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Irak

Mohammed, soldat de Moqtada Al-Sadr

Un membre de l'armée du Mehdi, la milice du leader radical chiite Moqtada Al-Sadr se réjouit de l'incendie d'une jeep Humvee de l'armée américaine. 

		(Photo: AFP)
Un membre de l'armée du Mehdi, la milice du leader radical chiite Moqtada Al-Sadr se réjouit de l'incendie d'une jeep Humvee de l'armée américaine.
(Photo: AFP)
Après neuf jours de violents combats à Najaf, un cessez-le-feu serait, selon un porte-parole du gouvernement irakien, sur le point d’être conclu. La situation reste pourtant très confuse dans la ville sainte. Car si le chef chiite radical Moqtada Al-Sadr s’est bien dit prêt vendredi à quitter Najaf sous certaines conditions, il a également appelé les fidèles chiites à venir le rejoindre pour continuer « la guerre sainte ». Par ailleurs, le plus grand mystère entoure son état de santé, plusieurs de ses porte-paroles ayant déclaré qu’il avait été blessé lors de bombardements.

De notre envoyé spécial à Bagdad

«Moqtada Al-Sadr est le seul à défendre l’Irak et à vouloir le bien du pays. S’il lui arrivait malheur, d’autres viendraient le remplacer, mais la colère des chiites serait terrible». Mohammed, 23 ans, voue une admiration sans borne à Moqtada Al-Sadr. Pour lui, «le gouvernement d’Iyad Allaoui est un cabinet de traîtres».

Barbe finement taillée, Mohammed fait partie des va-nu-pieds de l’Armée du Mehdi, la milice armée du chef rebelle chiite, assiégée dans la mosquée de l’imam Ali à Najaf. Il est représentatif de tous ces jeunes Irakiens amers et déboussolés dans cet Irak si chaotique : «Les Américains nous ont promis du travail, la reconstruction, lance-t-il, nous n’avons rien vu arriver. Nous voulons simplement vivre normalement. Regardez Sadr City : les gens continuent de boire de l’eau jaune au robinet et le chômage est général, surtout chez les jeunes».

Pour survivre, Mohammed s’est engagé dans la police irakienne. Il a été affecté à la protection d’une banque. Un choix qu’il ne juge pas contradictoire avec son enrôlement dans l’Armée du Mehdi. «Il faut bien que je mange», lâche-t-il avant d’ajouter le sourire aux lèvres. «Mes supérieurs ne sont pas au courant de mon engagement politique». Il confirme que de nombreux jeunes chiites ont, comme lui, infiltré les rangs de la nouvelle police irakienne.

Policier le matin, il endosse la tenue de milicien l’après-midi. Les cadres du mouvement de Moqtada Al-Sadr lui ont fourni un lance roquette RPG, qu’il garde précieusement chez lui. Il n’aurait pas reçu d’entraînement militaire, mais plutôt une formation de base du parfait milicien. Mohammed prétend qu’il ne reçoit aucun salaire de l’Armée du Mehdi. Mais il est de notoriété publique que Moqtada Al-Sadr s’est constitué une clientèle de partisans, surtout des jeunes déshérités, en distribuant ses largesses financières.

Des miliciens accusés d’exactions

De Bagdad, Mohammed est en contact par téléphone mobile avec les assiégés de Najaf. «Ils n’ont peur de rien et ils n’ont pas besoin d’aide», affirme-t-il. Des armes continueraient cependant d’arriver à ses compagnons assiégés, notamment par le désert. Les exactions des miliciens dans la ville sainte? «Beaucoup de ces actes sont commis par des criminels qui se font passer pour des membres de l’Armée du Mehdi et en profitent pour cambrioler des maisons. Les médias ne disent pas la vérité, ils veulent nous décrédibiliser».

Sur place, certains habitants n’hésitent pourtant pas à porter les mêmes accusations. Etudiant en littérature anglaise à la Faculté des lettres de Bagdad, Emad Wadah, 22 ans, est issu d’une grande famille de Najaf et n’apprécie guère l’idéologie et les méthodes des miliciens de l’Armée du Mehdi. «Ils ont détruit Najaf, explique-t-il. Nous possédons un hôtel non loin du mausolée de l’imam Ali qui a été ravagé par les combats. Les miliciens de Moqtada Al-Sadr ont pillé les magasins et se servent chez l’habitant».

Pour lui, la milice de Sadr est financé par l’Iran et par les larcins de ses membres. L’issue du siège des lieux saints chiites ne fait aucun doute dans son esprit : «Les Américains vont liquider physiquement Moqtada Al-Sadr, ensuite l’Armée du Mehdi se décomposera, car sans chef, elle sera livrée à elle-même. Il y aura une semaine de trouble, puis le calme reviendra.» Mohammed, le milicien croit lui dur comme fer que son héros se battra jusqu’à la dernière goutte de sang, dans grande la tradition chiite du martyr.



par Christian  Chesnot

Article publié le 13/08/2004 Dernière mise à jour le 13/08/2004 à 17:04 TU