Indonésie
Nouvelle inculpation contre Bashir
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Djakarta
Le procureur de la République a ouvert un nouveau dossier d’inculpation contre Abou Bakar Bashir, un religieux musulman de 65 ans que tous les services de renseignements régionaux accusent d’être le chef de la Jemaah Islamiyah. Cette organisation clandestine, jumelle d’al-Qaïda en Asie du Sud-Est, est suspectée d’avoir commis une quarantaine d’attentats en Indonésie et aux Philippines depuis la fin des années 1990. Cette nouvelle inculpation devrait conduire à la tenue rapide d’un second procès Bashir. Le vieux prédicateur musulman, qui milite pour l’instauration de la charia en Indonésie, avait déjà été jugé en septembre 2003. Mais le tribunal l’avait disculpé de toutes les accusations de terrorisme ne le condamnant finalement qu’à dix-huit mois de prison pour des infractions mineures à la législation sur l’immigration.
Ce verdict avait suscité une très forte vague d’indignation en Australie et poussé le gouvernement indonésien à ouvrir une nouvelle enquête contre Bashir. Celle-ci est maintenant terminée et permettrait, selon les policiers indonésiens, d’établir clairement sa responsabilité dans l’attentat contre l’hôtel Marriott de Djakarta qui avait fait douze morts en août 2003. En revanche, Bashir n’est pas inculpé pour l’attentat de Bali puisque la cour constitutionnelle indonésienne a dénoncé récemment l’effet rétroactif des lois anti-terroristes adoptées au lendemain de ce carnage qui avait fait 202 morts en octobre 2002. La Cour avait précisé que les condamnations déjà prononcées (dont trois peines de mort) ne seraient pas remises en cause mais la crainte demeure que des acteurs clé du massacre toujours en fuite (Zulkarneen, Azahari, Mohammad Top) puissent échapper à la justice.
Une fatwa appelant au Jihad
Le ministère public affirme qu’en dépit des limites posées par les juges constitutionnels, il dispose d'éléments suffisants pour faire condamner lourdement Bashir. « Nous n'aurions pas approuvé le dossier de la police si celui-ci ne nous avait pas semblé solide », a déclaré le porte-parole du procureur général. Le contenu de ce nouveau dossier à charge n’a pas été rendu public mais des sources policières indiquent qu’il serait basé sur les témoignages d’islamistes repentis accusant Bashir d’avoir intronisé plusieurs chefs locaux de la Jemaah Islamiyah et d’avoir présidé une cérémonie militaire dans un maquis du sud des Philippines, cérémonie durant laquelle les principaux responsables des attentats de Bali et du Marriott étaient présents. Les policiers affirment disposer également d’une fatwa établissant clairement que Bashir est bien le chef de la Jemaah Islamiyah. Cet édit religieux ordonnerait de mettre tous les moyens de l’organisation au service du Djihad contre l’Amérique et ses alliés. Le document serait signé Oussama Ben Laden et contre-signé Abou Bakar Bashir.
L’inculpation de Bashir relance la crainte de nouveaux attentats. Les services anti-terroristes indonésiens estiment qu’en dépit d’arrestations par dizaines, d’une réduction de ses sources de financement et de ses divisions internes, la Jemaah Islamiyah dispose toujours de fortes capacités opérationnelles. Ils estiment que l’organisation pourrait préparer des attentats pour perturber le deuxième tour de l’élection présidentielle indonésienne, le 20 septembre prochain, et redoute qu’elle ait recours à des « escadrons de la mort », visant diplomates et hommes politiques. En 2000, l'ambassadeur philippin avait été tué dans sa résidence de Djakarta dans un attentat à la voiture piégée. Il y une semaine le ministère de la Sécurité a annoncé l’arrestation de trois militants islamistes ayant suivi une formation spéciale pour lancer des attaques suicides.par Jocelyn Grange
Article publié le 26/08/2004 Dernière mise à jour le 26/08/2004 à 10:03 TU