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Italie

Régularisation en vue pour des centaines de milliers de clandestins

Le gouvernement de Silvio Berlusconi veut faire sortir de l’illégalité des centaines de milliers de clandestins et d’employeurs de clandestins. L’opération de régularisation a débuté le 28 août pour les employés de maison et les aides familiales, et le coup d’envoi pour la régularisation des travailleurs appartenant à d’autres catégories sera donné le 10 septembre.
De notre correspondante à Rome

C’est la seconde fois, au cours de ces quatre dernières années, que l’Italie lance une opération de régularisation des travailleurs clandestins, non ressortissants de l’Union européenne. Mais c’est bien la première fois, dans ce pays, que quelque 14 000 bureaux de poste sont impliqués dans une cette démarche car le gouvernement de Silvio Berlusconi (centre-droit) a décidé que les formulaires à remplir devaient être facilement accessibles.

Ainsi à la poste centrale de la place Saint-Silvestre à Rome, dès que l’on entre, on trouve un grand stand avec de multiples panneaux explicatifs, des piles de formulaires et un employé de la poste. La première phase de l’opération a débuté le 28 août (elle s’achèvera le 10 novembre) avec la distribution des formulaires blancs, destinées aux employés de maison et aux aides familiales. Plus de 700 000 formulaires ont déjà été retirés. La seconde phase qui concerne la régularisation des travailleurs appartenant à d’autres catégories commencera ce mardi et se conclura le 10 octobre.

On s’attend à une véritable prise d’assaut de certains guichets, notamment dans les régions du nord-est opulent de l’Italie où la demande en main d’oeuvre étrangère est la plus forte. Selon les estimations du ministère de l’Intérieur entre 350 000 et 500 000 clandestins pourraient être régularisés. En 1998, 250 000 personnes avaient pu obtenir un permis de séjour.

Des conditions difficiles à remplir

Mais ces chiffres restent théoriques car si on analyse les conditions exigées pour la régularisation des clandestins on réalise qu’elles sont très contraignantes pour les employeurs mais aussi pour les immigrés. Par exemple, pour régulariser une employée de maison, outre la somme forfaitaire de 330 euros à verser par l’employeur, celui-ci devra offrir soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat d’une durée de douze mois minimum. Il devra s’engager à fournir, ou garantir, un logement décent à son employée et les frais de rapatriement, si le contrat s’achève et que la personne ne trouve pas de travail ailleurs, seront à sa charge. Il devra évidement verser les cotisations sociales, offrir un mois de congés payés, un treizième mois et mettre de côté, chaque mois, 25% de la somme correspondant au salaire versé, le montant accumulé, devant être versé à l’employé au moment où il quitte son emploi selon la loi en vigueur pour tous les travailleurs qui dépendent de la législation italienne.

Pour une famille qui emploie une aide ménagère étrangère à temps plein, sa régularisation entraînera au minimum 30 à 35% de dépenses supplémentaires par mois. Pour les autres catégories de travailleurs, les règles sont identiques mais la somme forfaitaire pour la régularisation est fixée à 800 euros par employé.

Autant d’obligations qui soulèvent diverses polémiques selon Andrea Frattani le représentant de la CGIL, la principale centrale syndicale italienne, à Prato, en Toscane, où vit la plus grande communauté chinoise d’Italie (entre 15 000 et 20 000 personnes travaillent dans les secteurs de la peausserie et du textile) l’opération risque d’échouer. «Beaucoup de clandestins tentent leur chance maintenant explique t-il mais au bout d’un an, ils retourneront dans la clandestinité car ils ne pourront pas démontrer qu’ils ont un logement et un emploi fixe comme le prévoit la loi». De son coté, la Coldiretti, la Féderation des agriculteurs, souligne que «90% des emplois sont saisonniers, tout comme la Confédération des artisans rappelle que nombre d’emplois dans les secteurs de la mécanique et du bâtiment sont à durée déterminée. Dans ces différents cas de figure, les contrats qui doivent être remplis ne correspondent donc pas aux besoins réels.

D’autres polémiques concernent la situation des clandestins sous le coup d’un mandat d’expulsion, non pour avoir commis des délits mais pour des raisons administratives (250 000 mandats d’expulsion de ce type ont été délivrés depuis 1998). Pour les centristes du gouvernement Berlusconi, ces immigrés devraient pouvoir effectuer une demande de régularisation mais selon le décret adopté en conseil des ministres le 6 septembre, ils seront exclus de cette opération, réservée à ceux dont le permis de séjour est arrivé à expiration et qui ont réellement un travail depuis au mois le 10 juin 2002.

Bruno Tabbacci député de l’UDC (Union des démocrates chrétiens, petit parti de la majorité au pouvoir) présentera un amendement au parlement, au moment où le décret sera converti en loi. Ce qui signifie d’âpres batailles en perspective avec les députés de la Ligue du Nord, parti populiste et xénophobe.



par Anne  Le Nir

Article publié le 09/09/2002