Corée du Nord
Nouvelle explosion mystérieuse
(Phot : AFP)
Pyongyang a livré ses explications ce lundi matin par la voix de son ministre des affaires étrangères: cette explosion est liée à la construction d'un projet hydroélectrique qui nécessitait d'araser une montagne, a-t-il dit. Il ne s'agit donc pas d'un accident, précisent les autorités nord-coréennes, mais d'une explosion délibérée. Ces informations ont été relayées par un membre du ministère britannique des Affaires étrangères, en visite à Pyongyang ce week-end. Ce diplomate, Bill Rammel, a demandé à Pyongyang d'autoriser des étrangers à visiter le site sinistré.
L'explosion s'est produite jeudi. C'est l'agence de presse sud-coréenne Yonhap a révélé l'information, en citant des sources chinoises anonymes. Une information qui n'a filtré que quatre jours plus tard. Tout cela reste donc très obscur pour le moment.
On a tout d’abord évoqué un test nucléaire, mais cette thèse a été presque immédiatement réfutée par Séoul et Washington. Mais si l'hypothèse du test nucléaire avait été évoquée, ce n'est pas pour rien : En fait, selon les informations livrées par Yonhap, il y a eu une forte déflagration dans le secteur de Kim-Hyung-Jik, une zone toute proche de la frontière avec la Chine. La déflagration a été suivie par la formation d'un nuage suspect, en forme de champignon, qui s'est étalé sur quatre kilomètres. Et c'est ce nuage qui a soulevé des craintes...
D'autant que les Sud-Coréens ont confirmé qu'un de leur satellites d'observation a repéré un nuage suspect, jeudi matin, au-dessus de la zone concernée... Les premières analyses de données suggèrent bien que ce nuage aurait suivi une explosion, mais elles ne permettent pas encore de déterminer l'origine de cette déflagration.
Et enfin, ce qui a également éveillé les soupçons, c'est l'endroit même où s'est produit l'explosion: un lieu, lui aussi « suspect »: il s'agit d'une zone à laquelle les étrangers n'ont pas accès, une zone montagneuse, peu peuplée, qui abrite des sites militaires stratégiques.
Les autorités sud-coréennes ont très rapidement dit qu'il était peu probable que cette explosion soit liée aux ambitions nucléaires de Pyongyang. Séoul s'appuie par exemple sur le fait que les météorologues sud-coréens n'ont détecté aucune secousse sismique, comme c'est habituellement le cas lors d'un essai nucléaire.
Séoul a tout intérêt à minimiser l'affaire: la Corée du Sud a avoué la semaine dernière qu'elle a récemment conduit deux programmes d'enrichissement d'uranium et de plutonium, ce qui a déclenché la colère de Pyongyang. Le Nord a réagi en disant que ces programmes étaient menés sur ordre de Washington et accuse les États-Unis de suivre deux politiques très différentes en matière de nucléaire dans la péninsule...
La tension régionale reste très viveL'autre réaction est donc celle de Washington –par la voix de Colin Powell et de Condoleezza Rice qui rejette également la thèse du test nucléaire. Là aussi, on calme le jeu et pourtant, le New York Times de dimanche rapportait que les services secrets américains avaient observé des mouvements suspects dans le nord de la péninsule, dans des zones potentielles d'essais nucléaires.
Cet épisode survient dans un contexte de négociations multilatérales pour parvenir au démantèlement du nucléaire nord-coréen. Des négociations auxquelles participent la Russie, la Chine, les Etats-Unis, le Japon et les deux Corées. Or, lors des derniers pourparlers, Pyongyang a laissé entendre que ces discussions étaient inutiles et a menacé de tester une arme atomique. La tension est très vive alors que les six pays doivent se réunir à nouveau d'ici la fin du mois.
Les efforts diplomatiques se multiplient pour que Pyongyang assouplisse sa position: ce lundi encore, un émissaire russe s'est entretenu à Pyongyang, avec le leader nord-coréen dans ce sens... En fait, il est très possible que la Corée du Nord essaye de faire traîner les choses, en attendant le résultat de la présidentielle américaine. John Kerry accuse, en effet, George Bush d'avoir négligé la menace nord-coréenne en se focalisant sur l'Irak. Une négligence qui, selon le candidat démocrate pourrait mener à un possible «11 septembre nucléaire». Des déclarations qui montrent en tous cas que si John Kerry remporte ce scrutin, il n'est pas sûr qu'il adoptera une position beaucoup plus souple que George Bush vis-à-vis de la Corée du Nord. John Kerry ne croit pas en l'efficacité des négociations multilatérales. Pour lui, il faut que Washington et Pyongyang négocient directement. C'est un des souhaits de Pyongyang.
Pyongyang qui, depuis les déclarations de George W. Bush sur «L'Axe du mal» veut obtenir de Washington la signature d'un pacte de non-agression.
par Nathalie Tourret
Article publié le 13/09/2004 Dernière mise à jour le 13/09/2004 à 14:00 TU