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Irak

Des premiers pas démocratiques difficiles

Un policier protège les abords de la «zone verte» à Bagdad où se tient la conférence nationale irakienne. 

		(Photo: AFP)
Un policier protège les abords de la «zone verte» à Bagdad où se tient la conférence nationale irakienne.
(Photo: AFP)
Repoussée voilà quinze jours, la conférence nationale devant conduire à des élections générales en 2005 a débuté dimanche à Bagdad. Elle doit réunir pendant trois jours quelque 1 300 délégués venus de toutes les provinces du pays. Des conditions de sécurité très importantes ont été prises pour assurer la sécurité des participants.

De notre envoyé spécial à Bagdad

«Ce n’est pas encore vraiment la démocratie parce qu’il faudrait des élection générales mais c’est une première étape. Dans les conditions actuelles, nous ne pouvions trouver une meilleure formule. Nous avons manqué de temps». Invité comme 1 300 autres délégués à participer à la Conférence nationale, le Dr Jaff, un médecin kurde qui préside l’Association médicale irakienne, se veut réaliste et résume le sentiment général de l’assemblée.

Cette conférence, première expérience démocratique de l’Irak de l’après-Saddam, a bien failli pourtant ne jamais avoir lieu. Faute de représentativité suffisante, elle avait déjà été retardé de deux semaines. Il faut dire que la «désignation de ses membres fut d’une grande complexité», reconnaît Salman Kazem Al-Sattran, délégué du gouvernorat de Mayssan, une province du sud de l’Irak.

Dans cette circonscription, un collège électoral de 340 membres a élu 17 délégués. Trois autres ont été choisi par les tribus, trois ont été cooptés par les notables et un autre représente l’administration du gouvernorat pour former au total une délégation de 24 membres. Salman Kazem Al-Sattran ajoute que «dans certaines régions, le processus n’a pas vraiment été transparent mais les délégués représentent la majorité du peuple irakien même si ce n’est pas sa totalité».

Aux termes de leurs travaux qui doivent durer deux jours encore, les délégués devront désigner un Parlement par intérim qui aura pour tâche de contrôler l’action du gouvernement intérimaire jusqu’aux élections générales prévues à la fin janvier 2005. L’organe aura surtout un rôle consultatif car il ne pourra émettre de veto contre une décision gouvernementale qu’à la majorité des deux-tiers et ne pourra pas révoquer les ministres.

Le boycott de certains délégués

La Conférence nationale a débuté dans un climat de violence et de confusion politique. Plusieurs tirs de mortiers ont été tirés non loin du Palais des Congrès dans le centre de Bagdad où se réunissaient les délégués. A peine les discours d’inauguration terminés, une centaine de délégués ont quitté la salle pour protester contre le siège de Najaf par l’armée américaine. Au lendemain de la fin de l’échec des négociations pour sortir de la crise, les combats ont repris entre les miliciens de Moqtada Al-Sadr et les Marines.

Bien qu’invité à participer à la Conférence, Moqtada Al-Sadr a maintenu son mot d’ordre de boycott contre ce rassemblement qu’il juge «illégitime». Outre ses partisans, d’autres mouvements ont pratiqué la politique de la chaise vide : des nationalistes arabes, le parti islamiste, mais surtout le Comité des Oulémas. Pour son secrétaire-général, Hareth Al-Dari, l’une des principale figure de l’opposition sunnite, «il ne peut y avoir de démocratie sous occupation», nous a-t-il déclaré au siège du comité dans la mosquée d’Oum Al-Maarek de Bagdad.

«Cette conférence est dictée par Bush pour servir ses intérêts électoraux», ajoute-t-il. «Nous ne participerons pas au processus politique tant que l’occupation perdurera. Nous ne pouvons accorder la moindre légitimité à une conférence qui se tient à l’ombre des canons américains. Les délégués qui sont présents viennent seulement par intérêts personnels et non pour le bien de l’Irak».

Une première étape décisive

Les participants veulent, eux, voir au contraire la «bouteille à moitié pleine». «Nous nous réunissons dans le ce palais des conférences où, sous Saddam, les délégués étaient forcés de voter contre leur volont»é, explique le Dr Jaff. «Si certains ne veulent pas participer, c’est leur droit. Si Moqtada Al-Sadr ne vient pas, c’est son problème. Certains de ceux qui boycottent la conférence sont manipulés par l’étranger, notamment l’Iran et la Syrie, qui ne souhaitent pas la réussite du processus démocratique en Irak».

«C’est vrai, cette réunion est un ersatz de liberté car les Américains sont encore présents en Irak. Mais c’est le prix à payer», reconnaît de son côté Salman Kazem Al-Sattran,. Il espère que les 100 délégués qui seront désignés –19 seront des membres de l’ex-Conseil intérimaire de gouvernement (CIG) automatiquement nommés-, «seront des gens sérieux et honnêtes».. Et de conclure avec un peu d’optimisme : «si nous réussissons cette première étape, nous passerons les suivantes, notamment celle des élections générales».



par Christian  Chesnot

Article publié le 15/08/2004 Dernière mise à jour le 15/08/2004 à 16:00 TU