Côte d'Ivoire
Des militaires pilleurs de banque
(Photo: AFP)
A Man, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, à plus de 570 km d’Abidjan en zone sous contrôle des Forces nouvelles (ex-rebelles), les soldats français de l’opération Licorne ont pris position pour faire tampon entre les protagonistes ivoiriens. Ils ont le contrôle de cette ville et particulièrement la charge de la garde de certains points sensibles de la ville de Man. La surveillance des succursales de BCEAO leur incombe. L’absence évidente d’une administration centrale depuis deux ans a donné des idées aux soldats qui avaient principalement la garde d’une succursale de la BCEAO. Au nombre de douze, ils sont alors convenus d’un «casse» en douce, profitant de leurs positions «d’éléments au-dessus de tout soupçon».
Ils connaissaient les systèmes de sécurité et ont probablement ignoré la surveillance accrue des banques mise au point par le commandement de l’opération Licorne. Pris la main dans le sac par leur hiérarchie le vendredi 17 septembre, ils ont immédiatement été rapatriés en France, où des «mesures disciplinaires» seront prises à leur encontre, précise le commandement de l’opération Licorne qui a aussi ordonné une enquête. Selon ce dernier, les militaires casseurs de coffres de banque seront présentés à la justice française. Certaines voix s’élèvent déjà en Côte d’Ivoire pour critiquer la rapidité de leur rapatriement en France qui les soustrait à la justice ivoirienne alors qu’elle aurait pu être saisie du dossier. Par ailleurs, les douze soldats français étaient en fin de mission et devaient être relevés début octobre.
Les succursales fermées de la BCEAO tentent les militairesCe n’est le premier incident dans lequel des militaires français sont impliqués. Déjà en septembre 2003, quatre d’entre eux avaient profité du pillage de la BCEAO de Bouaké, par des éléments des Forces nouvelles pour dérober 38 millions de francs CFA, soit 57 000 euros. Ils avaient la garde des locaux. Selon les enquêteurs français, un militaire français avait profité de la confusion (les Forces nouvelles échangeaient entre elles des coups de feu) pour s’emparer d’un sac d’argent qu’il a, par la suite, partagé avec trois autres complices, dont deux tireurs d’élite affectés à la surveillance et placés sur le toit de la banque. De retour à Abidjan, ils ont tenté d’échanger leur butin contre des diamants et le pot aux roses a été découvert.
En septembre 2003 à Bouaké des soldats des Forces nouvelles avaient organisé le pillage de la BCEAO et ont emporté environ 20 milliards de francs CFA, soit plus de 30 millions d’euros. Cette opération s’était soldée par des combats entre ex-rebelles qui avait fait plusieurs dizaines de morts. En août dernier, c’était le tour de la succursale de Korhogo d’être pillée sans qu’un montant précis ne soit annoncé. Depuis le déclenchement de la rébellion, en septembre 2002, les succursales de la BCEAO sont fermées dans le nord de la Côte d’Ivoire. Aussi, les pillages à répétition ont-ils participé à la décision des autorités de la Banque centre des Etats de l’Afrique de l’ouest de procéder au renouvellement des billets, pour rendre les importantes réserves des succursales du nord de la Côte d’Ivoire caduques. L’opération a donné quelques résultats significatifs puisque de nombreuses banques maliennes ont refusé des opérations de dépôt d’importantes sommes en billets issus des casses de Bouaké et de Korhogo. Les numéros et séries des billets indiquent la provenance.
par Didier Samson
Article publié le 21/09/2004 Dernière mise à jour le 21/09/2004 à 14:50 TU