Irak
La bataille de Najaf est engagée
(Photo : AFP)
Des milliers de civils fuient cette cité sainte du chiisme, en proie à de très violents combats qui opposent depuis l’aube de ce jeudi les miliciens de l’imam radical Moqtada Sadr aux forces américaines.
Ces dernières, avec l’aide des forces de sécurité irakiennes, ont bloqué toutes les rues menant au mausolée de l’imam Ali, situé dans la vieille ville, où sont retranchés de nombreux partisans de Moqtada Sadr. Par haut-parleur, des véhicules militaires américains annoncent: «Aux habitants de Najaf: les forces de la coalition sont en train de débarrasser la ville de l'Armée du Mehdi [la milice de Moqtada Sadr]».
Selon les témoins, l’opération est menée à la fois au sol, avec des chars et des mitrailleuses lourdes, et par des moyens aériens, avec des hélicoptères de combat qui survolent notamment le cimetière de Najaf, où sont également concentrés les miliciens de l’Armée du Mehdi. Les troupes engagées comprennent des Marines du 11e corps expéditionnaire, deux bataillons renforcés de l’infanterie et un bataillon de l’aviation.
En dépit des moyens engagés par les forces américaines, la partisans de Moqtada al-Sadr contrôlaient toujours en début d'après-midi le cœur de la vieille ville, visiblement déterminés à mourir en martyr. «Nous sommes prêts à combattre jusqu'à notre dernière goutte de sang si c'est ce que les Américains veulent», a notamment déclaré l’un deux à l’AFP.
Démission d’un vice-gouverneur
L’assaut lancé ce jeudi avait été annoncé quelques heures auparavant par l’armée américaine mais cette annonce avait rencontré l’intransigeance du jeune imam radical. Moqtada Sadr a en effet incité ses partisans à la résistance et les a appelés à poursuivre les combats après sa mort ou sa capture.
Le gouverneur de la ville, Adnane al-Zorfi, avait toutefois démenti que la Garde nationale irakienne et les troupes américaines préparaient une offensive. «Ce n’est pas vrai. Nous n’avons pas cette intention», s’était-il indigné. Quelques heures plus tard l’assaut a pourtant été donné. Pour protester contre cette opération, l’un de ses vice-gouverneurs a démissionné dans la matinée, qualifiant les attaques lancées contre les miliciens de l’Armée du Mehdi «opérations terroristes américaines».
Photo : AFP
L’opération américaine à Najaf a provoqué la colère de nombreux chiites irakiens qui sont descendus pas milliers dans les rues de plusieurs villes du pays manifester leur indignation et protester contre la mort de nombreux civils dans les bombardements. A Bassorah, la grande agglomération du Sud, les manifestants ont arboré des portraits de Moqtada al-Sadr en scandant des slogans hostiles aux Américains et à leurs alliés. Un des vice-gouverneurs de la ville, connu pour être un fervent partisan du jeune imam, a même menacé de faire de Bassorah un nouveau Najaf si les troupes américaines ne quittaient pas la cité sainte.
A Bagdad, des milliers de personnes ont également investi le quartier de Kadhamiya. Les manifestants brandissaient des banderoles sur lesquelles était notamment écrit: «l'islam est une religion pacifique» et «Pourquoi, les Américains, êtes-vous ici? Bush est en sécurité pendant que vous combattez ici». Des affrontements ont en outre opposés dans la capitale les miliciens de Moqtada al-Sadr à des éléments de la Force multinationale. Plusieurs voitures étaient en feu dans la zone de combat et les résidents fuyaient le quartier.
Bombardements meurtriers sur Kout
Parallèlement à l’assaut lancé contre Najaf, l’aviation américaine a également mené des raids contre des positions de l’Armée du Mehdi à Kout, une ville située à 180 kilomètres au sud-Est de Bagdad. Les bombardements aériens qui ont duré plus de deux heures ont coûté la vie à au moins soixante-quinze personnes, parmi lesquels des miliciens chiites mais aussi de nombreux civils, dont des enfants. Selon le directeur de l’hôpital de Kout, plus de cent cinquante personnes ont également été blessées.
Ces raids meurtriers de l’aviation américaine sont intervenus après des combats qui ont opposé la veille les forces de sécurité irakiennes à des partisans de Moqtada al-Sadr. Ces derniers manifestaient pour protester notamment contre les affrontements qui font rage depuis huit jours à Najaf. La ville de Kout étaient brièvement tombée en avril dernier sous le contrôle des miliciens du jeune imam au moment du soulèvement des radicaux chiites.
Silence prudent de la communauté internationale
Les violents combats qui opposent depuis huit jours troupes américaines et miliciens de Moqtada al-Sadr n’ont suscité que très peu de commentaires sur la scène internationale. Le secrétaire général de la Ligue arabe a ainsi appelé «toutes les parties en conflit à suspendre immédiatement les opérations militaires qui ont lieu à Najaf afin de permettre l'évacuation des morts et des blessés». Amr Moussa a également «mis en garde contre les attentats dans les lieux saints» de la cité qui pourraient selon lui avoir des «répercussions dangereuses».
Mais mise à part l’organisation panarabe et l’Egypte qui a exprimé son «inquiétude face à l’évolution des derniers événements» et exhorté toutes les parties à la retenue, le silence étaient plutôt de mise au sein de la communauté internationale. La Maison Blanche n’a notamment fait aucun commentaire sur l’opération en cours à Najaf et les capitales occidentales sont restées muettes.
Allaoui appelle les miliciens à déposer les armes
Au cours d’une conférence de presse tenue à Bagdad, le ministre de l’Intérieur irakien, Falah al-Nakib, a lu une déclaration du Premier ministre Iyad Allaoui appelant les miliciens chiites de Moqtada Sadr à déposer les armes et à quitter le mausolée de l'Imam Ali. «Il ne s'agit pas d'une opération de répression. Les miliciens ont violé la loi en se retranchant dans le mausolée», souligne le texte.
Démentant les rumeurs de négociations avec le mouvement de l’imam radical, le ministre de la défense Hazem Chaalane a pour sa part indiqué que les opérations des forces américaines et irakiennes allaient se poursuivre jusqu'à ce que les partisans de Moqtada Sadr quittent la ville sainte. Il a également insisté sur le fait qu’«aucune force étrangère n'allait pénétrer dans le mausolée».
Article publié le 12/08/2004 Dernière mise à jour le 12/08/2004 à 15:07 TU