Indonésie
Peur sur l’archipel
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Djakarta.
La piste de l’attentat suicide se précise et, avec elle, celle de la Jemaah islamiyah. «Des témoins ont vu la voiture piégée s’avancer près de l’ambassade avant d’exploser», a expliqué le porte-parole de la police indonésienne, rappelant que cette technique avait déjà été utilisée lors des précédentes attaques attribuées à cette organisation souvent décrite comme la jumelle d’al-Qaïda en Asie du sud-est. Il y avait au moins un kamikaze pour l’attentat de Bali d’octobre 2002 (202 morts), et un autre pour l’attaque contre l’hôtel Marriott de Djakarta, en août 2003 (12 morts).
Autre piste menant à la Jemaah islamiyah: les explosifs. Les fragments de bombe retrouvés devant l'ambassade australienne sont similaires à ceux que l’on avait retrouvés près de l’hôtel Marriott. Ces explosifs seraient plus puissants que les bombes de Bali, ont même affirmé les policiers scientifiques australiens, présents sur place. Ils sont épaulés par des membres des services de renseignement qui ont évoqué l'existence d'un second groupe de kamikazes préparant un nouvel attentat.
«Nous avons reçu des informations selon lesquelles un second groupe était à l’œuvre dans la zone», a ainsi déclaré le chef de la police australienne lors d’une conférence de presse donnée à Djakarta. Une crainte partagée par son homologue indonésien, Da'i Bachtiar, qui a admis que ses services avaient perdu la trace des auteurs présumés de l’attaque, Azahari et Noordin Mohamad Top, dans les faubourgs de la capitale mais que ceux-ci pourraient frapper à nouveau.
Perturber l’élection présidentielleLes deux hommes, de nationalité malaisienne, sont déjà recherchés pour les attentats de Bali et du Marriott. Ils sont considérés comme des cadres de la Jemmah islamiyah, mais également comme des experts en explosifs. Ils auraient donc la capacité de constituer un réseau et de le rendre opérationnel en lui fournissant des bombes. La crainte de nouveaux attentats est d’autant plus grande que les deux hommes sont décrits comme des individus particulièrement intelligents. Azahari notamment, qui est passé maître dans l’art du déguisement et de la dissimulation.
Cet ancien professeur d’université, diplômé d’une institution britannique, était à l'arrière de la moto conduite par un des leaders de la Jemaah dans l’île de Sumatra, quand celui-ci a été arrêté en avril 2003. Le conducteur a été incarcéré tandis que son acolyte était libéré après quelques heures d’interrogatoire. Les policiers ne l’avaient pas reconnu. C’est aussi en se déguisant qu’Azahari a échappé six mois plus tard à un coup de filet policier dans la ville de Bandung (Java-Centre). D’après la police, Azahari et Noordin sont passés par Surabaya, la deuxième ville du pays, et par une cité-dortoir de la capitale. On a retrouvé dans un logement qu’ils avaient loué du TNT ainsi que des résidus de soufre, du même type que les produits utilisés contre l'ambassade le 9 septembre.
La prochaine cible des deux artificiers, qui aurait préparé un attentat déjoué contre un centre de formation à la lutte antiterroriste financé par l'Australie, le jour de son inauguration en juillet dernier par la présidente indonésienne Megawati Sukarnoputri, ne sera pas forcément une cible occidentale, estime les policiers de l’archipel. Ils pourraient en effet tenter de perturber le second tour de l’élection présidentielle indonésienne, qui aura lieu le 20 septembre prochain. Le but: déstabiliser les institutions d’un Etat souvent dénoncé pour son alignement coupable sur l’Occident.
par Jocelyn Grange
Article publié le 11/09/2004 Dernière mise à jour le 11/09/2004 à 14:39 TU