Immigration
Nouveau drame sur les côtes italiennes
(Photo: AFP)
Ils sont épuisés déshydratés et sous le choc à leur arrivée à Syracuse en Sicile. Ce sont les forces de l’ordre ou les bénévoles de la Croix-Rouge qui les ont aidés à descendre du navire. Qui sur un brancard, qui accroché au cou d’un policier.
Selon la police, ces 72 rescapés de nouveau drame de l’immigration clandestine ont embarqué quelque part sur les côtes libyennes. Ils ont payé entre 800 et 1 800 dollars. Ils étaient 100 au départ sur une embarcation de 14 mètres, avec peu de vivres et d’eau. La traversée devrait durer 48 heures. Mais les conditions météo étant devenues très mauvaises, ils ont erré pendant dix jours en Méditerranée. Vingt-huit d’entre eux sont morts et leur corps a été jeté à la mer au fur et à mesure pour alléger la cargaison. Un père raconte, en larmes, avoir jeté par-dessus bord le corps de son propre fils d’un an, mort pendant le trajet.
Les 72 rescapés ont été retrouvés dans un état pitoyable et secourus, in extremis avant que leur embarcation ne coule, par un bateau faisant route vers la Turquie. Parmi eux 3 femmes et des enfants. La police continue ses investigations pour établir l’identité des rescapés qui se déclarent Libériens, Ivoiriens et Sierra Léonais. Dès leur arrivée, des soins leur sont donnés par des unités d’urgence à l’hôpital de Syracuse. Deux d’entre eux, soupçonnés d’être des passeurs, ont été interrogés par la police et arrêtés.
L’Italie entre consternation et polémique
La nouvelle de ce drame est à la Une de la plupart des médias de la Péninsule. La consternation et la polémique politique croissent au fil des heures car l’arrivée de ces rescapés soulève à nouveau le problème de l’immigration clandestine.
Les premiers à monter au créneau sont les organisations caritatives et l’Église. Dans un communiqué très critique, la Caritas italienne demande que soit renforcé l’accueil des demandeurs d’asile et que leurs droits soient protégés. Pour Germano Garatto, responsable du Bureau Immigration à la Caritas italienne, « la répression policière ne pourra jamais décourager les flux migratoires ». Selon lui, « l’Europe devrait trouver des formes de coopération qui permettent aux populations désireuses de venir en Europe de se réaliser sur place ». A cette coopération doit s’ajouter aussi l’augmentation des quotas d’entrées en Europe. Il considère que le système démocratique et une forte mobilisation des organisations humanitaires et de l’opinion publique des pays riches et pauvres peuvent changer les tendance politiques et économiques actuelles.
Le ministre italien de l’Intérieur, Giuseppe Pisanu, quant à lui, invite une fois encore la Communauté européenne à trouver rapidement une solution pour que cessent ces voyages du désespoir vers l’Europe. Il va dépêcher un émissaire en Libye pour étudier, avec Tripoli, un nouveau plan de lutte contre l’immigration clandestine.
La classe politique crie au scandale devant les déclarations de Roberto Calderoli, ministre des Réformes –membre de la Ligue du Nord, un parti à tendance séparatiste et xénophobe. Il a dit en effet que le terrorisme islamique pourrait bien profiter des immigrants pour s’infiltrer dans la Péninsule. Il faut donc absolument renforcer les contrôles militaires et expulser par tous les moyens ceux qui résident illégalement en Italie. Ces déclarations ont suscité les critiques de l’opposition qui réclame « un peu plus de respect pour la mémoire des défunts » ou qui trouve « aberrante de mettre dans le même panier les terroristes et des gens qui fuient la guerre, les violences et la faim ».par Jean-Baptiste Sourou
Article publié le 09/08/2004 Dernière mise à jour le 09/08/2004 à 16:41 TU