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Irak

La trêve est rompue avec les radicaux chiites

Les affrontements ont été particulièrement violents à Sadr City où des chars américains ont pris position. 

		(Photo : AFP)
Les affrontements ont été particulièrement violents à Sadr City où des chars américains ont pris position.
(Photo : AFP)
Après plusieurs semaines de relative accalmie, les combats ont repris entre la Force multinationale, dirigée par les Américains, et les miliciens du chef radical chiite Moqtada al-Sadr. Cette nouvelle flambée de violences s’est déclenchée dans la cité sainte de Najaf où est retranché le jeune imam. Elle s’est rapidement étendue à d’autres villes à majorité chiite comme Bassorah ou Koufa. Le quartier déshérité de Sadr City dans la banlieue de Bagdad n’a pas non plus été épargné par cette recrudescence des tensions. En vingt-quatre heures, les combats ont coûté la vie à au moins 52 personnes.

Américains et miliciens chiites se rejetaient vendredi la responsabilité de cette soudaine reprise des combats dont l’extrême violence semble avoir surpris les partisans de Moqtada al-Sadr. Les troupes de la Force multinationale avaient brièvement encerclé lundi soir la maison du jeune imam entraînant les premiers accrochages avec ses partisans. Vécu comme une provocation, cet incident au cours duquel plusieurs miliciens ont été blessés, a sans doute contribué à cette recrudescence des tensions entre les deux parties. «C’est un acte brutal et provocateur qui vise à plonger dans le chaos et l’insécurité la ville sainte et pacifique de Najaf», avait dénoncé un porte-parole du chef rebelle. Selon lui, «les troupes américaines cherchent à  arrêter Moqtada al-Sadr car il représente le sommet de la résistance à l’occupation». Minimisant l’incident, la Force multinationale s’était contentée d’affirmer que ses soldats n’avaient fait que répondre à des tirs dirigés contre eux. 

Mais la situation s’est brusquement dégradée jeudi à Najaf. Les affrontements ont commencé peu après l’attaque d’un commissariat de police. Selon l’armée américaine, le bâtiment a été pris d’assaut «par un nombre important d’agresseurs», qui seraient tous des membres de l’Armée du Mehdi, la milice de Moqtada al-Sadr. Confrontés à la résistance des forces de sécurités irakiennes, les assaillants, qui auraient fait usage de mitrailleuses, de grenades RPG et de mortiers, se seraient retranchés dans certaines quartiers de la ville peu après l’arrivée des troupes américaines. Prenant prétexte de ce qu’elle a qualifié de «violation manifeste de l’accord de cessez-le-feu» –signé au moins de juin entre la coalition et le mouvement de Moqtada al-Sadr– la Force multinationale, appuyée par le gouvernement irakien, a lancé une offensive contre les partisans du chef rebelle. Depuis, les combats font rage dans le centre-ville et aux abords du cimetière, considéré comme une place forte des miliciens. Une colonne de chars, appuyée par les bombardements de l’aviation américaine, a pénétré vendredi matin dans la cité privée d’eau potable, d’électricité et de téléphone depuis la veille.

Le soulèvement de Najaf s’est très vite étendu à d’autres villes chiites et au quartier déshérité de Sadr-City dans la banlieue de Bagdad. Dans la capitale, les affrontements entre miliciens et troupes américaines ont fait une trentaine de morts et plus de 110 blessés. A Bassorah, la grande ville du Sud, les combats ont opposé l’armée du Mehdi aux soldats britanniques qui avaient arrêté quatre partisans de Moqtada al-Sadr. Les cités de Koufa, Amara et Nassiriya  n’ont pas non plus été épargnées par les violences. En vingt-quatre heures ce brusque regain de violences a fait une soixantaine de morts.

Le gouvernement déterminé à éradiquer les milices

Ce regain de tension avec les éléments radicaux de la communauté chiite, majoritaire en Irak, n’est sans doute pas anodin. Les autorités de Bagdad avaient à de nombreuses reprises déjà affirmé leur détermination à en finir avec les milices de toutes sortes. Et après l’offensive lancée la semaine dernière contre le fief de la rébellion sunnite de Falloujah, il semblerait que ce soit désormais au tour de l’armée du Mehdi d’être dans le collimateur de la Force multinationale dirigée par les Américains et ouvertement soutenue par le gouvernement d’Iyad Allaoui. Le déploiement de moyens engagés depuis jeudi à Najaf et le refus de négocier une quelconque trêve –comme l’a pourtant proposé dans la soirée Moqtada al-Sadr– révèlent en effet une nouvelle stratégie du nouvel exécutif visiblement déterminé à écraser tout ce qui pourrait saper son autorité.

Dans ce contexte, les déclarations du ministre de l’Intérieur Fallah al-Nakib ont au moins le mérite d’êtres franches. «Nous n’allons pas négocier. Nous allons combattre ces milices. Nous sommes assez forts pour stopper ces gens et les jeter hors du pays», a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse à Bagdad. S’adressant à Moqtada al-Sadr : le ministre l’a invité à dissoudre sa milice. «Ne soyez pas suicidaire», lui a-t-il lancé en lui rappelant sa détermination à «arrêter toute personne qui perturberait la sécurité du pays». Usant de termes très durs, Fallah al-Nakib n’a pas hésité à assimiler l’armée du Mehdi à une organisation terroriste. «Tous ces tueurs travaillent pour la même organisation quelque soit la bannière qu’ils brandissent ou le chapeau qu’ils portent», a-t-il déclaré.     

Vendredi matin, au moment où les combats faisaient rage à Najaf, un porte-parole du gouvernement a de nouveau appelé les miliciens à déposer les armes et à intégrer les nouvelles forces de sécurité irakiennes. «Tous ceux qui ne le font pas, nous les considérerons comme des terroristes, des criminels», a affirmé Girgis Sada. Six semaines après le transfert de souveraineté, le gouvernement d’Iyad Allaoui semble plus que jamais déterminé à en finir avec le déferlement de violence qui a marqué son entrée en fonction.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 06/08/2004 Dernière mise à jour le 06/08/2004 à 13:28 TU