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Politique française

La « cagnotte » relance le débat budgétaire

Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy s'opposent sur l'utilisation de la cagnotte fiscale. 

		(Photo : AFP)
Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy s'opposent sur l'utilisation de la cagnotte fiscale.
(Photo : AFP)
A peine évoquée l’éventualité d’une « cagnotte » que, déjà, au gouvernement, chacun à son idée sur ce qu’il convient de faire de ce surplus de recettes fiscales liées à une croissance supérieure aux prévisions. Le débat sur le choix entre réduction de la dette ou mesures sociales est relancé.

Les prévisions de croissance pour 2004, revues à la hausse par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), laissent présager des rentrées fiscales supérieures aux attentes et, aussitôt, le rêve d’une « cagnotte » prend forme. La progression du PIB au deuxième trimestre à 0,9 contre 0,5 prévus initialement permettent d’envisager une croissance annuelle de 2,5%, alors que le gouvernement, pour établir le budget 2004, avait tablé sur 1,7%. C’est presque l’euphorie, après le petit 0,5% enregistré en 2003 et trois ans de croissance molle. Ainsi, le ministre délégué à l’Industrie Patrick Devedjian souligne que le rythme de croissance actuel de la France est, en projection annuelle, de 3%.

Sur l’air de « je vous l’avais bien dit », le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin pavoise. « Depuis plusieurs mois j’annonce que 2004 sera l’année du retour de la croissance. Les résultats sont là » a-t-il déclaré à l’annonce de ces bons résultats.

La première conséquence de cette embellie économique, confortée par les chiffres positifs du commerce extérieur, est une certitude de rentrées fiscales supérieures à ce qui était attendu dans la partie recettes de la loi de finances pour 2004. Des extrapolations font état d’un surplus de 5 milliards d’euros qui a aussitôt pris le nom de cagnotte, comme cela avait été le cas en 1999 sous le gouvernement Jospin.

Et, comme à cette époque, le débat s’instaure immédiatement sur l’utilisation la plus judicieuse de ce ballon d’oxygène financier. Alors que le gouvernement s’apprête à arrêter le budget pour 2005 et que chacun s’était plus ou moins fait à l’idée que l’austérité prévaudrait l’année prochaine, l’existence de la cagnotte fait renaître des espoirs dans les ministères dépensiers. Le Premier ministre devra, dans les prochains jours, arbitrer entre son ministre des Finances Nicolas Sarkozy et le ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo.

La dette contre l’emploi

Pour Nicolas Sarkozy, il n’y a pas lieu de tergiverser. « Dans un pays qui a 1 000 milliards d’euros de dettes, 5 milliards d’euros ce n’est pas une cagnotte, c’est une opportunité de rembourser nos dettes et de réduire notre déficit » affirme-t-il. Le ministre des Finances juge prioritaire de tenir l’engagement de la France envers ses partenaires européens de ramener le déficit public sous la barre des 3% en 2005 alors qu’il était de 4,1% en 2003 et devrait s’établir à 3,6% cette année.

Outre la cagnotte fiscale les caisses de l’Etat vont également bénéficier de la hausse des prix des carburants qui sont autant de taxes perçues. De plus, dans les mois à venir l’entreprise publique EDF doit verser de 8 à 10 milliards d’euros à l’Etat en compensation du transfert de ses salariés au régime général des retraites de la sécurité sociale.

Face à Nicolas Sarkozy se dresse cependant le ministre de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo dont les arguments ne peuvent laisser le Premier ministre insensible. Jean-Louis Borloo a fait part à Jean-Pierre Raffarin de son hostilité à un report de la hausse du salaire minimum et des allégements de charges en faveur des bas salaries prévues en 2005. Fin juillet on annonçait le gel de l’enveloppe des allégements de charges sur les bas salaires et l’étalement sur 2005 et 2006 de l’augmentation du salaire minimum prévue pour juillet 2005. Le ministre de la Cohésion sociale plaide que cette mesure sociale a un effet économique en soutenant la consommation des ménages, favorisant ainsi la croissance.  

Des arbitrages difficiles

Le Premier ministre a annoncé, il y a quelques jours, son intention d’utiliser la croissance économique pour créer des emplois. Après avoir reçu Jean-Louis Borloo à la veille de la rentrée du gouvernement il a souhaité la mobilisation des moyens publics et privés pour transformer la croissance en emplois. De plus les services du Premier ministre font savoir que les arbitrages définitifs pour le budget 2005 ne sont pas figés et font encore l’objet de discussions.

Le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé n’a guère levé le suspense en déclarant, à l’issue du conseil des ministres de rentrée, que la réduction de la dette et la lutte contre le chômage étaient deux priorités du gouvernement, qui ne sont pas incompatibles.

Que Nicolas Sarkozy l’emporte sur Jean-Louis Borloo ou que le Premier ministre décide de couper la poire en deux, une partie pour la réduction de la dette, une partie pour financer le plan de cohésion sociale, le ministre des Finances pourrait ne plus être là pour appliquer la décision. En effet, candidat virtuel à la présidence de l’UMP, Nicolas Sarkozy se heurte à la règle édictée par le président de la République Jacques Chirac, dans son allocution du 14 juillet, selon laquelle un ministre ne peut à la fois diriger la formation politique majoritaire. Jacques Chirac avait même ajouté que, faute de démission, il mettrait fin lui-même aux fonctions ministérielles du contrevenant.



par Francine  Quentin

Article publié le 19/08/2004 Dernière mise à jour le 19/08/2004 à 13:52 TU