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Immigration

Berlusconi retourne à Tripoli

Le colonel Kadhafi et le Premier ministre italien Silvio Berlusconi lors de leur dernière entrevue en Libye en février 2004.
 

		(Photo : AFP)
Le colonel Kadhafi et le Premier ministre italien Silvio Berlusconi lors de leur dernière entrevue en Libye en février 2004.
(Photo : AFP)
Silvio Berlusconi se rend en Libye, notamment pour tenter d'enrayer l'immigration clandestine. Mardi encore, 275 personnes sont arrivées a Lampedusa sur un chalutier de 20 mètres avec, parmi elles, 89 mineurs.
Ceux-là ont eu de la chance, car si l'on en croit les statistiques fournis par la communauté de Sant'Egidio, près d'un millier de personnes ont péri en trois ans en tentant de rallier les côtes italiennes depuis la Libye qui, depuis un an est devenue le principal point de passage pour des clandestins venus du continent africain. Le passage coûte cher, entre 1 000 et 1 500 euros, pour le plus souvent être cueillis par les garde-côtes italiens, quand ce n'est pas pour mourir en mer.
Une des routes de l'exode des clandestins africains, traverse la Somalie, l'Érythrée, l'Ethiopie, le Soudan et enfin le désert lybien. 

		(Carte : Stéphanie Bourgoing/RFI)
Une des routes de l'exode des clandestins africains, traverse la Somalie, l'Érythrée, l'Ethiopie, le Soudan et enfin le désert lybien.
(Carte : Stéphanie Bourgoing/RFI)

Les immigrés partis de Libye tentent d'arriver a Lampedusa, une petite île située entre la Tunisie et l'Italie. Sur place est établi un centre de rétention, que les italiens appellent « centre d'accueil ». Installé sur le tarmac de l'aéroport il héberge souvent bien plus que les 200 personnes pour lesquelles il a été conçu. C'est la première étape. Après, les clandestins sont acheminés vers d'autres centres, en Calabre, en Sicile et dans les Pouilles. Puis c'est l'expulsion. Quand bien même la loi a été assouplie sur décision de la cour de cassation, la reconduite n'est plus tout a fait immédiate comme c'était le cas jusqu'à présent, les clandestins ont 48 heures pour déposer une demande d'asile, ce qui  est exclu pour les ressortissants originaires de pays qui ont conclu des accords avec l'Italie, comme l'Egypte, la Tunisie et le Maroc.

Ce n'est pas la première fois que Silvio Berlusconi se rend en Libye. Des accords de coopération ont déjà été passés, il s'agit pour le Premier ministre italien d'en activer la mise en oeuvre. Pour lui l'enjeu est double, humanitaire et politique. Les chiffres sont là pour le rappeler, la traversée de la Méditerranée n'est pas le principale point de passage de l'immigration clandestine vers l'italie. Le flux le plus important il vient d'Europe de l'est et passe par la terre ferme. Il faut savoir qu'à l'échelle de l'Europe la grande majorité de ceux qui deviennent des clandestins rentrent tout à fait légalement sur le territoire. Ce n'est qu'après expiration de leur visa qu'ils deviennent des clandestins.

Au titre de la légitime défense

Mais avec l'été, les drames se multiplient à Lampedusa. C'est devenu la part la plus visible, la plus tragique de cette immigration, de quoi émouvoir l'opinion publique italienne. Silvio Berlusconi doit donc a la fois paraître concerné, humainement, d'autant que sur sa droite ses alliés de la Ligue du nord se sont emparés de cette affaire. De hauts responsables de ce parti populiste et xénophobe multiplient les déclarations pour dire que le problème est avant tout libyen, que ce qu'il faut c'est repousser les clandestins par la force, au titre de la légitime défense car, disent-ils, des terroristes islamiques pourraient profiter de tout cela pour s'infiltrer dans la péninsule. Berlusconi doit donc rassurer son opinion, éviter la surenchère politique, et pour cela il a besoin de la coopération du colonel Kadhafi.

Le numéro un libyen se déclare favorable à des accords de coopération, à condition que cela aide son pays à parachever son retour sur la scène internationale. Et c'est bien pour cela que des accord signés en 2003 n'ont eu aucun effet. Il était en effet demandé à la Libye de faire des compromis mais sans contrepartie. L'Italie voulait lui fournir du matériel de surveillance de ses côtes mais, pour cause d'embargo européen, les hélicoptères et autres vedettes sont restés en Italie car il s'agissait là de matériels à usage civil mais aussi militaire. Tripoli, qui se dit envahi par les candidats à l'immigration, réclame des vedettes rapides, des radars, des appareils de visée nocturne, bref toute une liste d'approvisionnement qui jusqu'à présent tombait sous le coup de l'embargo. A priori plus rien ne devrait s'opposer a ces livraisons dans le mois qui viennent.

D'ici là, l'Italie a plusieurs projets : tout d'abord la mise en place de patrouilles communes. Au début les Italiens seront là pour former les Libyens, mais l'objectif de Rome est de mettre un pied, à travers des patrouilles mixtes, dans certains ports libyens et de reproduire aussi ce qui s'est fait avec l'Albanie. Le principe est acquis : les premières patrouilles mixtes le long des côtes libyennes devraient commencer à travailler le mois prochain. Dans un premier, il s'agira d'entraînement. Enfin, Silvio Berlusconi souhaite parvenir a l'ouverture de camps de réfugiés en libye. La presse italienne affirme que des tentes et des préfabriqués seront livrés en octobre. Trois camps sont prévus, dont un près de Tripoli, pour un total d'un millier de place.

Des camps spéciaux

Avec l'ouverture de ces camps, on retrouve le projet récemment annoncé par l'Italie et l'Allemagne de permettre à l'Union européenne d'examiner les demandes d'asile de personnes qui ne seraient pas encore parvenues sur son territoire. On n’en est pas encore tout à fait là, mais une logique se dessine : ces camps en Libye serviront dans un premier temps a héberger des immigrés avant leur rapatriement dans leur pays d'origine.

A terme, se profile une idée qui n'est pas nouvelle. La Grande-Bretagne avait proposé il y a un an d'ouvrir un camp de transit en Croatie. Idée rejetée au sommet de Thessalonique, en juin 2001. L'Italie avait souhaité pour sa part en ouvrir à Chypre et Malte. A l'époque l'Union européenne avait choisi de privilégier les accords de réadmission. Au début du mois d'août, l'Italie et l'Allemagne ont annoncé leur intention de faire financer par l'Union européenne l'ouverture de centres de regroupement en Afrique du nord. L'idée est loin de faire l'unanimité, y compris en Allemagne, et bien sûr au sein des 25. D'autant que les défenseurs des droits de l'homme s'indignent dans la mesure où il s'agit très clairement d'interner des étrangers dans des camps spéciaux. Le ministre allemand de l'Intérieur Otto Schily répond que cela vaut mieux que de les laisser mourir en mer. L'idée devrait être développée dans les semaines qui viennent devant les partenaires européens.


par Patrick  Adam

Article publié le 25/08/2004 Dernière mise à jour le 25/08/2004 à 10:34 TU