Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Italie

Les filières des clandestins

Le réseau libyen d'immigration aurait des « antennes » en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone, en Somalie et dans d’autres pays encore. 

		(Photo: AFP)
Le réseau libyen d'immigration aurait des « antennes » en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone, en Somalie et dans d’autres pays encore.
(Photo: AFP)
Un reportage réalisé en Libye par un journaliste italien révèle les dessous du réseau de trafiquants qui gèrent à coup de millions de dollars le trafic des clandestins. Un colonel de l’armée libyenne en serait le patron.

De notre correspondant à Rome

L’article est publié par le quotidien La Repubblica. D’après le reportage de Francesco Viviano, c’est un certain Nasser, colonel de l’armée libyenne qui est le patron du réseau des trafiquants. Corpulent, la cinquantaine à peine, moustache bien soignée, au volant de sa Mercedes, Nasser est le maître incontesté des lieux. Beaucoup de clandestins échoués sur les côtes siciliennes ou dans l’attente d’embarquer disent avoir versé d’importantes sommes à cet homme qui déclare avoir travaillé dans l’armée. Certains enquêteurs le soupçonnent d’être le complice de Madame Janet, une Tunisienne récemment extradée de la Libye vers l’Italie, où elle a été condamnée pour trafic humain.

Aux ordres de Nasser répondent des subalternes très soumis comme le Ghanéen Ibrahim. Ces derniers, placés en des points stratégiques le long de la côte, de Zlitan à Zuwarah, gèrent à leur tour une ramification de rabatteurs qui organisent le voyage des candidats depuis leur pays d’origine jusqu’en Libye. Ce réseau aurait ainsi des « antennes » en Côte d’Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone, en Somalie et dans d’autres pays encore. Ibrahim s’occupe aussi du séjour et du départ des candidats vers l’Europe.

Le journaliste affirme que les désespérés, une fois arrivés en Libye, sont placés dans des richissimes familles où ils travaillent pour le compte du réseau, dans des conditions inhumaines pour un salaire de misère. C’est aussi une manière de rassembler l’argent nécessaire pour la traversée de la Méditerranée. Un jeune candidat à l’immigration, arrivé en décembre 2003, attend encore d’embarquer. Parmi les immigrés, ceux qui sont pressés de partir se font aider par des parents ou amis vivant en Europe. Le réseau en effet, possède des contacts dans le nord de l’Italie. La police vient d’ailleurs de découvrir un groupe italo-albanais qui est en liaison par satellite avec l’autre rive de la Méditerranée. Le réseau de Nasser a accumulé en quelques années, dit-on, des millions de dollars.

50 à 100 dollars pour passer les frontières libyennes

Selon des informations concordantes recueillies auprès des débarqués en Italie ainsi qu’en Libye, les immigrés payent 50 à 100 dollars par personnes aux gardes frontières libyens. Les 72 rescapés africains sauvés du naufrage et confiés aux autorités italiennes dimanche dernier ont raconté, dans le détail, combien et à qui ils ont payé avant d’entrer sur le sol libyen et pour sortir de l’exploitation organisée par le réseau. Les témoignages de Francis Owusu et Filily Boateng, le couple libérien qui a dû jeter en mer le corps de son fils d’un an, mort pendant la traversée de la Méditerranée, confirment bien ces informations.

Joint par RFI, l’auteur de l’article s’est dit stupéfait par les moyens techniques mis en œuvre par le colonel Nasser et ses acolytes. « Ils savent, dit-il, quand embarquer les candidats. En général, c’est lorsque le centre d’accueil de Lampedusa est archi-plein ». Les débarquements de nouveaux clandestins sèment un peu la panique. Les autorités sont obligées de procéder à la hâte aux identifications. Si elles n’y arrivent pas au bout de 45 jours, elles délivrent des papiers d’expulsion aux immigrés. Et le moment est propice pour ceux-ci ou de passer les frontières ou de vivre dans la clandestinité, aidés bien sûr par les ramifications italiennes du réseau. « Pour porter à terme son œuvre, Nasser a intérêt à envoyer le plus grand nombre de candidats possible » a-t-il conclu.

Pour Francesco Viviano, ceux qui profitent, en Libye, des retombées du trafic sont si nombreux qu’il serait très difficile de mettre fin à ces flux migratoires qui transitent par le pays.



par Jean-Baptiste  Sourou

Article publié le 17/08/2004 Dernière mise à jour le 17/08/2004 à 12:54 TU