énorme augmentation des coûts militaires sans l’appui pervers du carnet de chèques inépuisable des ressources du trafic de drogue», a expliqué Ernesto Baez.

Dans l’article qui accompagne le document du Pentagone, Newsweek revient sur les bonnes relations entre les paramilitaires et Alvaro Uribe lorsqu’il était gouverneur de la province d’Antoquia. Salvatore Mancuso s’était d’ailleurs publiquement réjoui en 2002 de son élection comme président de la République. Or, ce chef des AUC fait partie des hommes que les Etats-Unis aimeraient voir arrêtés et jugés, de préférence sur le sol américain. Et les négociations en cours sont du coup extrêmement mal vues par certains responsables politiques américains qui craignent que les chefs paramilitaires ne parviennent à obtenir une certaine forme d’impunité.



par Olivier  Bras

Article publié le 02/08/2004 Dernière mise à jour le 02/08/2004 à 15:19 TU