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Côte d'Ivoire

Triste anniversaire

A la sortie de l'office religieux  Laurent Gbagbo déclare : «Soyons et forts et courageux». 

		(Photo : AFP)
A la sortie de l'office religieux Laurent Gbagbo déclare : «Soyons et forts et courageux».
(Photo : AFP)
Deux après le déclenchement de la rébellion, le pays est toujours coupé en deux avec des espoirs de règlement prochain du conflit encore incertains. Conférences, réunions, accords, les initiatives internationales pour parvenir à une paix négociée n’ont pas manqué mais ne marquent pas une avancée vers la fin du conflit, parce que chaque partie semble se contenter de sa parcelle de pouvoir.

Le deuxième anniversaire du début de la rébellion en Côte d’Ivoire (19 septembre 2002) était difficile à commémorer. Pour les uns, le pouvoir et les forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI), cette date est synonyme d’éclatement, de guerre civile et de massacres. Pour les autres, les rebelles devenus «Forces nouvelles», cette date n’évoque pas vraiment un succès. Les Forces nouvelles avaient le triomphe modeste en réunissant toutes les instances du mouvement insurrectionnel à Bouna, à quelque 400 km au nord d’Abidjan. Les meetings politiques se sont tenus sur fond de crise profonde dans le mouvement, hantés par l’élimination de quelques noms emblématiques de la rébellion identifiés comme très proches d’Ibrahim Coulibaly, alias IB, qui revendique la paternité du mouvement. Or, le conflit ouvert entre lui et Guillaume Soro, secrétaire général des Forces nouvelles et ministre d’Etat chargé de la Communication et qui s’installe comme leader naturel est sur la place publique. Le mouvement est au bord de «l’implosion», confessent de nombreux partisans du mouvement qui expriment par une lassitude face l’avenir incertain auquel ils sont confrontés. 

A Abidjan, c’est à la place des Martyrs, dans le quartier populaire d’Adjamé que les autorités supérieures des FANCI ont déposé des gerbes de fleurs en mémoire des victimes de l’assaut mené par les rebelles le 19 septembre 2002. Pendant ce temps, le président de la République, Laurent Gbagbo assistait à un office religieux dans le quartier Cocody. «Soyons et forts et courageux», a-t-il lancé à l’endroit de ses compatriotes assuré que sa stratégie commencent par donner des résultats. En effet, il a souvent été présenté comme le véritable obstacle à l’application des engagements pris à Marcoussis en janvier 2003, ou des accords d’Accra qui reprécisaient les termes du premier accord. Cette tactique du «un pas en avant et deux en arrière» a exaspéré plus d’un médiateur dans le conflit ivoirien, mais au bout du compte c’est le président qui s’en tire le mieux. L’application des différents accords réduisait sensiblement son pouvoir, or il n’a jamais lâché aucune parcelle de ses prérogatives comme en témoigne sa décision de limoger certains ministres, dont Guillaume Soro, quitte à consentir à leur réintégration plusieurs mois plus tard.

Cette stratégie du pourrissement a fragilisé le mouvement rebelle qui vit d’ailleurs une situation très originale. Il occupe la moitié du territoire qui échappe donc au contrôle des institutions de la République mais participe au gouvernement de réconciliation nationale. La moitié nord du pays n’est plus sous administration centrale d’Abidjan avec tout ce que cela implique de blocage, d’isolement et de non-approvisionnement par les circuits légaux de la République. L’économie est lentement asphyxiée, dans certaines régions la distribution de l’eau et de l’électricité est devenue aléatoire sans oublier la disparition de certains services publics. L’alimentation en produits manufacturés est assurée par des commerçants qui s’approvisionnent au Mali et au Burkina Faso. Les prix sont restés raisonnables parce que «les Forces nouvelles ne prélèvent pas trop de taxes», confie un commerçant de Bouaké. La raréfaction des produits de première nécessité démobilise les populations qui avaient pris fait et cause pour le mouvement rebelle. 

Les populations commencent par douter

Par ailleurs la moitié nord du pays a très vite été assimilée par certains à une zone de non-droit participant à la dégradation de la sécurité dans la moitié nord du pays. Les règlements de compte entre militaires, doublés des discours politiques incohérents ont plongé les populations dans un profond doute sur la capacité des Forces nouvelles à gérer «le pays». A Abidjan on espère secrètement que les populations du nord ne se complairont pas dans précarité, que la «débrouillardise» dont elles ont fait preuve, aura une limite et qu’elles demanderont des comptes à ceux qui contrôlent militairement la moitié nord du pays.   

Pour l’heure, les bonnes intentions des uns et des autres alimentent les plans de reprise du processus de paix. L’Assemblée nationale réunie en session extraordinaire jusqu’au 30 septembre doit examiner des textes portant sur les réformes politiques. Le dernier accord d’Accra du 30 juillet 2004 prévoit que des dispositions légales encadrent le désarmement des parties en conflit qui devrait démarrer le 15 octobre. Selon des observateurs le délai serait difficilement respecté. Or, à cette échéance, sans éléments probants, l’ONU a prévu de mettre en marche sa machine à sanctions.

Sur le champ militaire les seules certitudes concernent le nombre de soldats sous mandat de l’ONU déployés en Côte d’Ivoire. L’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) compte quelque 6 000 soldats contre 4 000 de l’opération française Licorne. Les forces onusiennes sont dirigées par le général sénégalais, Abdoulaye Fall et se décomposent en contingents du Bengladesh, le plus important avec 2 700 hommes, du Bénin, du Ghana, du Maroc, du Togo et du Sénégal. Les forces françaises ne sont pas placées sous mandat de l’ONU mais peuvent lui servir de «force d’intervention rapide». Les casques bleus et les soldats de l’opération Licorne sont déployés dans le nord de la Côte d’Ivoire et occupent également une bande dite «zone de confiance» d’une largeur de 20 à 50 km allant de la frontière du Ghana à l’est à celle du Liberia à l’ouest. Entre les deux protagonistes, FANCI et Forces nouvelles, les troupes étrangères observent les interprétations des accords de paix auxquelles se livrent les Ivoiriens. Pour la partie gouvernementale, le désarmement est la pierre angulaire du processus du retour à la paix, alors que du côté de la rébellion on subordonne le désarmement à un accord politique.   



par Didier  Samson

Article publié le 20/09/2004 Dernière mise à jour le 20/09/2004 à 15:13 TU